Dans le cadre d’une nouvelle série de reportages, le Washington Post a rencontré Stephen King pour qu’il leur présente sa bibliothèque personnelle.
Ce qui suit est notre traduction d’un article publié par le Washington Post dans le cadre d’une série de reportages consacré aux bibliothèques personnelles de célébrités.
L’article (de John Williams accompagné de photos par Tristan Spinski) a été publié le fin octobre 2023 et demeure disponible sur le site du Washington Post.
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Bangor, dans le Maine :
Ce n’était pas simple d’arriver seul dans cette ville après la tombée de la nuit durant une nuit calme d’été, sachant que j’y étais pour rencontrer Stephen King, sans se sentir un peu flippé. Ou beaucoup.
Mais la peur qui avait assombrit le soleil du lendemain fut suivie par un accueil génial de King dans la bibliothèque du sous-sol de son ancienne maison, dorénavant où se trouve la fondation Stephen et Tabitha King. (Association à but non lucratif qui fournit des aides pour des projets qui addressent des sujets et problèmes d’ordre « sociaux et environnementaux » dans les communautés du Maine. J’avais auparavant rencontré Stephen King avant la tuerie du 25 octobre à Lewiston, dans le Maine, qui avait déclenché Stephen King à multiplier (de nouvelles fois, ndlr) ses prises de paroles contre la culture des violences des armes à feu.
« La maison est ici depuis 1845; nous y sommes depuis 1976 », dit-il. « Mais nous ne vivons plus vraiment ici, c’est une sorte de capsule temporelle. Ce qu’il est important de savoir au sujet de cette pièce est que c’est ici que les enfants passaient du temps quand ils étaient adolescents, avec tous leurs amis. Ils jouaient aux jeux vidéos ici. »
La longue pièce est entourée des deux cotés par des livres proprement rangés : la fiction d’un côté, rangés alphabétiquement par nom d’auteur, et les essais de l’autre côté, rangés par sujet. Plusieurs personnes se tenaient autour lorsque Stephen King, 76 ans, parcourait la bibliothèque à mes cotés : des membres de son équipe coté éditeur, des amis locaux, des administrateurs de la fondation. Sa relation avec chacune des personnes présentes datait depuis longtemps, et l’ensemble du groupe semblait donnait l’impression d’une chaleureuse réunion de famille.
Plusieurs volumes avec les lettres de H.P. Lovecraft, publiées par Arkham House, font partie de la collection personnelle de Stephen King
Fiction de l’étrange
Plusieurs étagères sont remplies avec des séries de livres par thématique, beaucoup d’entres eux offerts par Tabitha, sa femme depuis plus de 50 ans, dont la collection est également ici.
Plus d’une fois pendant notre conversation, King s’est arrêté pour dire « Si seulement Tabitha était ici ». Un de ces cadeaux était un recueil commercialisé par Arkham House, un éditeur « de fiction de l’étrange » localisé dans le Wisconsin et fondé en 1939, dont les livres ont eu beaucoup d’importance pour Stephen King lorsqu’il était enfant.
« J’ai grandit avec ces gens. Ils étaient publiés dans les pulps à l’époque. Beaucoup d’entres eux publiaient à 1 centimes le mot, ou quelque chose du genre, donc ils les allégeaient et il y en a beaucoup. Les originaux étaient publiés à quelque chose comme 1000 exemplaires. Ce n’était pas beaucoup. Donc (les livres qu’il présente, ndt) ce sont des réimpressions. »
» ‘A Thousand Years a Minute’ de Carl H. Claudy » dit Stephen King en prononçant le titre avec une intonation volontairement enfantine d’émerveillement. « En 1933. Il parle d’un de voyage dans le passé et de bataille contre des dinosaures et ce genre de chose. C’est le ‘Jurassic Park’ de son époque ».
» ‘Le Jurassic Park’ de son époque », selon King
Un recueil d’histoires de Robert Bloch, qui a une fois dit à King, « Ne laisse pas les éditeurs te dévorer »
« Pleasant Dreams » est un recueil de nouvelles de Robert Bloch (1917-1994) un auteur d’horreur et de fantastique, a rappelé à Stephen King une longue conversation qu’il avait eu avec l’auteur lors d’une convention.
« C’était probablement autour de 1982, donc j’avais publié ‘Carrie’ et ‘Salem’ et quelques autres, mais pas beaucoup. Bloch m’a dit : ‘Tu as un beau futur devant toi ; ne laisse pas les éditeurs te dévorer ».
Richard Matheson, auteur de « Je suis une légende » et de bien d’autres choses, a donné à Stephen King un conseil bien plus précis après que King lui ait envoyé un exemplaire de « Salem ».
