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Essais

Stephen King publie une tribune sur les deux chemins présentés aux américains avec cette élection

Dans une nouvelle tribune publiée sur le site du Washington Post, Stephen King déclare avoir compris ce que voulait les supporters de Trump 2016.

Mais à quelques jours des nouvelles élections américaines, Stephen King ajoute que nous ne sommes plus en 2016.

Il admet que Donald Trump a chamboulé les choses et que les USA se retrouvent dorénavant aux devants de deux chemins. Et invite les américains à voter pour Biden, qui n’est certes pas irréprochable, mais permettra de redresser les choses et d’avancer d’une manière rationnelle.

 

Stephenking Essai Wapo 2020 Trump Supporters
Illustration de Nicole Rifkin, pour le Washington Post

 

 

Ce qui suit est notre traduction d’une tribune de Stephen King, publiée hier soir sur le site du Washington Post.

 

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« J’ai fini par comprendre ce que les supporters de Trump voulaient en 2016. Mais ce n’est plus 2016 »

 

 

Je vais l’appeler Annie. Ce n’est pas son vrai nom, mais ça fera l’affaire. En septembre 2016, elle travaillait dans une épicerie pas trop loin d’où j’habite dans l’Ouest du Maine. Je m’y rends toujours pour faire mon plein d’essence, mais je ne la vois plus trop ces derniers temps. Durant l’été, elle était à l’intérieur, occupée à répondre aux commandes des saisonniers : un pack de bières, des bidons de Blue Rhino (produit inflammable, ndlr) pour le barbecue, des chips et des sauces, des tickets de loto. Après la fête du travail (le 6 septembre, aux USA), les saisonniers rentrent chez eux, et plus souvent que l’inverse, Annie se tenait debout contre le batiment, dans sa tenue pomme-rouge, à fumer. Je dirai qu’elle devait avoir dans les 60 ans, ou peut-être dans les 50 ans d’une vie difficile. Une habitante du Maine avec des rides profondes sur le visage, une voix rapeuse de fumeur, des cheveux blonds teints à la maison jusqu’à ses baskets rouges.

Un jour de cet automne, je l’ai rejoins dans le coin où elle fumait pour gratter un jeu de grattage avec ma pièce porte-bonheur, et lui ai demandé pour qui elle allait voter à ces élections. Je m’attendais à ce qu’elle me réponde Hillary Clinton, parce que j’ai stupidement présumé, qu’en tant que femme, Annie voudrait voir une femme devenir présidente, mais aussi parce que les sondages, dans le Maine ainsi que dans les 49 autres Etats, montraient clairement que Donald Trump perdait, perdu sous un glissement de terrain.

« Trump », elle a dit.

J’étais choqué. Je crois avoir répondu « Vous plaisantez »

Elle m’a donné un regard qui disait « Je n’ai surpris, n’est-ce pas »

« Mais pourquoi? » J’ai demandé, et utilisé une description que Joe Biden utilisera presque 4 années plus tard dans un débat avec Trump : « C’est un clown. »

« Je l’aime bien », Annie m’a dit. « Il n’est pas comme les autres. Il dit ce qu’il pense, et si vous ne l’aimez pas, vous pouvez vous le carrer. » Et cette fois ci, son regard me disait « Et ça vaut aussi pour toi, l’écrivain ».

Je lui ai signalé que Trump n’avait pas d’expérience. Annie a acquiescé comme si cela déservait ce qu’elle disait. « J’aime ça. C’est un homme d’affaires. Il va faire bouger les choses, donner des coups de pieds dans les chariots ». 

Quatre années plus tard, nous y voila. American est divisée plus que dans n’importe quelle guerre civile, et Trump en est la raison. Il en fait pas que donner des coups de pieds dans des chariots, il est cette dangereuse combinaison de basse pression et d’eau chaude qui crée les ouragans. Les sondages disent qu’il ne va pas gagner, mais ils ont dit la même chose en 2016. Un bon nombre de partisans républicains ont abandonné Trump et vont soit attendre que cela passe ou voter, silencieusement, pour Biden. Pourtant, le lot des fervents supporters de Trump n’a que peu faibli, et s’est même renforcé. Le contingent MAGA est une pierre non politique intégré dans uen boule de neige Républicaine.

La liste des rebellions de Trump contre la norme politique et le comportement présidentiel (son coup de pied dans les chariots) est longue (des livres ont été écris à ce sujet, des livres épais), et chacun d’eux réjouis les fervents supporters de Trump.

Parce qu’il n’est pas comme les autres. Il reste lui-même.

Et bien sur, il est pour les USA. Il y a des photos qui le prouvent, une le montre en train de tenir une Bible et une autre en train d’embrasser un drapeau américain avec un sourire ecstatique (et selon moi fallacieux) sur son visage.

Trump a réussi à faire une connection directe avec l’identification américaine. Il a cristallisé des théories conspirationnistes douteuses telles que QAnon et l’état supposé profond.  Il a donné une voix au préjudices que notre pensée logique (notre meilleure nature, si vous voulez) nous dit être néfastes et addictifs. Nous comprenons ce que les scientifiques nous disent pour nous protégrer du covid pour réduire la courbe, mais ces choses sont lourdes et prosaiques. Les rumeurs en ligne  (les vaccins causent des dégâts au cerveau, le réchauffement climatique est un canulat, les démocrates violent des enfants puis les mange) sont bien plus attrayants. L’identification est la haine, ainsi que la peur. Trump, un faiseur de pluie qui s’accrédite la pluie même quand la sécheresse continue, a créé ses deux campagnes présidentielles sur une série de légendes sombres. Il n’est réellement pas comme les autres.

Tandis que les américains s’apprêtent à aller voter, ils se trouvent devant deux chemins, comme il n’y en a jamais eu dans l’histoire de la nation. Le premier chemin nous mène à Trump, la validation de cette identification et des sombres croyances qu’elle abrite. L’autre chemin mène à Biden. Un vote pour Biden n’est pas un vote pour le superego (Biden n’est pas irréprochable) mais c’est au moins pour le vote de l’ego : la part d’entre nous qui est rationnelle et accepte de prendre la responsabilité (cependant à regret) pour les actions individuelles et les maladies sociétales.

Cela m’a pris 4 années, mais je comprends ce que ressentais Annie en 2016, et je comprends d’où viennent ces partisans, criants, sans masques, et portant une casquette rouge aux rallies de Trump. Je comprends le désire de donner un coup de pied dans le chariot de pommes pour le renverser et puis s’en aller. Mais je comprends aussi le besoin d’avancer d’une manière rationnelle, parfois laborieuse et difficile. Trump a bousculé les choses. Des millions d’électeurs américains l’ont aidé. Biden promet de redresser cela… mais il nous faudra tous ramasser les pommes.

 

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