BILLY BARRAGE (BLOCKADE BILLY)
Editions – Résumé – Commentaires – Couvertures
Titre Original : Blockade Billy (2010)
Editeurs :
– USA : Cemetery Dance, avril 2010 (puis rééimprimé avec la nouvelle MORALITY par Scribner, mai 2010)
– Autres territoires anglophones : Hodder & Stoughton (avec la nouvelle MORALITY), mai 2010
France : le livre est inédit en soit, mais la nouvelle a été traduite et publiée sous le titre « Billy Barrage » dans le recueil « Le Bazar des mauvais rêves »
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William « Blockade Billy » Blakely a peut être été le meilleur joueur de baseball de tous les temps, mais aujourd’hui, personne ne se rappelle de lui. Il a été le premier (et unique) joueur a avoir sa vie complètement enlevée du livre des records.
Tous les efforts ont été faits pour effacer chacune des preuves que Willam Blakely a joué professionnellement au baseball, et pour une bonne raison.
Blockade Billy a un secret encore plus sombre que les pillules ou les injections qui feraient un scandale dans le sport d’aujourd’hui
Son secret était bien, bien pire…
SPOILERS (surlignez le passage suivant si vous voulez connaître la fin de l’histoire…
Dans les années 50, les Titans de New Jersey furent un jour à court de joueurs. L’entraineur a du faire son possible pour en trouver un bon, afin de faire le match contre les Red Sox et de contrer l’adversaire. Blockade Billy, un homme qui semble un peu simple d’esprit (tendance à répéter ce qu’on lui dit) viendra à la rescousse.
Lors de son premier match, un des adversaires se trouvant derrière Blockade Billy se blessa gravement : coupure d’un ligament. Pour ce dernier, la carrière de joueur professionnelle s’arrêtera là.
L’entraineur n’avait pas spécialement fait attention avant le match, mais il y a quelque chose de bizarre à propos de Billy, qui semblait blessé avant le match ne semble plus l’être après. Pour le match suivant, Billy sera acclamé en héro par la foule, avant même le début.
L’équipe finira par gagner, mais, des policiers se présenteront auprès de l’entraineur. Expliquant que Billy n’est pas vraiment Billy.
Il s’agit en fait de Gene Katsanis, orphelin et ami du vrai ‘Billy’ (Blakely). Ils jouaient régulièrement au baseball, puisque les parents de Blakely l’hébergeait et le payait pour traite les vaches et d’autres tâches. Mais un jour, Katsanis a tué Billy et ses parents, en les égorgeant avec une lame de rasoir.
A la fin du match, l’entraineur dit à Billy de descendre car le responsable de l’équipe veut lui parler. Sentant que quelque chose cloche, il finira par égorger la lame de rasoir avec la lame qui se trouvait sous son pansement.
Il sera par la suite emmené par la police sans se débattre, et finira par se suicider en prison en avalant du savon..
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Avis personnel, herbertwest 2010 :
Blockade Billy est une novella à part dans l’oeuvre de Stephen King, et ce par plusieurs aspects : Stephen King est célèbre pour ses écrits Fantastique (bien qu’il n’écrit pas que dans ce genre). Or, cette novella n’est pas fantastique, et est en rapport avec le baseball.
Stephen King avait auparavant publié 2 nouvelles & poème sur le baseball : HEAD DOWN & BROOKLYN AUGUST (dans le recueil Reves & Cauchemars). Néanmoins, ces deux écrits n’ont pas été publiés dans la version française. HEAD DOWN, est une nouvelle, qui n’en est presque pas une : elle raconte l’époque où Stephen King accompagnait l’équipe de son fils dans la coupe de Little League. Pas de fiction en soit.
Stephen King aime le baseball, ce sport américain tellement populaire, mais si inconnu en France. Fan depuis toujours de l’équipe des Red Sox de Boston, il a coécrit un livre sur l’histoire de cette équipe, et la malchance qui a fait qu’elle n’avait pas gagnée le championnat en près de 100 ans. Ce qui a changé dans les années 2005 il me semble.
Le livre s’appelait : « FAITHFUL – Two diehard boston red sox chronicle the historic 2004 season » et était une collaboration avec Stewart O’Nan.
Revenons à BLOCKADE BILLY.
Le livre est disponible depuis le 20 avril 2010 aux éditions Cemetery Dance. Le livre fut tiré à 10 000 exemplaires et ces exemplaires ont été entièrement vendus directement par Cemetery Dance. Amazon et les autres vendeurs étaient mécontents de ne pas avoir de copies à vendre. Cemetery Dance réimprimera 10 000 autres copies, qui seront vendues exclusivement aux libraire et bibliothèques.
