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Interviews

Stephen King parle de « Billy Summers » et du mystère total qu’est l’écriture

En promotion pour la sortie de son nouveau roman « Billy Summers », Stephen King a participé à plusieurs interviews. Dont une avec le site Esquire, que nous vous avons traduit ci-dessous.

 

stephen king interview

 

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En promotion pour la sortie de son nouveau roman « Billy Summers », Stephen King a participé à plusieurs interviews. Dont une avec le site Esquire (disponible ici), que nous vous avons traduit ci-dessous. Attention, l’interview peut révéler des éléments du roman « Billy Summers ».

 

« La première chose qui m’est venu était cela : j’ai vu un homme dans un appartement en sous-sol, regarder par la fenêtre, comme un périscope et voir des pieds passer sur le trottoir »

 

 

 

Esquire : Où est-ce que ce roman a commencé pour vous?

Stephen King : Pour moi, les romans viennent en morceaux. Je ne fais que ramasser les morceaux de mon esprit et, petit à petit, ils commencent à se connecter. Avec « Billy Summers » La première chose qui m’est venu était cela : j’ai vu un homme dans un appartement en sous-sol, regarder par la fenêtre, comme un périscope et voir des pieds passer sur le trottoir. J’ai joué avec l’idée pendant quelques temps. Que fait cet homme là-bas? Pourquoi est-il ici? Qu’est-ce que cela veut dire? Après avoir travaillé cela, j’ai pensé à ce même homme dans un immeuble de bueau, au 5e ou 6e étage d’un immeuble à proximité d’un tribunal. Que fait-il ici? Et bien il va tirer sur quelqu’un. Il va tuer un méchant.

Ces deux choses ont commencé à se connecter. J’ai pensé « Il va tuer un méchant, et puis il va aller se cacher dans cet appartement en sous-sol, où toutes ces jambes passent à proximité. » Ces deux choses, petit à petit, se sont transformer en une histoire. Cela ne se passe pas toujours ainsi avec moi, mais dans ce cas, si, et j’en ai tiré un livre. Est-ce que cela fait sens?

 

Esquire : Cela fait vraiment sens. J’aime vous entendre dire « jouer avec ». Trop souvent cela s’oublie, on oublie que l’écriture peut-être amusante et comme un jeu.

Stephen King : Pour moi, ce qui était vraiment amusant, c’était cela : je pense à ce type dans un immeuble de bureaux, et il va faire un tir. J’ai vu très clairement l’angle du tir. Je me suis dis « Et bien, comment est-ce qu’il va s’en sortir? » Avant de démarrer le livre, c’était véritablement le moment de l’histoire où j’étais bloqué, mais je m’amusais toujours à y penser. Petit à petit, j’ai eu une idée de comment il allait s’enfuir. Puis je me suis dis, « Et bien, il va te falloir une histoire autour de ces deux images ». C’est à ce moment que je me dis « Et si ce gars va tuer un méchant, et qu’il est en train de se faire avoir? » Et puis j’ai pensé à la célèbre dernière mission. Il y a tellement de films et de livres sur la dernière mission, qui finit toujours mal. Je me suis dis « Pourquoi est-ce que tu ne jouerai pas là-dessus pour écrire un polar? » C’est le genre de choses que j’aimais lire quand j’étais plus jeune, des livres par Jim Thompson et Elmore Leonard. Et c’est ce que j’ai fais.

 

 

Quandlavilledort Film

 

Esquire : Vous écrivez « Si noir est un genre, alors la dernière mission est un sous-genre ». Pourquoi les histoires de dernières missions sont un tel symbole et comment avez cherché à réimaginer cela?

Stephen King : Tout le monde veut que le type s’en sorte. L’une de ces bonnes histoires est « The Asphalt Jungle » avec Sterling Hayden. Et il y en a aussi un autre avec Steve McQueen et Ali MacGraw qui s’appelle « The Getaway ». Il y a toujours des missions qui tournent mal, mais on espère toujours que le personnage central, qui a un bon coeur, va s’en sortir. Je pense qu’on joue tous avec l’idée de ce que nous ferions à leur place. Nous aimons tous imaginer et prétendre un peu que nous sommes du coté obscur de la loi. « Billy Summers » n’est pas si différent de certains de mes romans fantastiques, dans le sens ou le lecteur est transporté quelque part qui est différent de leur vie ordinaire.

