Stephen King a récemment participé à une interview avec Justin Welby, archevèque et animateur radio pour BBC Radio 4.
Cette interview a été réalisée dans le cadre d’une série de podcasts de l’archeveque, avec des personnalités ayant « apporté une contribution significative à la vie publique », et dans l’objectif de parler de spiritualité et de leur foi.
On vous propose ci-dessous notre retranscription et traduction de la discussion.
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Ce qui suit n’est pas tout à fait une retranscription exhaustive, certains propos étant transformés en commentaires. Si vous voulez écouter la discussion complète, elle est disponible ici.
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L’archevêque débute en disant qu’ il avait toujours eu peur de ses livres jusqu’à la préparation de cette interview, parce que « mon travail contient tellement d’horreurs que je ne peux pas faire face à plus ».
Mais il a ensuite découvert que Stephen King a écrit « La ligne verte » (son film préféré), « Les Evadés » et bien d’autres, et a a commencé à lire « La ligne verte« . Il se trouve fasciné par sa simplicité d’écriture et l’austérité de sa prose.
Au sujet de son style et de l’écriture :
Il interroge l’auteur sur son style, demandant s’il l’a développé ou si cela a toujours été la manière dont il pense et parle.
Stephen King réponse que c’est tout simplement lui.
« J’essaie de garder l’écriture aussi simple que possible et quand j’écris, je suis deux personnes. L’écrivain qui déroule l’histoire et j’essaie aussi d’être le lecteur en me demandant si c’est quelque chose de compréhensible et si cela va intriguer le lecteur. »
Il raconte alors l’anecdote qu’il ressort souvent concernant sa rencontre dans un supermarché avec une femme convaincue qu’il n’écrit que des horreurs… et ne voulait pas croire qu’il a aussi écrit l’histoire devenue le film « Les Evadés. »
Sur les religions :
L’archevêque dit que Stephen King est reconnu pour détester les religions organisées et l’interroge sur ses raisons.
« Mon problème, je présume, est qu’il y a beaucoup d’églises organisées qui confondent la politique avec leur religion. Où des gens se regroupent et croient en la même chose mais oublient que Jésus à dit de rendre à César ce qui lui appartient, et de rendre à Dieu ce qui est de lui. Ce sont des animaux différents, et il faut les distinguer. »
« Les religions organisées sont une chose. Les voleurs sont une autre. Je suis partisan de la croyance en un dieu personnel. Je ne dirai pas tout savoir sur la Bible, mais je la connais. »
Il évoque alors des cours religieux de son enfance, avant de dire que les regroupements religieux finissent par générer des conflits.
La discussion se porte alors sur des cas extrêmes.
« Dans la plupart des cas, l’église est ouverte, généreuse et devient partie intégrante de la communauté et j’aime cela. Ce qui m’importe c’est la spiritualité personnelle. »
« J’ai choisi de croire en Dieu quand je suis devenu sobre, il y a bien des années. C’est très simple, ils m’ont dit que l’alcool et les drogues vont devenir plus puissants que tu ne l’es. Et je n’arrivais pas à devenir sobre. J’en étais arrivé à un point où j’étais convaincu de ne pas pouvoir y arriver. »
« J’ai choisi de croire en Dieu quand je suis devenu sobre »
Stephen King évoque que son parrain (du programme des Alcooliques Anonymes) lui a demandé s’il priait, car lui le faisait. Et lui a suggéré de le faire aussi. Le matin pour prier d’avoir la force de passer une journée sans toucher à quoi que ce soit, et s’il y arrive, le soir pour remercier d’avoir réussi à le faire.
Sur le sujet de l’alcool :
L’archevêque évoque les ravages de l’alcool sur sa famille.
Stephen King mentionne ne pas beaucoup parler de ses expériences avec l’alcool et les drogues car il fait partie d’un programme censé rester discret. Mais il est sobre depuis 33 années (ndlr : dans un podcast de l’équipe de Kingcast nous avons appris que Stephen King et Mike Flanagan partagent par pure coincidence le même anniversaire de sobriété, le 18 octobre) et déclare que cela lui a permis de vivre, de bien des façons, une vie plus spirituelle.
