Au-dela de ses peurs :
Les informations concernant la retraite du Roi de l’Horreur semblent avoir été fortement exagérées
(Bettijane Levine)
Times
Publié pour la première fois le 28 mars 2003.
Stephen King offre un chewing-gum à une passante mais celui ci décline l’offre.
« Mais c’est à la fraise », argumente-t-il.
« Plus tard, peut-être », concède-t-elle.
« Génial », lui répond King avec enthousiasme. « Ma mère me disait qu’une fille qui mâche finira pour fumer. Si elle fume, elle finira par boire. Si elle boit, elle sera prête à faire n’importe quoi de mal ».
Rares sont les auteurs qui commencent une interview en parlant de leur mère tout en faisant des bulles avec leur chewing-gum. Mais King, l’incontrôlable héros culte de l’horreur, est l’écrivain d’épouvante le plus riche et le plus prolifique de la planète. Et il peut se permettre d’avoir n’importe quelle attitude irritante digne d’un adolescent. Et cela bien qu’il ait 56 ans.
Depuis « Carrie, » écrit à l’âge de 24 ans – en passant par « Christine, » « Cujo, » « Salem’s Lot (Salem)« , « The Shining (Shining – L’Enfant Lumière)« , « Pet Sematary (Simetierre)« , « Misery« , « The Shawshank Redemption (La Rédemption de Shawshank / Les Évadés)« , « The Green Mile (La Ligne Verte)« , et la liste ne s’arrête pas là — King a écrit de un à deux livres par an, en moyenne, chaque année de sa vie. A ce jour, près d’un milliard de ses ouvrages sont en circulation.
Et Presque chacun d’entre eux ont été adaptés à la télévision ou au cinéma. « Dreamcatcher » est le dernier en date.
La semaine dernière, la Warner Bros. a loué le 11ème étage complet d’un hôtel de Westwood afin que King puisse parler de son tout dernier film (basé sur son roman publié en 2001) à la presse. Les gars du studio qui entouraient King avaient tous une coupe de cheveux brillante et Hollywoodienne et portaient des costumes taillés sur mesure. Cela rendait, par contraste, King encore plus décontracté : Les cheveux en désordre ; des baskets assez abîmées aux pieds ; un jean délavé ; un T-shirt pendant sur son imposante silhouette de 1 mètre 92 et de 82 kilos. Mais quand vous êtes Stephen King, qui avez vous à impressionner ?
Et, pour en finir, il impressionne tout le monde. Stephen King y fait attention. Il nous apparaît tel une goule sentimentale – Oups, un gars sentimental. Il porte toujours son alliance à 7,50 dollars après toutes ces années. (Tabitha King, son épouse depuis 32 ans, a perdu la sienne depuis longtemps). Il affirme qu’il ne se formalise pas sur sa santé, sa famille, sa capacité à écrire ou sa monstrueuse et terrifiante imagination énigmatique. En fait, il ne savait même pas s’il serait capable d’écrire à nouveau après avoir été renversé par une camionnette alors qu’il marchait le long d’une route de campagne dans le Maine en 1999. Il n’avait survécu que de peu à ses blessures.
« Dreamcatcher », premier roman imposant après cet accident, a prouvé que ses horribles monstres suceurs de cerveaux ne l’ont pas abandonné. Il a aussi prouvé qu’il pouvait toujours surprendre les critiques, qui ne l’ont jamais classé dans l’élite littéraire. Ils devaient maintenant se battre pour trouver des mots familiers et amicaux pour décrire ses nouvelles créatures. Ce sont des fouines extra-terrestres gluantes répandant la maladie autour d’elles, qui s’introduisent dans les intestins d’un individu et causent toutes sortes de dommages corporels. Une fois introduite à l’intérieur, rien ne peut plus vous sauver. Quand elles vous quittent, par le postérieur, après avoir causé de nombreux dégâts, vous ne pouvez qu’être mort.
« Les bonnes histoires d’horreur vous emmènent au-delà des tabous, dans un territoire sans limites” explique King. Mais il ne reste plus que peu d’endroits hors limites. « La chambre était un tabou autrefois. Maintenant, la caméra y entre directement et observe tout ce qui s’y passe ».
Selon King, la salle de bains est le dernier endroit encore tabou.
« C’est un territoire encore vierge pour la camera. Et certaines des choses les plus horribles de notre vie sont vécues pour la première fois dans la salle de bains. C’est là que vous retirez vos vêtements, que vous vous regardez dans le miroir. C’est là que vous effectuez certaines fonctions éliminatoires et c’est là où, dans de nombreux cas, nous voyons le premier indice que quelque chose ne va plus en nous. »
Finalement, les critiques ont apprécié le livre, qui parle aussi d’un groupe d’hommes sincères, qui sont amis depuis leur enfance et qui rencontrent les fouines extra-terrestres alors qu’ils viennent de commencer leur partie de chasse annuelle dans les forets du Maine. Le film, réalisé par Lawrence Kasdan, et dont le scénario fut écrit William Goldman, a reçu un accueil chaleureux de la part des critiques.
King aime-t-il le film ? « Si ce n’était pas le cas, je ne serais pas assis ici en ce moment. Je serais chez moi », déclare-t-il. « Mais ce qui est plus important : est-ce que vous, vous avez aimé le film ? », demande-t-il.
C’était terrifiant. J’ai dû souvent me mettre les mains devant les yeux.
« Heureux de l’entendre”, ajoute-t-il.