 

Esquire : Les romanciers parlent beaucoup sur le fait de trouver la voix du personnage, mais dans « Billy Summers » vous vous définissez une difficulté intéressante : non seulement trouver une voix pour cette histoire à la troisième, mais la voix que Billy travaille dans les pages de sa propre histoire. Comment avez-vous écrit la voix de Billy, et déterminer comment il devrait résonner et raconter sa propre vie?

Stephen King : Je voulais qu’il sonne comme un enfant quand il était enfant. Il joue cette image d’un idiot, et il est parfaitement conscient que lorsqu’il écrit sur l’ordinateur que ses employeurs lui ont donné, qu’il est probablement surveillé. Cela ajoute une difficulté à son essai d’écrire quelque chose qui résonne au personnage qu’il montre à ces gens, qui est son personnage simplet, celui qui lit les BDs « Archie » et ne pourrait jamais lire un roman par Emile Zola ou Charles Dickens.

Billy est bien plus intelligent que les gars pour lesquels il travaille, ce qui est très amusant. Mais pour moi, le challenge était d’essayer d’écrire comme une personne qui n’a aucun talent particulier, ou la sorte d’intelligence que l’on associe habituellement aux auteurs. Je me suis dis demandé comment je pouvais faire, puis j’ai pensé à « As I lay Dying », où Benjy Compson commence par dire « Il était dans des herbes hautes, et ils me tabassaient ». Petit à petit, on réalise qu’il parle au sujet d’une balle de golf.
Il y a aussi « Des fleurs pour Algernon » où le personnage est d’abord idiot et devient intelligent. C’est ce genre de choses que Billy écrit, parce qu’il est capable d’écrire davantage comme un adulte, parce qu’il grandit en adolescent. Après que le job soit fait et qu’il se cache, il se sent fortement soulagé, et je l’ai aussi ressentit. Je me suis dit « Maintenant je peux écrire comme une personne qui est aussi intelligente que Billy. »

 

 

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Esquire : Vous mentionnez Zola et Dickens. C’est amusant d’avoir un aperàu des auteurs que Billy admire et auquel il est attiré. Comment avez-vous décidé de ses goûts et lectures?

Stephen King : Quand on rencontre Billy pour la première fois, il pense à Thérèse Raquin, qui est un des premiers romans d’Emile Zola, un livre un peu effrayant. Je me suis dis, « Et bien, ce gars lit probablement de tout, mais il garde cela pour lui. » Donc il mentionne différents auteurs. Il mentionne Tim O’Brien, Emile Zola, Charles Dickens. J’en présume que le lecteur se dira « Il a probablement beaucoup lu. Il a lu Hemingway et Faulkner, parce qu’il parle de ‘As I Lay Dying' ». Il est un fervent lecteur, mais il le cache.

 

Esquire : Dans une des scènes dans lesquelles Billy écrit son autobiographie, vous nous avez réellement intégré dans les prises de décisions de l’écriture. Doit-il intégrer une scène spécifique? Doit-il changer un nom? Doit-il expliquer la fonction d’un fusil M151? Comment était-ce d’habiter l’esprit de quelqu’un faisant cela pour la première fois, quand vous avez fait cela depuis plus de soixante romans?

Stephen King : C’était amusant. Cela m’a rappelé mes début, et au sens de liberté que j’avais quand je découvrais que je pouvais mener l’histoire. C’est un sentiment enivrant, le sentiment que l’on peut vraiment raconter une histoire et que l’on peut révéler des morceaux de soit. Les morceaux de soit que l’on veut révéler dans l’histoire. Donc j’ai beaucoup aimer cela.

