Pet Sematary/Simetierre
(Aline Everaed)
Un Roman Très Sombre…
La Mort.
La mort est omniprésente dans PET SEMATARY, même là où on s’attend le moins à la trouver.
D’abord dans les deux cimetières bien sûr, celui pour les animaux et celui des Micmacs, derrière la maison des Creed. L’histoire personnelle de Louis et Rachel Creed renferme également deux morts : celle de la cousine de Louis et celle de la sœur de Zelda, toutes deux mortes jeunes et quand Louis et Rachel étaient eux aussi très jeunes de ce fait, ces deux morts les ont profondément marqués. De plus, pour Louis, c’était sa première » expérience » de la mort et celle de sa cousine a été très violente. Quant à Rachel, la mort de sa sœur a été très lente et pénible, l’obligeant à côtoyer le visage de la mort longtemps, et même trop longtemps pour son bien.
L’oncle de Louis, auquel il est fait référence plusieurs fois, était un entrepreneur des pompes funèbres, le métier le plus proche de la mort. Quant à louis, son métier de médecin l’oblige à gagner sa vie en luttant contre la mort, à lui faire front constamment. Et elle sait se défendre… Les voisins des Creed à Ludlow sont les Crandall et Mme Vinton, tous trois des personnes âgées, arrivées à l’automne de leur vie, attendant que la mort vienne les chercher. En parlant d’Hiver…même les saisons donnent cette atmosphère de mort. Le roman commence fin septembre, c’est-à-dire au début de l’automne. C’est donc le début de la mort de la Nature, les jours deviennent de plus en plus sombres car le soleil y occupe une place de moins en moins importante… L’hiver fini, ce n’est pas longtemps le printemps pour les Creed puisqu’à la mi-mai leur fils meurt. Le roman s’achevant peu après, l’été n’y aura pas sa place. Sauf peut-être l’été indien, mais » indien « …tout comme la nationalité de Surrenda Hardu, ne peut que rappeler le cimetière des Micmacs et son pouvoir malsain et meurtrier. Et la mort s’insinue même dans les détails : le cerf-volant de Gage s’appelle » l e vautour « , ce qui est certes inhabituel pour amuser les enfants. La mort est encore là, insidieuse, à travers l’image d’un animal qui se nourrit de charognes sur un morceau de toile.
Beaucoup de Mort surtout. Une Mort étouffante, menaçante, obsédante et qui finit par tenir les Creed à sa merci. Mais la mort, s’il est le plus important, bien sûr, est loin d’être le seul thème du roman.
La Famille.
Stephen King parle beaucoup du regard des parents sur leurs enfants, de leur amour pour eux, ainsi que du reflet d’eux-mêmes qu’ils leur renvoient. l parle aussi de l’importance des paroles des parents pour leurs enfants et du danger des mensonges et des secrets. L’image qu’il nous donne de la famille est celle d’une famille-modèle (le père, la mère et deux enfants : une fille et un garçon) très unie. Il la compare à un » cercle magique » qui protège des mauvaises choses. Mais les mauvaises choses arrivent quand même et, au fur et à mesure, chacun des membres de la famille se détache des autres au lieu de s’unir pour y faire face. La famille de Rachel elle aussi se divise face à la mort et il y a également un malaise après la mort de Zelda, les parents donnent trop à leur fille et à leurs petits-enfants sans toutefois pouvoir donner l’essentiel. (Notons que les Creed sont à l’image de la famille King. Il n’y a qu’à regarder les dédicace de nombreux romans de Stephen pour s’apercevoir de la place que tiennent ceux-ci.)
LES ANIMAUX
Tout commence par le Simetierre bien entendu… Tous ces animaux enterrés derrière la maison des Creed peut faire penser à une sorte de zoo car il constitue en quelque sorte un lieu de tourisme local. Un zoo très particulier cependant…Church ensuite, imprévisible, indépendant et plein de mystère comme le sont les chats. Il fait ici beaucoup penser à un fauve en miniature, surtout lorsqu’il commence à déchiqueter le corps de rats et d’oiseaux. Le Wendigo bien sûr, sorte de lézard géant, difforme, aux yeux jaunes (qui évoque le danger chez King… voir Steve’s Rag numéro 1.5).Ce n’est pas par hasard non plus si le livre préféré d’Ellie est Where the Wild Things Are ,qu’à l’aéroport elle veuille que son père lui achète une histoire où un petit noir se fait déchirer les habits par des tigres… Tout comme les céréales préférées de Gage : les » Cocoa Bears » (des ours ?!?).Avec le Vautour, le paysage animalier des enfants Creed est loin d’être charmant. Et tous ces animaux menaçants ajoutent à l’atmosphère déjà très pesante…
LE TEMPS
Louis, quand il revient de » l’enterrement » de Church dans le cimetière des Micmacs, se rend compte qu’il n’est que 20h30 alors qu’il croyait qu’il était beaucoup plus tard. Le cimetière des Micmacs a donc, avec celui d’augmenter la température ambiante de 20 à 30 degrés, le pouvoir de modifier la perception du temps. Rachel, quant à elle, perd un moment sa perception normale du temps après la mort de Gage. Il est sûr que, face à la mort, le temps n’a plus grande importance…
D’autre part le temps fait disparaître les morts de notre mémoire, petit à petit et c’est justement ce que louis Creed ne peut accepter et c’est ce qui se retourne contre lui.
