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Divers

Steve’s Rag 06 – Soirée Stephen King et Kathy Bates au cinéma

Une Soirée avec Kathy Bates

(Lou Van Hille & Christophe Hayot)


Jeudi 05 octobre 1995. Il est 19 heures. Nous sommes dans le hall d’entrée du cinéma lillois U.G.C. et dans environ trente minutes, une soirée hors du commun va commencer. Nous pourrions vous dire qu’il s’agit d’une soirée ” Stephen King ” mais, pour les servants du Roi que nous sommes, ces soirées n’ont plus rien d’inhabituelles ! ! ! Non, il s’agit cette fois d’une soirée spéciale ” Stephen King & Kathy Bates “.

Une rencontre en deux étapes… Tout a commencé en 1991 avec le film MISERY, de Rob Reiner, adapté du roman de King. Kathy Bates y interprétait de façon splendide le personnage d’Annie Wilkes… C’est avec ce même film que débute notre soirée. Nous avons beau l’avoir déjà vu plusieurs fois, nous apprécions toujours autant cette adaptation cinématographique. L’humour noir de ce drame ne laisse pas le public indifférent. La salle, presque comble, tremble pour Paul Sheldon (interprété par James Caan) pris au piège dans l’antre d’Annie Wilkes… Mais nous reviendrons à MISERY dans un prochain numéro… Nous allons nous attarder aujourd’hui sur la seconde partie de la soirée…

DOLORES CLAIBORNE

Nous l’attendions déjà depuis de longs mois, et voici que le cinéma U.G.C. nous le propose 6 jours avant la sortie officielle sur les écrans français. Taylor Hackford, le réalisateur du film, nous réserve un bon nombre de surprises… Certaines très bonnes, d’autres beaucoup moins !

Un bon film :

L’action de DOLORES CLAIBORNE est censée se passer dans un commissariat tout au long de l’histoire. Dolores subit un interrogatoire et doit alors avouer comment elle s’est débarrassée de son mari Joe StGeorge, 22 ans auparavant, et cela afin de ne pas être accusée du meutre de Vera Donovan, la personne pour qui elle travaillait. Taylor Hackford a préféré une localisation différente. L’action n’est alors plus statique et centrée sur un seul et unique personnage (Dolores Claiborne) retraçant son passé, mais mouvante et principalement basée sur un rapport de face à face entre Dolores Claiborne et sa fille Selena StGeorge. Ces changements choqueront sans aucun doute les puristes qui attendent d’une adaptation cinématographique qu’elle soit le plus possible fidèle au roman. Ils sont cependant un véritable coup de Maître de la part du réalisateur. Le film entier devient alors une dualité continue : Le passé face au présent ; Dolores face à Selena ; Dolores face à Joe… Nous nous rendons tout à tour dans la demeure des StGeorge, de Vera Donovan puis dans divers lieux de Little tall Island. Taylor Hackford attache beaucoup d’importances aux décors changeants… aussi bien dans l’espace que dans le temps.

Le passé face au présent :

Taylor Hackford a très bien du se rendre compte à l’écran de l’importance du temps qui passe et de son rôle destructeur sur les gens et les choses… Il a pour cela principalement joué sur les couleurs. Le présent y est représenté comme terne, par des couleurs froides (bleu et gris en dominantes). Le passé, quant-à lui, devient une véritable palette de couleurs vives (vert et jaune principalement).
Hackford exagère même la vivacité des couleurs lors de la scène du meurtre de Joe, donnant à ce passage un côté cinéma hollywoodien des années 50 !
Le passé n’est pas, dans ce film, une suite de souvenirs flous, la plupart du temps en noir et blanc comme dans la majorité des films. Le présent (comme l’action se passe en automne) devient, en contraste avec les scènes décrivant le passé (dont l’action se situe en été), une représentation de la dégradation des choses et du poids de la vieillesse, thème dominant de l’histoire, puisque la dégénérescence est responsable du compromis.
Une des scènes les plus touchantes est d’ailleurs celle où Vera Donovan (merveilleusement interprétée par Judy Parfitt) prend conscience du côté destructeur du temps et de la pousse au suicide (Note : certaines personnes sont sorties de la salle bouleversées par cette scène très intense)

Le Chêne et le Roseau :