 

C’est un sentiment enivrant, le sentiment que l’on peut vraiment raconter une histoire

 

Je voulais aussi donner à Billy le sentiment de liberté. Ce qu’il écrit sur ses sentiments sont dans son esprit et dans son coeur, et ce sont des parties importantes de ce qu’il est devenu, qui est un tueur à gages. Bien entendu, Billy n’est pas du tout idiot. En réalité, il est très intelligent. Petit à petit, tandis qu’il écrit son histoire, ses mécanismes de défenses commencent à se détruire. Il réalise que c’est du cinoche de se dire « Je ne tue que des méchants ». Il en vient à réaliser qu’il est lui-même une mauvaise personne. En réalité, il le dit à Alice vers la fin du livre. Il dit « Si tu reste avec moi et si tu vie cette vie, elle va te détruire. » Il en prend conscience. Je ne sais pas si cela arrive dans la vraie vie, mais cela arrive dans les meilleurs romans. Ceux que j’aime, du moins.

 

Esquire : Avez-vous développé votre propre conscience en écrivant un roman?

Stephen King : Oui. Je pense que l’on découvre un peu plus de soit à l’écriture de chaque livre, du moins avec ceux qui vous sont importants. On découvre ce en quoi ont croit et ces choses ressortent dans les livres. Mais c’est vraiment aux lecteurs de décider pour eux, je trouve.

 

Esquire : Dans le livre de Billy, il écrit en détail sur la bataille de Fallujah. Qu’est-ce qui dans cette bataille et cette période vous intéressait?

Stephen King : Le truc c’est que Billy est un très bon tireur. Cela implique de prendre beaucoup de choses concrètes en compte. Il est un très bon tireur. Où est-ce qu’il a apprit à tirer? Bien sur il y a le talent inné, parce qu’il a été capable de tuer l’homme qui a tué sa soeur. Il est depuis toujours un tueur, même enfant. La première personne qu’il a tué était une personne mauvaise. Je me suis demandé où est-ce qu’une personne perfectionne les compétences pour réaliser le tir dont il a besoin. Ce n’est pas une longue distance pour Billy, mais pour tout le monde ça le saurait.

Je me suis dit « Il apprend à être un sniper ». C’est malheureux, mais j’ai regardé autour et je me suis dit « Voici l’âge qu’il a. Voici l’année. Où est-ce qu’il aurait pu combattre? » Malheureusement il y a toujours un endroit. Les USA ont toujours été impliqué dans des guerres, et cela tout au long de ma vie. Billy était trop jeune pour le Vietnam, et correspondait pour l’Irak. J’ai regardé cette période et j’ai fait des recherches sur Fallujah parce que c’était le combat le plus cruel, de rue à rue, de bloc à bloc, et l’Armée comme les Marines y ont participé. Donc c’était la bonne (pour le personnage, ndlr).

 

Photo Stephenking Masque Covid19

 

 

Esquire : Au sujet de considérations pratiques, à différents moments de l’histoires, vous faites un clin d’oeil à une pandémie à venir. Vous écrivez « Ni eux, ni personne, ne sait qu’un virus va venir fermer les USA. » Vous avez aussi un personnage qui dit « Un jour, quelqu’un va faire exploser une bombe sale dans la Cinquième Avenue, ou une maladie transmissible va venir tout transformer, de Manhattan à Staten Island en un plateau géant vide. » Pourquoi avez-vous décidé d’installer l’histoire dans ce contexte de 2019 avant la pandémie, mais avec l’omniscience de ce qui va venir, disperser à travers les pages?

Stephen King : Quand j’ai commencé le livre, le covid était absent du regard des gens. Cela n’existait pas. C’était au début 2019 avant même que le covid ne se disperse (dans le monde, ndlr). Au moment où je me suis retrouvé profondément dans l’histoire, c’était partout. Nous voyions des masques dans les supermarchés, et il fallait rester enfermé. Les gens espéraient des vaccins. J’ai passé une partie du temps en Floride, dans la région de Sarasota. J’allais dans les centres commerciaux et me disait « C’est comme dans les films apocalyptiques », où les parkings des centres commerciaux sont totalement vides, à l’exception peut-être d’une ou deux voitures. Les cinémas étaient fermés, les restaurants étaient fermés, et les croisières aussi.