Seuls les 10 000 premiers possédaient une carte de baseball. 1/1e impression est donc limitée à 10 000 exemplaires, vendus $25!
Une véritable aubaine pour les collectionneurs.
Devant le succès du livre (Cemetery Dance a eut une superbe couverture média grâce à ce livre), les éditeurs Scribner (USA) & Hodder & Stoughton (UK) ont décidé avec l’accord de l’auteur de commercialiser le livre : ces éditions sontdisponibles depuis mai 2010 au prix de $13-15…. ne possédent pas les illustrations de l’édition de CD, mais possèdent la très bonne nouvelle MORALITY.
De par sa taille, la novella se lit très vite : environ 112 pages, avec des marges assez importantes. Le livre se dévore, ce qui n’empêche pas d’apprécier l’histoire.
Je dois avouer que je ne connais pas parfaitement le baseball, mais j’en connaissais assez pour ne pas avoir de difficultés durant la lecture.
Tout au long de la nouvelle, il y a un sentiment de bizarre à propos de Billy… notamment à cause du pansement. Le sentiment ne va faire qu’empirer pour atteindre son apothéose à la fin. Il s’agit d’une bonne histoire, sans beaucoup d’horreur, sans fantastique.
L’histoire de BLOCKADE BILLY est racontée à la troisième personne à « Mr King« … qui sait s’il s’agit vraiment de fiction?
Avis personnel, Nadine Gassie, 2010
Le recueil intitulé Blockade Billy comprend deux nouvelles, dont la première et plus longue – 78 pages – donne son titre à l’ouvrage.
La seconde – 49 pages – s’intitule Morality.
A première vue, ces deux nouvelles pourraient sembler n’avoir que peu ou pas de rapport l’une avec l’autre, si ce n’était la présence dans chacune d’elle d’une petite phrase révélatrice…
Elles pourraient de même apparaître comme mineures dans l’œuvre de King, n’eût été que Blockade Billy est la toute première œuvre de Stephen King située directement dans l’univers du baseball, sport emblématique étatsunien et sport préféré de l’auteur dont il est un joueur toujours actif.
On se souvient que le baseball était déjà présent dans La petite fille qui aimait Tom Gordon, roman dans lequel la « présence » et la stature du joueur de baseball préféré de la petite Patricia aide l’enfant perdue dans sa survie en forêt. Il s’agissait déjà d’un hommage à la figure héroïque de ces sportifs complets.
Ici, le baseball est totalement à l’honneur et Stephen King a pu dire à propos de Blockade Billy : « I love old-school baseball, and I also love the way people who’ve spent a lifetime in the game talk about the game. I tried to combine those things in a story of suspense. People have asked me for years when I was going to write a baseball story. Ask no more; this is it. » – « J’aime le baseball à l’ancienne, et j’aime aussi la façon dont ceux qui ont consacré leur vie entière à ce sport en parlent. J’ai tenté de combiner ces deux aspects dans une histoire à suspense. Cela faisait des années que l’on me demandait quand j’écrirai enfin une histoire de baseball. Ne me le demandez plus ; c’est chose faite. ».
Et chose faite, non sans surprise, avec brio. Comment pourrait-il en être autrement de la part du fan de baseball, joueur lui-même, et Américain emblématique s’il en est qu’est Stephen King ? Plus des deux tiers de ce mini-roman nous plonge dans l’univers du jeu, où nous sont narrées par le menu toutes les actions des matchs joués en une saison de Ligue Majeure par l’équipe fictive des Titans du New Jersey.
Il faudra un traducteur émérite, spécialiste du baseball, pour un rendu exact et vivant en français de ces séquences extrêmement précises.
Le public français étant peu familier de ce sport, il semblerait que ce texte requière un lectorat exclusivement américain. Stephen King lui donne d’ailleurs la dédicace suivante : « This is for every guy (and gal) who ever put on the gear. » – « Pour tous les gars (et les filles) qui ont un jour enfilé la tenue ». Même si ce public est restreint en France, ne doutons pas qu’il existe – j’ai moi-même une amie française fan de baseball et joueuse elle-même…
Quant aux non initiés, la qualité haletante de la narration, qui fait des actions elles-mêmes, menées par les personnages hauts en couleurs que sont les joueurs (tous affublés de sobriquets évocateurs et/ou humoristiques), des chefs-d’œuvre de suspense, ne les décevra pas. On vit cette lecture tenaillé par l’envie d’assister au plus vite à un match de baseball et, à défaut d’en comprendre les règles que l’on devine complexes, d’en ressentir toute l’excitation, tant sur le terrain que dans les gradins.