« Il est plus facile de vivre une vie de bonne morale (sobre, ndlr) parce que quand tu fais quelque chose de bien merdique, tu sais que tu l’as fait et il faut en parler, parce que la dernière des choses que je veux faire est d’être saoul ou défoncé. Et donc une partie de mes prières est de dire ‘Pardonnez moi pour ce que j’ai fais parce que je ne veux plus boire ou me droguer.’ Et ça marche ».
L’archevêque questionne Stephen King sur l’impact que cela a eu sur sa relation avec ses enfants :
« Ils le savent, et savent ce qui marche pour moi. Pour ce qui fonctionne avec eux, ils ont leur propre spiritualité et vie, et savent la mienne. Mes garçons sont tous les deux auteurs à succès, et ma fille est ministre d’une église universaliste. C’est une personne très spirituelle et une très belle personne. Ils le sont tous. On m’avait promis que la sobriété ne me ferai pas regretter le passé et que je n’aurai pas peur du futur. Et je n’ai pas vraiment peur du futur, mais il y a beaucoup d’épisodes de mon passé que je regrette. Il y a des choses que je ferai différemment si j’avais l’opportunité de les refaire. Et une des choses pour lesquelles je suis reconnaissant, c’est que mes petits-enfants ne m’ont jamais vu au plus bas. »
« il y a beaucoup d’épisodes de mon passé que je regrette.
Il y a des choses que je ferai différemment si j’avais l’opportunité de les refaire.Et une des choses pour lesquelles je suis reconnaissant, c’est que mes petits-enfants ne m’ont jamais vu au plus bas »
Il l’interroge sur ce qu’il fait concernant les choses qu’il regrette.
Stephen King répond qu’il médite, et que ces séances de méditations sont à la fois ennuyeuses et merveilleuses. « J’essaie de penser à des choses que je regrette véritablement. Des choses qui m’ont vraiment embarassé ».
Il donne un exemple. Un jour où il accompagnait un de ses fils à un match de baseball et avait sur lui une bière et un livre de poche.
Une personne lui a gentiment dit de partir si la cannette ouverte contenait de l’alcool.
Et il est partit.
Stephen King mentionne alors qu’il essaie de se remémorer ces moments durant ses séances de méditation, car de cette manière il n’y pense plus durant le reste de la journée.
Sur la question du Bien et du Mal :
La conversation porte ensuite sur la question du Bien et du Mal.
L’archevèque demande pourquoi beaucoup de ses livres traitent du Mal. « Est-ce quelque chose que vous faites sciemment? Est-ce simplement parce que cela fait une bonne histoire? »
Il répond : « On trouve le mal intéressant et on trouve nécessaire nécessaire de le voir et de comprendre autant que possible afin de pouvoir l’éviter. »
Stephen King parle alors de Charles Starkweather et de ses meurtres. L’auteur n’avait alors que 10 ou 11 ans, mais lisait tout ce qu’il trouvait dans les journaux à ce sujet à l’époque. Sa mère le savait et s’en inquiétait : « Pourquoi es-tu autant intéressé par lui, est-ce que tu l’admires? »
Ce à quoi il a répondu : « Non, je ne l’admire pas, mais si je croise quelqu’un comme lui, je veux le savoir. »
Il mentionne alors que les lecteurs se remémore le personnage de Randall Flagg, une figure du Mal.
« Une question qui me hante et qui se retrouve encore et encore et encore dans mes livres, c’est ‘Dans quelle mesure le Mal vient de nous?’ Et ‘Dans quelle mesure vient-il de l’extérieur?' »
Stephen King raconte l’appel de Stanley Kubrick qu’il a subit un matin difficile (on vous invite à lire notre article : « Shining” : King contre Kubrick, les origines du Mal » ).
L’écrivain mentionne ensuite trouver que le film « L’exorciste » est très optimiste. Parce que la petite fille Regan, est possédée par un démon alors qu’elle n’a rien fait de mal. « Il est venu de l’extérieur. C’est une entité surnaturelle. Comme Dieu. »
L’archevèque mentionne que dans la Bible le Mal est décrit comme le pouvoir de nous désintégrer, nous et toutes les choses.
Pour lui, une des choses positives des Alcooliques Anonymes, est que cela réintègre les gens (dans la société), et il demande si cette présemption lui parait juste.