Un des éléments de l’histoire impliquait les voisins du haut. Beth Jensen et son mari reçoivent une bonne somme d’argent et partent en croisière. Je me suis dis que cela ne pouvait pas se passer en 2020, parce que les croisières sont fermés. Ma solution a été de transposer l’histoire de 2020 à 2019. Cela rendait l’histoire plausible. Je me suis ressentit un peu comme un chien, esquivant toute la pandémie. Mais j’ai maintenant lu pas mal de livres addressant le sujet. Celui dont je me rappelle le mieux est un nouveau roman de Michael Robotham, dans lequel il écrit « Le covid n’existe pas dans ce livre, parce que l’histoire aurait été impossible si je l’avais intégré. »
A cause l’histoire que je racontais et des déplacements qu’elle implique, j’ai du la déplacer (dans le temps, ndlr).

 

Esquire : Pensez-vous qu’a partir de maintenant, la pandémie doit être intégrée aux histoires? Est-ce un sujet que les écrivains peuvent éviter?

Stephen King : C’est toute la question. C’est bien la question clé. Je ne sais absolument pas. Après la chute du mur de Berlin, du bloc communiste et l’union soviétique, tout est tombé. Il y avait des critiques qui écrivaient des livres disant « Sans le communisme, les romans d’espion n’existeraient pas et John LeCarré n’aurait plus de boulot ». Bien entendu, cela n’est pas arrivé, parce qu’il y a plein d’autres boulots pour les espions. Il y eu un temps, aussi, quand les téléphones portables ont commencé à proliférer, et les gens disaient « Cela va être un vrai problème pour les auteurs qui écrire des histoires à suspense, parce que maintenant n’importe qui peut prendre son téléphone portable et appeler les flics ». Bien sur, maintenant dans tous les films d’horreur, quand les choses virent au cauchemar, un des personnages dit qu’il n’a pas de réseau.

Maintenant, j’ai une idée. Je suis au niveau dont on parlait, où il y a différents morceaux qui semblent se connecter, on cherche ces connections. C’est où je suis. Si j’arrive à tout faire marcher, l’histoire se déroulera l’année du coronavirus. Quelqu’un doit le faire! Je pense qu’on va en voir de plus en plus à partir du printemps 2022. Un des éléments qui va devenir propulaire, et je pense l’utiliser dans un livre auquel je réfléchis, c’est que quand on voulait tuer des parents ou un mari ou un amant, c’était généralement dans un accident de voiture ou d’avion. Je pense que ce sera maintenant le coronavirus. « Qu’est-ce qui est arrivé à mon mari? Il était si jeune! » « Et bien il est mort du coronavirus ». Cela va arriver.

 

 

Overlook Serie Stephenking Jjabrams Sur Netflix

 

 

Esquire : Quelque chose d’autre que je trouve de formidable dans ce roman est l’hotel Overlook, les clins d’oeil à son état suite à l’histoire du roman. C’était un petit joyau pour les lecteurs fidèles. Dans quelle mesure voyez-vous vos romans connectés ou dans un univers étendu?

Stephen King : Je savais qu’ils allait à Sidewinder, la ville fictive qui existe dans « Shining ». Il y a aussi une scène avec un arrêt à Hemingford Home, qui est aussi dans « Le Fléau » et dans quelques autres livres aussi. J’aime utilisé mes lieux fictifs parce qu’ils sont présents et pratiques, et que les lecteurs comprennent qu’ils sont apparus auparavant. Mais avec l’hotel Overlook c’était un clin d’oeil conscient aux fidèles lecteurs, une manière de dire : « Ce n’est pas un roman fantastique, mais je me rappelle toujours comme je suis entré dans la dance ». Une sorte de révérence avec un chapeau.