Mais pourquoi des histoires d’horreur alors qu’en ce moment, la vie elle même est une histoire d’horreur. King se redresse sur son siège, soudainement sur ses gardes. « Une histoire d’horreur vous permet d’examiner les choses qui vous dérangent, au travers d’un moyen de transport qui n’est autre qu’illusion. Les gens aiment entrer dans un monde imaginaire où ils peuvent se faire peur, mais dès que les lumières se rallument ils savent que tout redeviendra normal ».
King ajoute que malheureusement la guerre avec l’Irak n’est pas imaginaire. Et bien qu’il pense qu’une fois la guerre commencée, il faut rester unis et faire front, il continue à croire que c’est « une aventure malsaine et irraisonnable ».
Que se passera-t-il ensuite ?
King semble souffrir alors qu’il continue de parler. Bien que son accident a eu lieu il y a un peu plus de quatre ans, sa jambe continue à lui faire mal. Elle fut brisée en de nombreux morceaux, tout comme sa hanche. Sa colonne vertébrale fut endommagée en cinq endroits et un de ses poumons fut sévèrement abîmé. King installe un support pour sa jambe, puis le retire. Il allonge sa jambe par dessus le bras du siège, mais ne trouve pas d’apaisement dans cette position. Il repose alors sa jambe au sol. Il doit faire des séances de rééducation quatre fois par semaine, déclare-t-il. Il espère pouvoir finalement faire son retour sur des courts de tennis ou pouvoir effectuer d’autres activités naturelles.
De récents articles ont annoncé que King prendrait bientôt sa retraite mais ce n’est pas tout à fait vrai, affirme-t-il. « J’aime écrire… Et s’il y avait un ouvrage que j’aimais et si je le trouvais vraiment bon, je le publierais. Mais je pense réellement avoir tout dit en termes d’histoires. Vous arrivez à un moment de votre vie où, non seulement vous commencez à vous répéter, mais vous commencez aussi à penser que vous êtes important… Ce qui veut en fait dire que vous commencez à devenir ennuyeux et radoteur. Je dois vraiment faire attention à cela ».
Il n’a plus de contrat à long termes ou d’obligations avec qui que ce soit, ajoute-t-il. « J’ai une obligation morale, avec John Mellencamp, scellée par une poignée de main. Je dois écrire un livre pour une comédie Musicale à Broadway. J’ai déjà commencé le premier jet. L’histoire est basée sur un fait réel qui s’est produit dans les années 40 en Indiana. Deux frères étaient tombés amoureux de la même fille. L’un des deux à fini par tuer l’autre. J’aime cette idée. Sinon, à part cela, je n’ai plus rien d’autre de prévu ».
Plus rien d’autre ? Ce n’est pas tout à fait vrai. Il travaille aussi en ce moment sur les 13 épisodes de la série TV « Kingdom Hospital » qui sera diffusée sur ABC et qui sera produite par King en personne. Ensuite, il a aussi les trois derniers romans de la série « The Dark Tower« . « Je l’ai commencée quand j’avais 22 ans. Les gens n’ont cessé de se demander quand je la terminerais. Et moi aussi ». Le premier de ces romans, qui achèveront la série, sera publié en novembre. Les deux autres sont écrits « mais doivent être affinés avant d’entrer dans la procédure éditoriale. Mais si je venais à mourir aujourd’hui, ils pourraient tous les trois être publiés. L’histoire serait terminée ».
Et, ce qui semble le plus vraisemblable, s’il ne venait pas à mourir dans les prochaines heures ?
« Qui peut prédire ce que je vais faire ? Sûrement pas moi. »
King s’est construit un chemin bien tranquille, quoi qu’il puisse se passer.
« La Bible dit de donner 10% en offrande », ajoute-t-il, « alors 10% de tout ce que l’on fait tout au long de l’année doit revenir à la communauté. Si je fais, disons, 20 millions de dollars par an, alors, 2 millions seront redistribués ».
D’après Forbes, les revenues annuels de King sont estimés à près de 60 millions de dollars. C’est probablement pour cette raison que dans le Maine, tant de bibliothèques, d’hôpitaux, d’étudiants et d’école, sont si reconnaissants de voir King continuer d’habiter dans cet état des États-Unis.
La famille King aime tout particulièrement faire des dons pour les bourses d’études des étudiants, pour les écoles et pour les bibliothèques. Sûrement parce qu’ils ont été eux-mêmes autrefois des étudiants sans grands revenus. King a étudié à l’Université du Maine. C’est là où il a commencé à écrire ses premiers romans, qui finissaient soit dans le tiroir, soit à la poubelle. C’est aussi là où il a rencontré son épouse. Ils y ont commencé leur vie maritale dans un camping-car, effectuant, pour survivre, divers emplois sans qualification, jusqu’à ce que King obtienne un poste d’enseignant. Il se mit à écrire, durant son temps libre, un roman à propos de Carrie, une adolescente solitaire et tourmentée, dotée de pouvoirs de télékinésie, qui finit par en venir aux meurtres. King jeta le roman à la corbeille mais son épouse le récupéra. Elle le lit et lui dit que c’était un ouvrage assez bon pour être publié.
King a déclaré dans plusieurs interviews qu’elle est intervenue plusieurs fois par la suite et avait changé sa vie. Il y a plusieurs années, elle a organisé une intervention afin de sauver son époux accroc à l’alcool et à la drogue. Il déclare que depuis ce jour, il n’y a plus touché et est resté parfaitement sobre. Si on ne prend pas en compte les chewing-gums.
Copyright © 2003, The Los Angeles Times
(Traduction : Lou Van Hille)