Mais, comme il faut s’y attendre avec S. King, le propos va bien au-delà d’un « simple » hommage à ce sport national et à ses vedettes. Car chez King, tous les héros ont une faille, de même que tous les anti-héros sont des héros arrêtés en plein vol, des êtres gravement blessés, qui à leur tour infligent à autrui de graves blessures.
Et Blockade Billy, héros et anti-héros absolu de la nouvelle qui porte son nom, n’échappe pas à la règle. De son vrai nom, William Blakely, il pourrait être surnommé en français Billy Barricade, car c’est un stoppeur de balle infaillible qui sait en outre bloquer implacablement le marbre de son corps pourtant frêle. En une courte saison, avant que son terrible secret ne soit révélé, et tous ses exploits effacés de l’anthologie du baseball américain, il va devenir le receveur mythique de l’équipe des Titans.
Evidemment, William Blakely est un personnage de fiction, tout comme la plupart des joueurs qui évoluent à ses côtés. Mais le narrateur à la première personne, Charles Grantham (surnom Granny), ex-joueur de l’équipe des Titans et coéquipier de Billy, parsème son récit de noms de joueurs authentiques et de références à la véritable histoire du baseball américain, ce qui accroît le flottement entre réalité et fiction.
Car ici, S. King nous donne à entendre que la réalité dépasse bel et bien la fiction : le baseball authentique (vu et vécu) est sans commune mesure avec le baseball raconté, et le crime authentique toujours plus monstrueux que le crime raconté.
Car somme toute, le(s) crime(s) de William Blakely, lorsqu’ils sont révélés, ne sont pas les pires que l’on ait pu entendre de mémoire humaine. Ce brave garçon, un peu simple d’esprit (sa conversation se limite par exemple à de l’écholalie : il répète invariablement les derniers mots ou la dernière phrase de son interlocuteur), ce pauvre garçon de ferme de l’Iowa, au demeurant graine de héros puisque excellent joueur de baseball de province catapulté champion national, a « simplement » assassiné toute la famille de fermiers chez qui il travaillait en tant que valet, et dont il était très vraisemblablement le souffre-douleur. Il s’est en quelque sorte vengé, tout bêtement, des mauvais traitements…
Et c’est ici que la petite phrase révélatrice évoquée plus haut prend tout son poids. Car ces mauvais traitements, si l’on en croit Granny dont la longue confidence s’adresse directement à « Monsieur King » venu l’interroger sur le « mystère Blakely », ont une longue généalogie… Laquelle fait écho à la généalogie de la violence et du crime dans la société américaine à l’exploration de laquelle Stephen King se voue corps et âme depuis toujours.
Plutôt qu’un inspirateur de violence, comme a pu le lui reprocher après la tuerie de Columbine (qui l’a d’ailleurs incité à faire retirer de la vente son roman Rage), S. King est bien plutôt le scrutateur impitoyable, l’enquêteur imperturbable et le dénonciateur inlassable de l’état de violence endémique de son pays.
Il a ainsi déclaré, dans son allocution à la bibliothèque nationale du Vermont en 1999, à la suite déjà de nombreux cas de massacres à l’arme à feu dans des lycées américains : « America was born in the violence of the Boston Massacre, indemnified in the violence of Bull Run, Gettysburg, and Shiloh Church, shamed by the violence of the Indian Wars, reaffirmed by the violence of two world wars, a police action in Korea, and the conflict in Vietnam. Most of the guns carried in those armed actions were carried by boys about the age of the Littleton killers […]. I suggest that a great many parts of American society have contributed to creating this problem, and that we must all work together to alleviate it…and I use the word « alleviate » rather than « cure » because I don’t think any cure, at least in the sense of a quick fix–that is what Americans usually mean by cure; fast-fast-fast relief, as the aspirin commercials used to say-I don’t think that sort of cure is possible. This is a violent society. […] » – « L’Amérique est née dans la violence du Massacre de Boston, s’est confortée dans la violence de Bull Run, de Gettysburg et de Shiloh Church, s’est déshonorée dans la violence des Guerres indiennes, s’est réaffirmée dans la violence de deux guerres mondiales, d’une action de police en Corée et du conflit du Vietnam. Dans ces actions armées, la plupart des armes à feu étaient tenues par des garçon de l’âge approximatif des tueurs de Littleton […]. J’avance l’idée que de très nombreuses composantes de la société américaine ont contribué à créer ce problème, et que nous devons tous travailler ensemble à l’atténuer… et j’emploie le mot « atténuer » plutôt que « guérir » parce qu’à mon avis il n’existe aucun remède, du moins au sens de remède-miracle – ce que les Américains entendent généralement par « remède » : un soulagement ultra-rapide, comme dans les publicités pour l’aspirine – je ne pense pas que ce remède-là existe. Notre société est une société violente. […] »
Les thèmes de la guerre du Vietnam et du génocide amérindien sont présents chez King comme soubassements majeurs à la violence de son pays. Mais il est bel et bien une autre composante de la société américaine à laquelle son pays doit aussi une grande part de sa violence. C’était assez évident dans Carrie, même si encore une fois, à première lecture, le fondement de la folie et de la violence de la jeune Carrie semble résider dans la persécution de ses camarades de classe. Il faut néanmoins se souvenir que la mère de Carrie était une folle de Dieu, évangéliste recluse et folle, dont la folie et la persécution avaient déjà cruellement miné et contaminé sa fille. La religion chrétienne, ici clairement nommée par King, est une autre de ces composantes, et non des moindres, créatrices de violence.
