Mister Jingles :
Une souris qui domine les hommes
Thomas Fortun
18 Août 2003
«La Ligne Verte», superbe roman, apprécié par tous, y compris pour ceux qui n’aime pas spécialement les romans de King. Mais celui-ci est différent, il a d’ailleurs pas fallu attendre un long moment pour le voir apparaître sur notre grand écran, et pas seulement un petit film de seconde zone mais un grand film avec Tom Hanks en tête d’affiche. Tom Hanks qui incarne ici Paul Edgecombe. Ce gardien de prison qui doit gérer au mieux le bloc E avec l’aide des autres gardiens, il s’occupe de John Caffey, grand mystérieux qui aurait tué les jumelles Detterick, aussi Edouard Delacroix et autre indien… Mais parmi tout ce beau monde, un seul personnage va faire la mise en scène, un seul personnage va les lier -positivement aussi bien que négativement- les uns aux autres, un seul personnage va avoir une grande influence sur les personnages et donc bien logiquement sur le récit. Ce personnage est très discret, pas bien grand. Celui-ci est d’autant plus inhabituel qu’il s’agit d’une souris…Mister Jingles comme le nommera plus tard Delacroix.
Un guide pour le lecteur
Comme on le voit dès ses premières apparitions, Mister Jingles s’approche facilement des hommes « bons » et évite au maximum d’être en contact avec les « mauvais ». Le lecteur peut donc connaître sans difficulté à quel degré un personnage est « mauvais » suivant que Mister Jingles est souvent en contact avec lui. Nous savons à quoi nous en tenir, malgré les meurtres de Delacroix, ce dernier n’est peut-être pas aussi méchant que nous n’aurions pu le croire. Nous nous attachons donc logiquement à Delacroix, un hasard ? Pas du tout, étant donné ce qui arrive par la suite dans l’épisode 4 « La mort affreuse d’Edouard Delacroix ». Cette mort « choque » vraisemblablement le lecteur. Et de la tristesse pour le Français en résulte une haine terrible envers Percy Wetmore. La chaîne qui commence à partir de Mister Jingles nous mène à Wetmore. Percy sera LE personnage que l’on va détester tout au long du récit. Mais King met en place d’autres moyens pour le détester.
Percy tue Mister Jingles. Ceci est encore un moment qui accentue notre haine envers ce « méchant », il annonce la mort affreuse de Delacroix car c’est dans ce passage que l’on se rend compte qu’il peut vraiment faire du mal. Mais ce n’est pas tout, quelques moments plus tard, en contraste avec le « mal » de Percy, nous nous apercevons du « bien » de Caffey en sauvant la souris. Le lecteur va remettre en doute l’idée que le géant aurait pu tuer les jumelles. On va donc s’attacher à Caffey mieux que nous l’avions fait pour Delacroix et sa mort dans le sixième épisode nous sera totalement insupportable. Mister Jingles établit de manière très indirecte de nombreux sentiments au cœur du lecteur. King n’omet jamais de décrire la réaction de la souris dans les moments clés.
La souris du troisième âge : conclusion
A la fin du récit, Mister Jingles est le seul personnage qui prouve que le récit de Paul s’est bien passé. C’est en partie grâce à lui qu’il écrit ce qu’il s’est passé en 1932 dans une prison du Cold Mountain sans quoi, nous n’aurions pas ce livre entre les mains. Lorsqu’elle meurt, cela montre symboliquement à Paul que tout est fini pour lui, tout le monde est mort et qu’il ne lui reste plus qu’à mourir lui aussi. La fin de « La ligne verte » est un peu noire, morne, aussi noir que le bloc E. Paul attend, Caffey est retourné auprès de Dieu, Wetmore en enfer et pour Mister Jingles, on ne sait pas. Elle peut-être à Souris Ville tout compte fait, où Delacroix aura payé 5 cents pour venir la voir…(peut-être devrait-il prendre un abonnement)