Ces thèmes contribuent eux aussi à une atmosphère très lourde, à un climat très pessimiste. Stephen King semble las, dans une période sombre, très sombre, où, avec ses réflexions sur la vie, la mort, la famille, l’amour, le temps… semble avoir mis beaucoup de lui-même, peut-être même beaucoup plus que d’habitude. D’ailleurs Louis Creed, dans le roman, a un âge similaire à celui que Stephen King avait à l’époque où il a écrit Simetierre, 35 ans. Et ce détail nous mène à…
DETAILS FAMILIERS ET REMARQUES
Simetierre rappelle d’autres romans ainsi qu’une nouvelle en particulier de Stephen King.
La forêt, pleine d’un pouvoir maléfique et baignée par une lumière verte, rappelle beaucoup celle de The Tommyknockers à la différence près que dans Pet Sematary on entend ce qui, aux dires de Judd, semblent être des bruits d’oiseaux (NDLR : les oiseaux sont dans l’œuvre kingienne des psychopompes c’est-à-dire des conducteurs d’âmes).Dans les deux romans la forêt maîtresse, dangereuse, à la source d’un pouvoir immense.
Judd raconte que son chien Spot s’est pris dans du fil barbelé en courant après un lapin , et est mort de l’infection de ses blessures. C’est également en courant après un lapin que Cujo a attrapé la rage (en tombant dans une grotte remplie de chauve-souris) (NDLR : et qu’il est mort de son infection). Un petit détail encore: Louis, quand il creuse la tombe pour Church dans le cimetière Micmac, se fait la réflexion que c’est une tombe » cadillac » pour un stupide chat. On comprend le clin d’oeil à Dolan’s Cadillac/La Cadillac de Dolan (in Nightmares and Dreamscapes/Rêves et Cauchemars), où le héros creuse une » tombe » pour y enterrer une Cadillac ..!
On pense beaucoup à » It/Ca » quand Louis pense à Disneyworld en Floride avec Mickey, Dingo, etc… et quand on parle du magicien d’Oz qui s’y promène. Un chapitre se termine en disant que les personnages de Disney » avalent » les mains des petits enfants confiant…l’univers enchanté de l’enfance se trouve bouleversé et transformé en un monde inquiétant où il faut se méfier de tous…et de tout…de la mécanique par exemple.
Victor Pascow et la cousine de Louis Creed se font tous deux renverser violemment par une voiture. Gage et Church se font écraser violemment par un camion. Et on suppose que cela a été » commandé » par les forces mauvaises du cimetière Micmac, ainsi que la voiture de location de Rachel qui refuse de démarrer quand elle retourne à Ludlow.(NDLR : on évoque dans Insomnia/Insomnie la mort de Gage et on apprend que Gage » appartenait » au purpose c’est-à-dire qu’il était commandait à dessein).La mécanique au service du Mal………Christine
Deux remarques pour finir.
Le nom du docteur indien, Hardu Surrendra, n’est peut-être pas choisi par hasard par King. En effet, en le prononçant avec un fort accent américain, on pourrait l’écrire : hard to surrender… Peut-être est-ce encore un clin d’œil de King, pour faire allusion à la réincarnation. Le docteur indien serait celui qui éprouve de la difficulté à se rendre, c’est-à-dire à mourir, dans le sens de s’éteindre à tout jamais… Enfin, le personnage de Steve Masterton est particulier car il possède le même prénom que King, ce qui est plutôt rare dans ses oeuvres. Peut-être Stephen King veut-il calmer sa peur de la mort (s’il en a peur…) , et sa peur en général, en utilisant un personnage secondaire, raisonnable, sain d’esprit et qui le reste ensuite, s’éloignant à temps de ce qui pourrait le rendre fou.
NDLR : en ce qui concerne King dans ce roman, il faut savoir que lorsqu’il en a achevé l’écriture il l’a soumis à Tabitha, sa femme. Sa réaction a été des plus étonnante puisqu’elle est tombée en larme. Quand King lui a demandé pourquoi, elle lui a expliqué que l’histoire était trop proche de ce qui leur était arrivé dans la réalité, ce que Stephen semblait avoir oublié En effet, alors qu’il habitait au bord d’une grande route le chat de leur fille avait subit le sort de Church, ce qui avait particulièrement affecté sa maîtresse. Depuis King déteste ce roman…