Nous apprenons de la bouche de Granny que celui que nous connaissons sous le nom de William Blakely, en fait de son vrai nom Eugene Katsanis, « was a nobody who grew up in an orphan home. A Christian orphan home that was probably hell on earth. » : « Eugène Katsanis était un rien du tout qui avait grandi dans un orphelinat. Un orphelinat chrétien [et il accentue le mot] qui était probablement l’enfer sur terre. »
Tout est dit dans cette petite phrase. Qui répond à celle-ci, deux pages plus haut : « …because Katsanis wasn’t nothing but a state kid who started life in a liquor carton on a church step and had several screws loose upstairs. And why was that ? Because he was born dumb or because he got the crap beaten out of him three and four times a week in that home before he got old enough and big enough to defend himself ? » : « …parce que Katsanis était rien d’autre qu’une pupille de l’état qui avait commencé sa vie dans un carton à spiritueux sur les marches d’une église et qui avait quelques cases en moins là-haut. Et pourquoi ça ? Parce qu’il était né attardé ou parce qu’avant d’être assez grand et fort pour se défendre tout seul, il s’était pris des raclées trois ou quatre fois par semaine dans cet orphelinat ? »
A ce personnage avec « quelques cases en moins », cet être détruit par une éducation dans un environnement « chrétien », répond bien évidemment le personnage central de la seconde nouvelle Morality, un pasteur à la retraite, dont on peut se demander aussi s’il n’a pas quelques, beaucoup, ou une grosse case en moins : son projet avant de mourir étant de commettre un péché, chose qu’il n’a jamais (ou si peu) commise dans sa vie exemplaire… Ce péché, il va payer sa jeune aide à domicile 200 000 dollars pour l’accomplir à sa place, « par procuration », ce qui doublera le poids du péché… et fera définitivement de la vie de Nora et Chad, son mari (ils l’apprendront à leurs dépens une fois le forfait accompli), un véritable « enfer sur terre »… la violence s’y invitant inexorablement par contrecoup, par rétribution et par nécessité inconsciente d’expiation, Nora exigeant par exemple de Chad qu’il la frappe pendant l’amour…
C’est ainsi qu’à la petite phrase de Blockade Billy, qui peut fort bien passer inaperçue, fait écho la dernière phrase de Morality, laquelle ne peut passer inaperçue puisque le texte s’achève sur elle.
Nous sommes quelques années plus tard, le divorce de Chad et Nora est consommé, le pasteur est mort, encore que son œuvre n’ait pas fini d’être accomplie… quand Nora tombe dans une librairie d’occasions sur un livre qu’elle avait remarqué dans les rayonnages de son révérend « client », intitulé The Basis of Morality (Le fondement de la moralité). Elle l’achète et passe la fin de l’été et l’automne à le lire de bout en bout.
Et Morality de se conclure sur cette phrase mémorable : « In the end she was disappointed. There was little or nothing in it she did not already know. » : « Au bout du compte, la lecture de ce livre fut une déception. Il ne contenait rien, ou si peu, dont elle n’eût pas déjà connaissance »…
En ce qui nous concerne, ni la lecture de Blockade Billy ni celle de Morality ne sont des déceptions, loin s’en faut. Outre son art consommé de l’intrigue, de la narration, du suspense, du portrait de caractères, son humour, sa perspicacité sans faille, M. King continue à distiller, sans avoir l’air d’y toucher, mais avec une subtilité et une subversion détonantes, des vérités cachées sur le fondement de l’Amérique, et à écrire, même en petit format, son grand œuvre sur la généalogie de la morale et du mal dans l’Amérique contemporaine. Blockade Billy, un petit grand King…
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