Le réalisateur du film a aussi mis l’accent sur le rapport Mère-fille, donnant alors au film une tout autre dimension. Dolores Claiborne y décrit la Force… Selena StGeorge en est l’opposée… Une petite fille fragile, traumatisée par des événements trop intenses pour elle…

Dolores et Selena s’affrontent tout au long du film ; la mère forçant la fille à voir les choses en face et accepter le sort… Cette situation rend Selena plus forte au moment crucial de l’action et le rôle de la mère et de la fille s’inversent… Autrefois, lors de l’interrogatoire sur la mort de Joe StGeorge, Dolores intervint au moment propice alors que Selena risquait d’offrir une faille à l’inspecteur de police John Mackey… La mère sauva la fille d’une tension insoutenable…

Dans le présent, lors de l’interrogatoire sur le décès de Vera Donovan, tout semble faire mur : Dolores Claiborne, mais c’est alors qu’intervient Selena qui retourne magistralement la situation à son avantage…

Comment ne pas penser alors à une phrase citée par trois fois dans le film : ” Il y a un moment pour une femme où elle doit savoir être garce “.

Mais Selena ne devient cependant pas le roc qu’est Dolores… La dernière image du film montre Selena StGeorge sur le bac, telle une petite fille perdue et abusée par la vie et le temps.

Le roman face au film :

En plus d’avoir changé le statique en mouvement, Taylor Hackford s’est aussi permis un petit changement dans l’ordre des choses. L’action ne commence plus au commissariat après la mort de Vera Donovan, mais chez cette dernière alors qu’elle se donne la mort. Ceux et celles qui ont lu le roman seront déçus par cette scène car il leur semble évident que Dolores n’a pas tué Vera dès le début du film (alors qu’il faut attendre un bon nombre de pages dans le roman)… Cependant, après avoir questionné beaucoup de personnes n’aillant pas lu le livre, cette scène reste pour eux une grande question : l’a t’elle tuée ou non ?… Notre vision d’adeptes du Roi déforme donc notre perception du film…

Flash-backs :

Un des traits de génie du film réside dans l’utilisation de souvenirs/visions… Hackford ne se contente pas de montrer d’un côté le présent puis de dire : ” Voilà, passons maintenant a quelques années auparavant “… Il nous montre les personnages du passé et ceux du présent sur un même plan, dans un même espace. On peut ainsi voir les personnages se souvenir de leur passé, à la fois en montrant l’expression qui se dessine sur leur visage, et les images de leur passé. Les souvenirs défilent alors comme un film à l’intérieur d’un autre film où les acteurs sont spectateurs !
Durant quelques secondes, le présent et le passé se mélangent, un peu comme lorsque l’on se perd dans nos pensées… Un procédé de tournage ingénieux, original et très efficace ! Il n’est pas évident de rendre à l’écran les pensées d’un personnage… Hackford l’a fait !

Misery Claiborne :

On peut aisément faire deux rapprochements à MISERY

Tout d’abord, il s’agit de la scène précédant le suicide de Vera Donovan. Dolores est alors dans la chambre de sa patronne (qui ne peut se déplacer sans fauteuil roulant). Un petit dialogue entre Vera et Dolores nous rappelle alors certaines scènes entre Paul Sheldon et Annie Wilkes. Le même ton. La même intensité.
Ensuite Dolores déclare tenir un album des articles écrits par Selena. Elle les fait retenir et les collectionne tous. Elle est sa plus ” fervente admiratrice “… Cela ne vous rappelle t’il pas quelqu’un ?

Erreurs et oublis :

Deux erreurs ont cependant échappé à Taylor Hackford !
La première concerne un point de vue astronomique La prochaine éclipse totale de soleil au dessus du Maine n’aura pas lieu en 1996 mais le 11 Août 1999
La seconde erreur concerne les enquêtes de l’inspecteur John Mackey. Au début du film, il annonce en avoir gagné 89 sur 90, son seul échec étant la mort suspecte de Joe StGeorge… A la fin du film, son ” tableau de chasse ” devient 85 victoires sur 86 enquêtes… Où sont passées les 4 autres ?
On peut aussi reprocher à Taylor Hackford d’avoir commis certains oublis trop importants pour faire du film une bonne adaptation
Comme nous venons de le voir, il est indéniable que, sur le plan purement cinématographique, le film DOLORES CLAIBORNE est plein de qualités qui en font un bon film.
Néanmoins, si l’on considère DOLORES CLAIBORNE non plus en tant que film mais en tant qu’adaptation du roman (du même nom) de Stephen King, nous sommes bien obligés de lui reconnaître un certain nombre de défauts.
Notre propos n’étant pas de chercher des différences sur des petits détails sans grande signification, ce qui s’apparenterait plus à de l’érudition, du pinaillage, qu’à une tentative d'” analyse “, attachons nous plutôt à des éléments qui nous donnent l’impression que le film trahit le roman.