« Il avait l’habitude d’écrire sur des petits carnets et il m’a envoyé une lettre sur l’un d’eux. Il m’a remercié pour le livre et tout en bas il me disait ‘Je vais te dire la chose la plus importante sur l’écriture.’ Et je me suis dis, ‘Oh mon Dieu, je vais vraiment obtenir quelque chose là. Et j’ai tourné la page, et ça disait : ‘Prends un pupitre.’ Comme ça tu n’as plus à tourné la tête pour les pages, parce que c’était comme ça que ça se faisait à l’époque quand on écrivait à la machine. »
Est-ce que Stephen King a suivi le conseil et en a acheté un?
« Non, je ne l’ai jamais fais. Et je n’ai jamais eu de problèmes au cou non plus. »
Burroughs, sans les Tarzan
Se trouvant un peu plus loin, sur une étagère, un autre cadeau de Tabitha, où se trouvent des livres d’Edgar Rice Burroughs.
» ‘Les pirates de Venus’ et ceux avec Pellucidar’ – ‘Au coeur de la terre’ et des trucs comme ça. Je les adorais. Je ne me suis jamais vraiment intéressé à ses livres de Tarzan et toute cette jungle. Je n’ai jamais vraiment cru au balancement sur des lianes, aux singes parlant et autres trucs ».
King et son recueil des « Contes de la crypte ». « Ils m’ont perturbé quand j’étais enfant », dit-il
La « crypte » et Cormac
Stephen King a sortit un coffret des « Contes de la crypte » des étagères, récitant solemnellement le titre avec un rire démoniaque de dessins animés.
« Ceux-ci m’ont perturbé quand j’étais enfant. J’avais 10 ou 11 ans. Ma tante était inquiète ; pas ma mère. Ils coutâient 5 centimes l’unité. Ils n’avaient pas de couvertures. A cette époque, ils déchiraient les couvertures et les renvoyaient pour obtenir des crédits (pour racheter d’autres livres, ndt). Ils étaient censés être réduis en bouillis, mais ils les réimprimaient de l’autre face ».
Il signale que, comme beaucoup des livres de sa bibliothèque, comme les exemplaires des « Contes de la crypte », sont des réimpressions.
« Je ne suis pas un collectionneur. J’ai quelques livres dédicacés et ils ne sont pas rangés dans un coin spécifique. Ce ne sont pas des objets que je chéris particulièrement. J’ai un exemplaire de « Look Homeward, Angel » dédicacé par Thomas Wolfe et « They shoot horses, don’t they? » d’Horace McCoy. Et j’adore cela, c’est sympas d’avoir un livre dédicacé, mais… »
Plus tard on tombe sur une première édition dédicacée du second roman de Cormac McCarthy, « L’obscurité du dehors » (Outer Dark) publié en 1968. « J’aime Cormac McCarthy ».
Interrogé pour savoir s’il l’a conny, King a répondu : « Non. Je veux dire que je ne le connaissais pas, mais j’ai tout lu de lui. J’ai lu ‘Le Passager’ (The Passenger, 2022) et me suis dit que ce gars a genre 87 ou 88 ans et qu’il était aussi bon qu’il ne l’a toujours été. Il m’a époustouflé. Je veux dire que je n’ai pas tout compris. Mais il m’a tellement impressionné que j’ai écris une histoire intitulée ‘The Dreamers’ (littéralement ‘Les rêveurs’) qui sera dans mon prochain livre. Et le livre lui est dédié parce que j’ai volé son style pour cette histoire ; il a rendu la nouvelle possible. »
« J’ai commencé à lire Ed McBain quand j’avais probablement 11 ou 12 ans », précisa King. « Je me suis dis : ce n’est pas les frères Hardy »
Après les Frères Hardy
« J’ai commencé à lire Ed McBain quand j’avais probablement 11 ou 12 ans », a dit Stephen King devant une rangée de plusieurs romans de l’auteur prolifique d’histoires criminelles.
« La bibliothèque mobile arrivait. Parce que j’habitais en pleine campagne. La premièrechose donc je me rappelle est lire un de ces livres, avec les détectives Carella et Kling qui allaient questionner une femme au sujet d’un crime. Elle est assise en slip et saoûle, elle attrape sa poitrine et la presse en disant ‘Dans ton oeil, flicard’. Et je me suis dis ‘Ce n’est pas les frères Hardy. D’accord?’ Ca m’a laissé une impression. Ca semblait plus réel. »
L’arbre généalogique
Deux lots complets d’étagères sont remplies avec les livres de Stephen King et ceux de sa famille : Tabitha et ses deux fils, Owen et Joe (qui écrit sous le pseudonyme de Joe Hill), qui ont chacun publié plusieurs romans. Naomi, la famille des King, est pastoresse. Quand on l’a interrogé sur ces étagères Kingiennes, l’auteur a immédiatement commencé à pointer du doigt les écrits de sa famille. « Les livres de Joe sont ici, ceux de Tab là. Où sont ceux d’Owen? Voici ‘The Curator’. ‘Save Yourself’ (Sauve Toi, lien amazon) est le livre de Kelly. Kelly (Braffet) est la femme d’Owen ; elle est géniale. »
Malgré le grand nombre de ses livres à lui, Stephen King ne les as pas évoqué.