 

 

Esquire : En fond du roman, le lien fragile mais finalement important entre Billy et Alice devient central. Que pensez-vous existe entre ces deux personnes, qui les a fait se trouver ensemble, un tueur à gage cinquentaine et une jeune survivante de viol?

Stephen King : Ce sont tous les deux des survivants. Billy à survécu à une enfance vraiment horrible, tuant l’amant abusif de sa mère, et devant ensuite faire avec elle tandis qu’elle sombrait dans l’alcoolisme et l’addiction au drogues. Finalement, il est sortit de là et mis en famille d’accueil. Il finit par s’engager dans les Marines. Il est un survivant d’abus et d’une horrible situation familiale tandis qu’elle est une survivante de viol. Ils gravitent l’un vers l’autre. Je ne savais pas que cela allait arriver.

Il y a cette scène pivot, quand elle est violée. Il ne sait pas quoi faire ou comment réagir. Finalement, il devient fataliste et dit « Ce qui va arriver est ce qui va arriver ». Il va chercher une pillule du lendemain pour elle. Il lui dit « Je vais sortir et la chercher. Si tu veux aller à la police, tu peux aller à la police, mais j’ai sauvé ta vie. Je t’ai sortit du caniveau. Tu aurais ou étranglée dans l’eau ou gelée à mort. Donc fais ce que tu veux. » Elle reste avecl ui, il l’aide avec ses crises d’anxiété, et ils deviennent proches. Je pense que cela fait sens. Je pense que cela fait sens mais je ne sais pas vraiment. Les critiques me le diront. Les lecteurs me le diront aussi.

 

Esquire : A un moment, Alice dit au sujet de sa vie « Il n’y a pas grand chose à dire. J’ai toujours été une personne effacée. Etre avec toi est la seule chose intéressante qui m’ait jamais arrivée. » On voit Alice prendre possession de sa propre histoire, d’une manière surprenante et belle. Qu’avez-vous aimé au sujet de son voyage?

Stephen King : C’est une jeune femme que l’on rencontre au fond du trou en ce qui concerne ses expériences de vie. C’est le pire qui lui soit jamais arrivé. C’est une des pires choses qui pourrait arriver à qui que ce soit. Elle trouve un lieu où aller. Je pense que beaucoup tient à l’appartement au sous-sol. C’est un peu comme un utérus. C’est un endroit où elle peut guérir, où ils peuvent guérir ensemble. Petit à petit, ils se rapprochent. Billy est celui qui l’aide à s’en sortir.

 

 

Stephen King Bureau2

 

 

Esquire : Beaucoup des réflexions internes de Billy sur l’écriture sont puissantes et révélateurs, mais l’un d’entre eux m’est resté en tête. Vous écrivez « Il pense à ‘The things they carried’ comme étant un des meilleurs romans écrits sur la guerre, peut-être le meilleur. Il pense qu’écrire est aussi une sorte de guerre, une que l’on combat contre soit-même. L’histoire est ce que l’on porte, et à chaque fois qu’on y ajoute quelque chose, cela devient plus lourd. Partout dans le monde, il y a des livres à moitié fini (des mémoires, de la poésie, des romans, des plans certains pour devenir maigres ou riches, dans des tiroirs), parce que le travail est devenu trop pesant pour ceux qui essayaient de le porter, et ils l’ont posé. » Y a t’il eu des fois dans votre vie où le travail est devenu trop lourd pour vous, et que vous avez du le poser?

