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Divers

Steve’s Rag 09 – The blue air compressor

The Blue Air Compressor

Une Histoire a couper le souffle… par un auteur gonflé…

(Christophe Hayot)


 
    La nouvelle The Blue Air Compressor a été publiée pour la première fois dans Onan, le magazine littéraire rédigé par des étudiants de l’University of Maine, en janvier 1971. Par la suite, une version révisée parut dans le numéro de juillet 1981 du magazine Heavy Metal.
    L’idée de cette nouvelle est venue à Stephen King alors qu’il était encore étudiant à l’University of Maine, durant un cours de littérature particulièrement ennuyeux (d’après lui) consacré à Edgar A. Poe; mais il ne l’écrivit que quelque temps après. Si nous sommes en mesure de donner ces informations c’est que King lui-même l’évoque au sein même de ce récit. En effet, cette nouvelle de deux pages est organisée en 29 sections, comptant entre 1 et 27 lignes chacune, qu’il est possible de classer en trois groupes :
* le récit à proprement parler.
* des incursions dans les pensées de Gerald Nately, le personnage central.
* des intrusions de l’auteur dans le récit afin de le commenter (cette catégorie comprend cinq sections dont il est certain qu’elles sont des interventions de King mais il est également deux sections dont il est difficile de dire si elles appartiennent à la présente catégorie ou bien à celle précédemment évoquée. La confusion vient du fait que Gerald Nately est écrivain et que le propos des sections en cause est d’ordre narratif.) C’est au cours de l’une de ces interventions que King nous parle de la genèse de cette nouvelle.

    L’histoire racontée dans cette nouvelle est, de l’aveu même de son auteur, assez rocambolesque et sa fin n’est pas réellement motivée. Gerald Nately, écrivain, loue une petite maison en bord de mer appartenant à Mme Leighton, la veuve d’un ami de Gerald. C’est la première fois que Gerald rencontre Mme Leighton et dès qu’il la voit son obésité lui inspire une histoire. Un jour qu’il s’absente, Mme Leighton se rend dans les appartements de Gerald et y découvre le manuscrit que ce dernier avait pourtant caché. A son retour il la trouve dans la cabane à outil derrière la maison en train de lire son histoire. Elle se met alors à ironiser à propos des piètres talents d’écrivain de Gerald. Celui-ci accepte mal la situation et, fou de rage, il frappe Mme. Leighton à la tête, l’assommant. Il cherche autour de lui et trouve un compresseur. Il en plonge le tuyau dans le gosier de Mme Leighton et le met en marche. Elle commence alors littéralement à gonfler et finit inévitablement par éclater. Gerald, pour dissimuler le cadavre, le découpe en morceaux qu’il enterre sous le plancher de la cabane à outil dont il avait arraché quelques lattes. Il se rend ensuite à Bombay, Hong Kong et s’arrête finalement à Kowloon. C’est dans un magasin de cette ville qu’il trouvera une guillotine en ivoire dont il finira par se servir pour mettre fin à ses jours.

    Au cours de ses diverses interventions dans le récit, Stephen King nous révèle que cette histoire lui fut inspirée par une bande dessinée de la série E.C. horror comic qu’il a lu dans sa jeunesse et dont il était à l’époque très friand (voir à ce propos l’interview accordée à Mike Stokes dans Hero Special Edition Vol. 3, N° 1, datant d’avril 1994 : Stephen King on What Makes a Bad-Guy Good.).
    Il évoque également à de nombreuses reprise l’une des oeuvres les plus connues d’Edgar A. Poe intitulée The Tell-Tale Heart dont il admet avoir été fortement inspiré même s’il ne l’a pas particulièrement appréciée.
    Stephen King, dans cette nouvelle, s’amuse beaucoup à mélanger les genres littéraires. Ainsi il annonce une description de la cabane à outil de la façon suivante : « The toolshed, after the manner of Zola », c’est-à-dire: « La cabane à outil, à la manière de Zola ». Mais les sections dans lesquelles le lecteur a un accès direct aux pensées de Gerald Nately ne manquent pas de nous rappeler le style d’un autre grand écrivain, américain celui-ci : William Faulkner. En effet, ces sections sont écrites sans la moindre ponctuation, sans majuscules, sans séparations entre les phrases, et même souvent sans construction logique, comme s’il s’agissait de la transcription écrite de ce que le personnage pense en temps réel. C’est un procédé dont Faulkner a fait grand usage dans The Sound and the Fury/Le Bruit et la Fureur.
    On dénote dans ces interventions de l’auteur une certaine ironie vis-à-vis de la littérature telle qu’elle est enseignée (rappelons que King sera professeur de littérature à l’université avant de faire de l’écriture sa profession. Il aborde d’ailleurs le sujet dans l’interview de Mike Stokes précédemment citée.) et telle qu’elle est analysée. Ses cibles y sont clairement identifiées : l’un de ses professeurs à l’université, dont il n’hésite pas à donner le nom, ainsi que les partisans d’une interprétation post-freudienne des oeuvres littéraires, c’est-à-dire une analyse psychologisante qu’il n’hésite pas à tourner en dérision.
    Enfin, ces interventions permettent à King de constamment faire prendre conscience au lecteur qu’il est en train de lire une histoire, ce qui pourrait sembler paradoxal puisqu’en général les écrivains s’efforcent de nous plonger dans un récit au point qu’on en arrive parfois presque à avoir l’impression de vivre l’histoire en question en même temps que les personnages. Ce faisant, il réaffirme sans cesse sa présence en tant qu’auteur et son omnipotence sur le récit. D’une certaine manière, on peut dire que cette nouvelle est autant une oeuvre de méta fiction, c’est-à-dire une histoire qui expose les mécanismes d’écritures d’une histoire, qu’une oeuvre de pure fiction. Cette dualité se retrouve d’ailleurs dans le fait que le titre de l’histoire écrite par Nately se confond, à la fin, avec celui de la présente nouvelle (ceci est un procédé déjà utilisé par King dans d’autres oeuvres, notamment The Ballad of the Flexible Bullet/La Ballade de la Balle Elastique).

    Même si le récit tourne parfois au burlesque plutôt qu’au fantastique, et malgré une première lecture qui peut s’avérer déroutante du fait du constant changement de point de vue (parfois en plein milieu d’une phrase), The Blue Air Compressor est une nouvelle plaisante à lire et témoigne encore une fois de la grande culture littéraire que King laisse transparaître dans ses oeuvres.
    Signalons que cette nouvelle et l’une des nombreuses oeuvres qui restent encore inédites en France car jamais traduites à ce jour. La seule solution est donc de se reporter sur les versions américaines. La version publiée dans Onan est pour ainsi dire impossible à trouver mais on peut encore parfois trouver la version de Heavy Metal dans certains catalogues spécialisés.

    Conseils de lecture :
* The Complete Stephen King Encyclopedia, Stephen Spignesi, Contemporary Books, 1986.
* The Shorter Works of Stephen King, Mickael R. Collings & David Engebretson, Starmont Studies in Literary Criticism N°9, 1985.

Le 01 mai 1996.
Lille, Maine.





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