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Divers

Steve’s Rag 22 – Dentier Claqueur : une nouvelle qui a du mordant

Dentier Claqueur

(Lou Van Hille)


UNE NOUVELLE QUI A DU MORDANT

Dans le cas où vous n’auriez pas encore lu cette nouvelle (que l’on retrouve dans le recueil « nightmares and dreamscapes »/ »rêves et cauchemars »)- si c’est le cas, je vous conseille vivement de la lire- voici un petit résumé de l’histoire.


William I. Hogan, dans un petit magasin paumé au cœur du Nevada, fait l’acquisition d’un jouet pour son fils Jack… Le jouet est un dentier mécanique monté sur des pieds grotesques. William, après son achat, décide de reprendre la route pour rejoindre sa famille. En chemin, il prend à contrecœur, un auto-stoppeur dans sa voiture. Une tempête monte et les deux se retrouvent isolés dans une atmosphère tendue. Le jeune passager s’avère être un délinquant, qui tente de prendre possession des biens de Hogan… Les deux hommes s’affrontent entraînant un inévitable accident. Alors que tout paraît désespéré pour Hogan, le dentier claqueur se met alors en marche et élimine le jeune délinquant…


« Chattery Teeth » est une véritable farce chargée d’humour noir et de fatalité. Tout est exagéré à l’extrême dans la nouvelle, rendant un effet comique et un peu irréel. Nous, lecteurs, sommes plongés dans une fantaisie semblable aux vieux films Hollywoodiens des années 40.


Hogan, dans le magasin, se trouve face à un présentoir rempli de « fabuleuses cochonneries » dès le début de l’histoire. Une opposition apportant le ton de l’histoire. Hogan est ensuite confronté aux propriétaires du magasin. D’un côté, la femme décrite par les termes « grosse », « gros », énorme, plusieurs mètres de toile ». De l’autre côte, le mari représenté comme « décharné ». Une nouvelle opposition renforçant l’idée d’improbable et de farce. Hogan se retrouve face à deux extrêmes. Nous découvrons ensuite le jeune homme que Hogan prendra en stop. Hogan le perçoit comme « un rat intelligent à la patte crasseuse ». Cette métaphore nous apporte l’image d’un personnage de dessin animé… King nous décrit d’ailleurs le dentier claqueur comme « le champion du lot », « doté de grandes chaussures de clown (« cartoon » dans la version originale) orange ». Nous voyons ainsi que dès le début de l’histoire, King nous met face à une farce.


Une farce cependant promise à un certain malaise et à une certaine fatalité.


Le malaise apparaît avec le mari qui s’avère être atteint d’un cancer du poumon (Note : La mère de Stephen King est décédée en 1973 d’un cancer des poumons).


On découvre ensuite que tout objet de valeur ne vaut en fait plus rien. Le dentier claqueur coûte « en principe $15,95 ». Mais il est maintenant cassé et ne vaut plus que $3,00… Pour finir Hogan fait l’acquisition du dentier claqueur gratuitement. Le loup ( qui est en faut un coyote du Minnesota) wolf (note : le compagnon de voyage de Jack Sawyer dans le « talisman » s’appelle wolf… remarquons aussi que le fils de Hogan se prénomme Jack!!!), « l’attraction vedette » ne vaut plus qu’un dollar…


Scooter, le propriétaire du magasin, ajoute ensuite  » à cinq (dollars) je vous refile la boutique. Elle ne vaut plus un pet de lapin depuis qu’il y a l’autoroute ».


Tout est terni et a perdu de sa valeur avec le temps. Il y a bel et bien une opposition entre le passé et le présent.
Le jeune homme « rat » est montré d’abord sous une apparence pure digne de l’enfance par les termes « grands yeux innocents « ,  » boudeur » et « gosse ». Mais Hogan le trouve « désagréable » et un peu inquiétant… Comme si une fatalité était prête à s’abattre sur lui.


Cette fatalité peut être aussi perçue dans l’utilisation des couleurs. Comme nous l’avons déjà vu de nombreuses fois, Stephen King utilise une palette de couleurs pour décrire des sentiments ou des événements latents. Les couleurs dominantes du début de l’histoire sont le rouge et l’orange qui représentent le dentier claqueur. Ce sont les couleurs de l’arrêt et du rituel du passage (le rouge) ainsi que de l’angoisse et de la mort (l’orange). Les couleurs qui décrivent le jeune auto-stoppeur sont celles de ses yeux : gris et vert, qui représentent la paranoïa, la décadence et le trouble… Comment, alors, prévoir une suite positive des événements ?