Il a dit que les livres de la famille ont été sélectionnés et rangés par quelqu’un qui travaille pour lui, quelqu’un qui est en quelque sorte intéressé par… « comment vous diriez-cela, mon… »
« Héritage » j’ai proposé.
« Héritage, peut-être ça » dit-il.
Quelques minutes plus tard, j’ai demandé s’il a lui-même envisagé son héritage (littéraire, ndt). « Je n’y pense pas vraiment. Je ne comprends pas pourquoi il y en aurai un. Quand on est un romancier populaire (et ne vous méprenez pas, j’écris du mieux que je peux et j’essaie toujours de trouver quelque chose à raconter. Si vous ne racontez pas quelque chose auquel vous tenez, pourquoi le faire »?
« Il y a très peu de romancier populaire qui ont eut une vie après leur mort. Agatha Christie en fait partie. Il n’y a personne d’autre qui me vienne à l’esprit. Des gens comme John D. MacDonald, qui était fortement populaire par son temps, mais quand il est décédé, ses livres ont disparu des lieux de vente. Ils étaient en fin de compte jetables. Je pense que deux ou trois romans d’horreurs surviront. Ils seront peut-être lus dans 50 ou 100 ans, comme « Shining » ou « Salem » ou « Ça« .
Si on demande aux gens quels vampires ils connaissent, il répondront ‘Dracula’. Et si on leur demande qui a inventé Dracula? Ils ne le savent pas. Donc, dans 50 ou 100 ans, les gens diront connaitre Grippe-sou le clown. Mais pas Stephen King »
Les épiques et livres reliés
En pointant du doigt les étagères de fiction, Stephen King dit : « C’est tout ce que j’ai lu ou que Tabby a lu. Ce sont tous des livres qu’on a lu et aimé. On n’arrive pas à jeter un livre, aucun d’entre nous ne le peux. »
Bien qu’il ne se déclare pas comme étant un lecteur rapide (il lit environ 60-70 livres par an, bien moins que sa femme selon lui), il s’arrête pour recommander des livres chronophages comme « L’histoire des Forsyte » (The Forsyte saga) de John Galsworthy, une saga épique (« Je l’ai écouté — en livre audio, ndt — et lu sur mon ipad parce que le texte est trop petit pour moi maintenant) et les 12 volumes de « La Danse de la vie humaine » (A Dance to the Music of Time) d’Anthony Powell.
« L’Histoire des Forsyte » de John Galsworthy est un des nombreux livres reliés de la bibliothèque de Stephen King
J’ai signalé que tous les livres des étagères Fiction (ou presque tous) étaient des livres avec couvertures rigides. Stephen King a répondu que c’était pour compenser le fait de ne pas en avoir eu en grandissant.
« Quand j’étais enfant et pauvre, pourquoi acheter un livre à couverture rigide pour le prix astronomique de $6 alors qu’on pouvait avoir un livre de poche/souple pour 35 centimes? »
« Le premier livre en couverture rigide que j’ai acheté, quand j’étais à la fac, était ‘Death of a President’ de William Manchester sur l’assassinat de Kennedy, qu’il a donné à sa mère pour son anniversaire. »
Vers la fin de ma visite, Stephen King sortit avec enthousiasme un dernier livre de ses étagères : « Celui-ci est un livre intéressant : ‘L’échiquier du mal’ (Carrion Comfort) de Dan Simmons. Il est long, très long. C’est un des rares livres que tout le monde dans ma famille a lu. Il me l’a dédicacé après que j’ai été renversé par un van. (Voir notre article sur l’accident qui a manqué de lui ôter la vie en 1999, ndt). C’est un livre au sujet de personnes qui tombent dans des accidents stupides. »
Sur ce, Stephen King se retourne vers les personnes dans la pièce et demande fortement : « Est-ce qu’on s’amuse? »
Stephen King parcours « Knowing Darkness », un gigantesque livre contenant des illustrations inspirées de ses histoires.
Peu après, toutes les personnes présentes se rassemblent autour d’un exemplaire de « Knowing Darkness : artists inspired by Stephen King ».
Il serait difficile de surdimensionner la taille de cet immense ouvrage à tirage limité qui est posé sur une table au bout de la pièce et qui parait plus comme une faisant partit des meubles.
« Je ne vais même pas essayer de le soulever », a dit Stephen King.
Ses pages contiennent au moins une touche amusante : une illustration du visage de Stephen King sur une couverture à l’eau de rose pour un roman « Misery’s return », un livre fictif qui joue un rôle dans le roman « Misery » de Stephen King.
Mais « Knowing Darkness » était autrement rempli d’illustrations sombres qui ont accompagnées ses histoires. Après l’avoir parcouru quelque temps, Stephen King a dit, avoir une innoncence feinte : « Je dois avoir un esprit un peu tordu ». Tout le monde a rigolé.
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