En effet, le roman repose essentiellement sur l’opposition, l’affrontement entre une femme relativement âgée, fatiguée par la vie, ” usée ” et un policier qui cherche à tout prix à prouver sa culpabilité. Dans l’adaptation cinématographique, ce combat devient une bataille entre le même policier mais qui trouve en face de lui non plus une personne mais deux puisque Dolores est sans cesse épaulée par sa fille Selena, alors que cette dernière n’apparaît qu’à la fin du roman dans lequel elle est traitée plus comme une référence qu’un ” personnage-acteur “.

On ne retrouve pas dans le film cette sorte de huis clos qui, dans le roman, vient renforcer la sensation d’oppression qui s’exerce sur Dolores. Au contraire, les scènes filmées en extérieur abondent, ce qui, soit dit en passant, a le mérite de nous faire découvrir la superbe province de la Nouvelle-Ecosse, au canada, qui ressemble en de nombreux points au Maine voisin, où l’action est supposée se dérouler.
L e traitement même du personnage de Dolores Claiborne pose problème dans le film. Nous la sentons assez faible, vulnérable, prête à craquer et avouer tout ce dont on pourrait l’accuser, tandis que dans le livre, c’est l’inverse et c’est une impression de force qui se dégage de Dolores, notamment dans le vocabulaire qu’elle utilise. Il faut en effet se sentir fort pour parler de façon plus que familière à quelqu’un qui représente l’autorité du système judiciaire et qui pourrait vous envoyer en prison pour le restant de votre vie. Il faut aussi se sentir forte pour donner des ordres à un officier de police dans son propre commissariat en lui rappelant qu’on l’a pratiquement vu naître , le menaçant presque de lui donner la fessée s’il ne se comporte pas comme un bon garçon et qu’il ne fait pas ce qu’on lui dit de faire.

Et pour finir, l’élément central de l’histoire, à savoir la mort de Vera Donovan, pose problème. Dans le film, une réponse nous est donnée : Dolores n’est pas mort de sa patronne, alors que dans le roman, ce n’est pas dit. Dans le livre de King, nous n’avons que la version de Dolores. C’est en quelque sorte sa parole contre celle de ses accusateurs. Cela fait-il de Dolores une innocente ? Rares sont les procès dans lesquels l’accusé ne clame pas son innocence, ne met pas en garde les jurés contre l’erreur judiciaire, ne prétend être que la victime d’un complot… Dans le roman, il n’y a pas un narrateur omniscient qui viendrait renforcer les affirmations de Dolores, ou les contredire. Ceci est un point qui occasionne de grands débats entre les Kingiens partisans du ” Dolores est coupable ” et ceux qui défendent la thèse du ” Dolores est innocente “.

En tout état de cause, on ne peut nier que dans le film on transforme la cause même de la mort de Vera en la présentant comme un suicide alors que dans le livre elle est victime d’une nouvelle crise de delirium tremens durant laquelle elle voit des serpents dans son oreiller et se croit poursuivie par des moutons de poussière (les ” dust-bunnies “) qui cherchent à l’étouffer… Et c’est en les fuyant qu’elle tombe dans l’escalier.
Comme c’est souvent le cas en ce qui concerne les adaptations des œuvres de Stephen King à l’écran, il n’est pas possible d’en avoir un jugement global. Il est nécessaire de séparer la dimension purement cinématographique de la dimension ” adaptation “. Et encore une fois, nous sommes bien obligés de reconnaître la grande qualité du film en tant que tel, mais également la qualité moyenne de l’adaptation du roman puisque même si globalement l’histoire est respectée, on ne retrouve pas l’atmosphère de l’œuvre écrite.





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