Hogan quitte alors le magasin et prend le jeune homme en stop dans sa voiture bleue (couleur de folie et de meurtre). L’auto-stoppeur dit s’appeler « Brian Adams », qui est le nom du chanteur de la cassette qui se trouve sur le tableau de bord du véhicule. On peut se dire alors : « non, il n’a pas osé ! » et pourtant si ! La farce continue dans l’exagération. Hogan est conscient du mensonge du jeune homme, mais cependant fait comme si de rien n’était… Laissant le destin venir à lui.


On apprend alors qu’Hogan a déjà eu un incident avec une auto-stoppeuse dans le passé et tout tente à montrer que des événements similaires sont sur le point de se reproduire.


Au sein de la tempête de sable qui les entoure, tout semble devenir étrange. « De temps en temps surgissait au milieu des tourbillons de sable, la silhouette d’une voiture ou d’un camion, sorte de fantôme préhistorique aux yeux ronds et aveuglants (…) ». De nouveau, le lecteur est mis face à une certaine fatalité qui lui dit : « ils auront un accident »… Un peu plus loin, une autre image renforce cette idée alors qu’un « Iroc Z avec des plaques de Californie et le Dodge (…) se croisèrent à la même vitesse que deux très vieilles dames dans les couloirs d’un hospice ». Tout a alors « l’air de sortir d’un vieux film des années 40 », comme « un polar en noir et blanc ».
C’est alors que tout commence à basculer et que « Brian Adams » montre son véritable visage. Hogan regrette alors de « ne pas pouvoir remonter le temps » (la notion de temps est très présente dans cette nouvelle… tout comme dans la plupart des œuvres de King).


On apprend ensuite que Hogan ne veut pas prendre l’avion car, en 1982, l’avion, dans lequel il se trouvait, s’était écrasé… King a lui aussi, peur de prendre l’avion et il nous parle de cette phobie dans un bon nombre de ses histoires (une façon comme une autre d’exorciser ses peurs).


La fatalité pressentie depuis le début de l’histoire se dévoile alors quand « Brian Adams » déclare : « pas de doute, t’es condamné aux mauvaises expériences parce que tu vas pas tarder à en connaître une autre ».
King nous rassure ensuite en nous précisant que « c’est ainsi, NORMALEMENT, que les choses doivent se passer ». Ceux qui penseraient encore avoir mal compris l’histoire du fait des exagérations sont alors content d’apprendre par King en personne que même si l’histoire semble étrange, c’était bel et bien l’intention de Stephen King.


Une autre teinte de fatalité apparaît un peu plus loin alors qu’Hogan comprend qu’il était déjà trop tard ».
King joue continuellement avec l’absurde et nous conduit à son extrême lorsqu’il compare le fait d’être enfermé dans une voiture dont le toit glisse sur le sol avec une boîte de conserve. Il écrit : « Ça doit être l’impression qu’on a quand on est enfermé dans une boîte de conserve et que quelqu’un s’y attaque avec un ouvre-boîtes. »
Alors que tout semble perdu pour Hogan, son dernier réflexe pour se protéger relève lui aussi de l’absurde… dans un monde « normal »… Il demande au dentier claqueur de le protéger et lui hurle « mords-le ! Coupe-moi les doigts de ce salopard tout de suite ! »


C’est là que notre vision de la normalité et de l’absurde éclate. Le dentier claqueur se met alors en marche et élimine « Brian Adams ».


Le dentier claqueur disparaît…


Nous nous retrouvons finalement (et comme par enchantement) un an plus tard, dans la même boutique qu’au début de l’histoire. L’absurde du départ semble avoir été annihilé. Le magasin n’est plus le même. Scooter n’est plus et son épouse a perdu 20 kilos. Tout semble être rentré dans l’ordre, comme si les événements passés avaient du se produire pour rétablir la normalité des choses…


    Dans le style d’une fin  » à la quatrième dimension « , le dentier claqueur est réapparu comme par miracle au magasin, dans l’attente du retour de Hogan…


    Hogan part alors avec le dentier claqueur, devenu son  » ange gardien « …

    Cette histoire bien que différente n’est pas sans rappeler « the monkey/le singe » dans le recueil « Skeleton crew/Brume », dans laquelle un autre jouet décide de vie ou de mort (plus souvent de mort !!!).
    Chez King, même un jouet peut devenir diabolique !…

Lille, 1996





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