Pendant plusieurs années, le projet d’un nouveau film adaptant le livre « Ça » de Stephen King, était porté par le réalisateur Cary Fukanaga.
Mais, en 2015 et à la surprise générale, nous apprenions qu’il quittait le projet, « suite à des différends artistiques. » A l’époque, le site The Wrap avait rapporté que la principale raison du départ du (jeune) réalisateur, était que les studios New Line avait exigé des coupes budgétaires de l’ordre de 30 millions.
Ne souhaitant alors pas compromettre sa vision artistique, il avait décidé d’abandonner le projet pour en poursuivre d’autres.
Depuis, le réalisateur a notamment travaillé sur la série « True Detective » qui avait rencontré un certain succès, mais… pas autant que l’ ENORME succès rencontré par le film « Ça » porté par Andy Muschietti!
Réalisé avec un budget de 35 millions de dollars (donc autant que les coupes que les studios voulaient réaliser!), le film a rapporté plus de 700 millions de dollars et ces chiffres datent d’avant la sortie en DVD/Bluray et digital. Le film a d’ailleurs été mentionné à plusieurs reprises comme étant le film d’horreur le plus rentable de l’histoire du cinéma.
Dans une récente (et longue) interview avec le magazine GQ, le réalisateur Cary Fukanaga est revenu sur les raisons qui l’ont poussé à quitter le projet :
« New Line avait peur de ne pas pouvoir me contrôler. Alors que j’aurais complètement collaboré. C’était eb quelque sorte ridicule. C’est une mauvaise interprétation. Je n’ai jamais vu passer de note et dit ‘Je vous emmerde. Hors de question’. Nous avons toujours eu un échange ».
Il mentionne également son film « Beasts of No Nation » qui a été perçu comme un film intransigeant, alors qu’en réalité il y a du réécrire lui-même le troisième acte parce qu’ils n’avaient pas d’argent pour finir le film.
Revenant sur des propos passés, Bloody Disgusting cite d’autres extraits d’interviews.
En 2015 à EW, Fukanaga avait déclaré que les studios et lui voulaient chacun faire un film très différent : « J’essayais de faire un film d’horreur non conventionnel. Ça ne collait pas avec ce qu’ils savaient pouvoir investir et rentabiliser sans offenser leur public habituel. Notre budget était parfaitementement correct. Mais c’était l’aspect créatif sur lequel nous nous entendions pas. C’étaient deux films. Et ils s’en contrefichaient. Je voulais créer un premier film d’horreur avec des personnages ayant du caractère. Ils n’en voulaient pas. Ils voulaient des schémas classiques et de la peur. J’ai écris le scénario. Ils voulaient que je le rende encore plus innoffensif, plus convensionnel. Mais je ne pense pas que vous pouvez faire du bon Stephen King en faisant quelque chose d’inoffensif.
La principale différence était de faire de Grippe-Sou plus qu’un clown. Après 30 années de méchants capables de lire les émotions des personnages et leur faire peur, en essayant de trouver des façons vraiment sadiques et intelligentes d’effrayer les enfants, qui avaient une vraie vie avant d’être terrifiés. Et tout cela prenait du temps. C’était une construction lente, mais qui en valait la peine, surtout dans le second film. Et même dans le premier film.
Nous avons passé plusieurs années sur ce projet. Chase et moi avions intégré toute notre enfance dans cette histoire. Donc nos plus grandes peurs étaient qu’ils allaient prendre notre scénario et le travailler à leur sauce. Je suis donc soulagé qu’ils aient décidé de le réécrire. Je ne voudrais pas qu’ils volent les souvenirs de notre enfance en le prenant. Je ne sais pas si les fans l’autaient appréciés. Je prenais l’esprit du roman de Stephen King, tout en le modernisant. Stephen King avait vu un des premiers jets et l’avais apprécié.«
La question que Cary Fukanaga soulève, n’est pas anodine : est-ce que les fans auraient apprécié sa vision du projet?
Rien n’est moins sûr !
Le script de Chase Palmer et Cary Fukanaga a filtré sur internet il y a plusieurs années, et à l’inverse du résultat final que nous connaissons, il était en effet assez différents du livre de Stephen King.
Plusieurs articles existent autour des différences, et l’un d’entres eux (chez ScreenRant) est particulièrement intéressant car souligne que le scénario était particulièrement… perturbant!
Les projets Fukacanaga et Muschietti comportent notamment des similitudes notamment au niveau de l’approche en 2 films, et en modernisant les temporalités.
Néanmoins, parmi les spécificités du projet envisagé par Cary Fukanaga :
– Des premiers scénarios très sexualisés : ainsi,dans une version de 2014, la première apparition de Pennywise est sous la forme d’une femme qui se masturbe sortant du sang de règles (wtf?) ; dans une version de 2015, Richie est très implicitement bisexuel ou gay; ou encore une scène dans laquelle Beverly est violée par son père.
– Le scénario était inspiré du livre de Stephen King, sans en être pour autant très fidèle : avec notamment des noms transformés, des dynamiques également complètement réétudiés (la relation de Mike avec son père, ou encore la bat mitzcah de Stan étant une scène primordiale)
– Une exploration plus profonde des origines de Pennywise : le scénario de 2014 évoque plus en détail le passé de Grippe-sou. On y voyait notamment une scène durant laquelle le KKK détruisait la paisibilité de la ville accueillante pour les personnes de couleur, mais également une violente scène d’une boucherie dans un saloon pendant que Grippe-sou joue du piano.
La version de 2015 avait une scène avec un choix cornélien : une femme est offerte le choix de rester et voir sa famille tuée, ou de partir mais en ne laissant que sa fille. La dynamique du film et les représentations de Pennywise n’étaient pas centrées autour de brusques surprises, mais davantage axées autour d’une création de tension. Même la scène de Georgie était fortement transformée puisque nous n’aurions pas vu le garçon se faire aspirer, mais, comme pour la scène d’Eddie avec le lèpreux, certaines scènes étaient plutôt envisagée comme hors écran.
– Une vision plus « monstrueuse » de Grippe-sou :
Fukanaga envisageait d’explorer la vraie nature de Pennywise à la fin… montrant différentes représentations de Pennywise, sous forme d’une horde d’araignées, mais aussi d’une étoile de mer géante!
Au final, c’était peut-être une bonne chose qu’il quitte le projet et que nous ayons la vision de Muschietti. En tout cas, les studios (et les Muschiettis) doivent en être ravis !
Découvrez ci-après une vidéo par « La séance de Minuit » au sujet de la vision de Cary Fukanaga pour CA
« Maniac », une nouvelle série de Cary Fukanaga arrive le 21 septembre prochain sur Netflix (le jour de l’anniversaire de Stephen King ahah) !