Dead Zone : Une phase transitoire
(Thomas Fortun)
Comme déjà dit précédemment dans certains articles, Stephen King aborde souvent l’idée de deux personnalités : celle qui laisse paraître quand tout va bien, quand l’homme se domine, et celle que l’on remarque discrètement lorsque l’horreur s’immisce, lorsque l’homme ne peut plus faire confiance à ses sens.
Sarah Bracknell est inquiète au début de «Dead Zone» : elle compare Johnny à Docteur Jeckyll et Mister Hyde. Par la suite, lorsque le sergent appelle Herbert Smith pour lui apprendre l’accident, Vera Smith a sur son visage un masque de crème. Ce masque qui se détériore par ses larmes et laisse entrevoir son vrai visage. La phase entre le masque de crème et son visage naturel est un masque boueux et gluant. Il y a alors une vraie face, un masque et un stade entre les deux.
Dans le chapitre IV du roman : «La pelouse, si verte l’été, était pisseuse. Elle attendait que l’hiver la couvre pudiquement». «Gluant», «pisseuse», on pourrait donc supposer que ce stade entre les deux n’est pas un phénomène ordinaire, un phénomène naturel mais c’est bien le «mal» qui le provoque.
On retrouve ce thème dans l’histoire principale : le coma. Le mal s’immisce plus discrètement dans «Dead Zone» que dans les autres romans de King où il intervient de manière plus brutale. Le coma est une phase transitoire entre la vie et la mort. On dit plus loin dans le livre que «dans son état, on ne peut avoir de réaction humaine». Cette phase est donc inhumaine.
Dans le chapitre VI, on dit que le destin de Johnny est similaire à une roue de la fortune. D’ailleurs, il y a déjà des prémices au tout début du roman lorsque Sarah devient malade lors de l’épisode de la roue de la fortune à la foire. Cette comparaison nous ouvre donc les yeux : en effet, lorsque la roue tourne, ce n’est ni le noir ni le rouge qui est indiqué mais bien «un stade entre les deux».
A son réveil, Johnny sortait des ténèbres, démuni. Il avait changé. Il n’aimait pas cette sensation. Elle lui était répugnante.
Dans le chapitre IX, Sarah est de nouveau malade lorsqu’elle rend visite à Johnny. Le coma a été une période difficile pour Sarah. Et après un certain temps, elle a rencontré Walt. Johnny faisait alors partie de son passé. Mais le réveil de ce dernier change les données et repositionne Sarah dans une phase inhumaine, elle se trouve entre deux pôles : Johnny et Walt. Elle en devient malade et comme elle le dit à Johnny : «C’est injuste et cruel».
On en viendra donc aux dons de voyance de Johnny. En effet, il est resté plus de cinq ans dans cette phase transitoire, si bien qu’il est imprégné de cette atmosphère fantastique. Johnny lui-même ne se considère plus comme un être normal. Il n’aura plus le respect de lui-même. Pour lui, il n’est qu’une créature destinée à sauver les autres, humains…
29 février 2004
Thomas Fortun