Stephen King : Toujours. C’est toujours pesant. Plus le livre est long, plus cela devient lourd. On a toujours des douttes. C’est un peu comme un petit navire qui se lance dans un immense océan. Il y a de grandes vagues et on est en danger de se retrouver renversé, surtout si on travaille comme je le dais. Je n’ai pas de plans. Je dépend uniquement de l’histoire et d’où elle me mène. J’ai eu des fois où le navire à coulé. J’ai deux ou trois romans non finis dans un tiroir que je ne savais pas comment continuer. Mais le livre que j’ai fini quand j’ai atteint ce point, était « Le Fléau ». J’étais rendu à un point où il y avait trop de personnages et l’histoire semblait stagner. Je me suis sentit en danger de couler dans ce marécage, et je ne savais pas quoi faire. Je faisais alors de longues promenades.
Généralement, je travaille tous les jours sur un livre. C’est comme une religion pour moi. J’ai atteint un point où j’ai mis « Le Fléau » de coté, et me suis dit que je ne savais pas si je pouvais le finir. Cela me tuait parce que j’avais déjà 450 pages. Personne ne veut qu’un tel travail finisse perdu. Je faisais donc de longues promades et je me suis rappelé ce que Raymond Chandler disait : Quand tu ne sais plus quoi faire, fais entrer un homme avec un pistolet ». Je me suis dis « Et bien, et si je faisais en sorte qu’un personnage faisait exploser tous ces personnages, et qu’il ne m’en restais plus que quelqu’uns, ce qui serait plus gérable? » C’est donc ce que j’ai fais. J’ai fini ce livre, mais oui, ça devient pesant.

 

Esquire : Une autre des réflexions de Billy que j’aime particulièrement sur l’écrire, est celle-ci, quand il écrit la cabine où sa meilleure écriture voit le jour : « Il a fait cet incroyable boulot ici, presque 100 pages, avec ces images effrayantes et tout. Peut-être qu’une histoire effrayante nécessite un bureau d’écriture effrayante », se dit-il. C’est une explication aussi bonne qu’une autre, parce que l’ensemble du processus demeure un mystère pour lui. » Est-ce que le processus (créatif, ndlr) est toujours mystérieux pour vous, après tous ces romans?

Stephen King : C’est un mystère complet. Quand on pose des questions comme « D’où est-ce que cela vient? », je vous juge que tout ce que je me rappelle, très sincèrement, mais c’est comme un rêve. Je ne me rappelle pas vraiment d’où viennent mes idées. Durant l’écriture d’un livre comme « Billy Summers« , je ne me rappelle pas du quotidien. C’est comme quand on se réveille d’un rêve vive. Six ou sept heures plus tard, on se dit « Je sais que j’avais un rêve, mais je ne me rappelle pas de ce que c’était. »

Mais je me rappelle de mes rêves, par cela je veux dire que quand ils sont frais, je peux les écrire. J’ai mes notes et je peux les regarder. En ce qui concerne le processus d’écriture, je peux relire certains passages et dire « C’était vraiment une bonne journée » ou « C’était une journée difficile, mais ça ne se voit pas. Merci Dieu que cela ne se voit pas ». Croyez moi, cela demeure complètement un mystère pour moi.

J’ai récemment lu deux livres dont j’ai dit au New York Times que j’écrirais une critique. Le premier était sur Jerry Lee Lewis, et le second était l’autobiographie d’Eric Clapton. J’ai accepté dans ces deux cas parce que je suis intéressé par l’idée des talents et comment ils se manifestent. Jerry Lee Lewis était un joueur de piano phénoménal, et Eric est un incroyable guitariste. Je me suis dis, « Je lirai ces livres et j’en tirerai quelque chose. » Vous savez quoi? Je n’en ai rien retiré. Mais j’ai lu une bonne histoire dans le livre sur Jerry Lee Lewis. Sa famille, ses cousins, ses tantes étaient les Swaggarts, à Ferriday en Louisiane. Jimmy Swaggart est devenu un évangéliste. Ils se ressemblent même.

Mais Jerry Lee a dit à l’auteur, « Nous n’avions pas grand chose, et ils n’avaient pas grand chose, mais ils avaient davantage que nous. Et un jour, nous avons marché jusqu’à chez eux sur ces routes de terres. Et ils avaient un piano dans la maison, et je n’en avais jamais vu auparavant. Et je ne savais pas ce que c’était. Je savais juste que je voulais en jouer. »
C’est le mystère. C’est le coeur du mystère. Quelque chose en son intérieur qui appelle et dit « C’est pour moi, c’est ce que je veux. Il faut que je m’y mette. »

 

 

 

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