Stephen King pense que c’est le cas, et pense qu’il n’est pas possible de résoudre les problèmes de mal extérieurs et intérieurs, qui sont tous les deux mentionnés dans la Bible.
L’auteur continue en disant avoir voulu écrire sur le sujet de la spiritualité dans « Désolation« . Il évoque qu’un garçon dans l’histoire dit « Dieu est amour! Dieu est amour! » Et plus tard, à un moment, il dit « Dieu est cruel »
Un autre des personnages dit « Dieu est tout. Il est les deux. Dieu est amour. Et Dieu est cruel. »
Stephen King : « Il faut accepter cela, ça fait partie de la vie. Mais l’accepter n’est pas se reculer et laisser faire les choses. Quand Poutine envahit l’Ukraine, il faut faire quelque chose. Il faut se lever et dire ‘Je vais supporter ces gens autant que je peux’ (ndt : Stephen King a déclaré sur Twitter avoir décidé de ne pas reconduire son contrat d’édition en Russie), mais il faut aussi se dire ‘Il va y avoir beaucoup de pauvreté, de morts, de réfugiés et il faut aussi faire quelque chose à ce sujet. »
« Les gens bons ne gagnent pas toujours. Il faut être réaliste là-dessus. Mais il faut être aussi réaliste sur le bon coté de l’équation et dire que non seulement la majorité des gens sont bons, mais la plupart réussissent ce qu’ils essaient de faire. »
Sur l’accident de Stephen King et son ressenti concernant la personne qui l’a causé :
L’archevêque mentionne l’accident de Stephen King (en 1999) manquant de tuer l’auteur et demande ce que la personne est advenue.
« Il est mort d’une overdose de drogue, un an plus tard, le jour de mon anniversaire. »
Il lui demande ensuite ce qu’il pense de cela.
Il raconte qu’il y a 40 ans, un accident de voiture a tué un de ses enfants. Ce qui a complètement chamboulé sa vie, et celle de sa femme. S’il croit au pardon et à la rédemption, l’archevêque n’avoue ne pas forcément être très bon en pardon.
Pas autant qu’il le devrait étant donné son métier, ni qu’il le voudrait. Il demande si cela résonne aussi chez Stephen King.
Stephen King répond que cela ne sert à rien de garder de la rancune, être énervé vis à vis d’autrui.
« Est-ce que j’ai pardonné Bryan Smith de m’avoir percuté? Non. Est-ce que le hais? Est-ce que j’ai voulu le frapper? Est-ce que j’ai été énervé envers lui? Non. Ca ne faisait pas parti du destin. Il était un mauvais chauffeur. Il a perdu le contrôle de son véhicule car deux de ses chiens se battaient à l’arrière pour de la viande dans une glacière. Le van est sortit de la route et j’étais là. Je n’ai pas pu m’écarter à temps car j’étais où j’étais.
Ce que je me dis c’est qu’avant d’aller me promener j’ai fais une sieste. Et je me suis réveillé tôt. Si je ne m’étais pas réveillé trop tôt, il m’aurait raté. Je n’aurai pas eu 20 ou 25 années de douleurs récurrentes, je n’aurai pas du réapprendre à marcher et tout le reste.
Mais le point positif est que j’en ai tiré un livre.
Il s’appelle ‘22/11/63‘. »
« Si tu me demandes si c’était la volonté de Dieu que je sois présent à cet endroit à ce moment, la réponse est que je ne sais pas.
Et je n’ai pas besoin de le savoir. »
Sur l’amour :
La dernière question de la part de l’archevêque porte sur l’amour : ayant eu une enfance difficile et ayant eu un passé d’accroc aux drogues et d’alcool, il demande à Stephen King où il a trouvé l’expérience la plus profonde d’aimer et d’être aimé.
« Ma famille. Ma femme. Mes enfants. Mes petits-enfants. Même mon chien.
Mais l’autre truc est que j’essaie, tous les jours, d’aimer la vie.
Et je sais que cela sonne comme une remarque vide, et les gens vont faire rouler leurs yeux, mais ce que je veux dire par là, c’est que le temps s’estompe. Le temps est de l’eau. Le temps passe.
Et c’est vrai parce que hier j’avais 16 ans.
Et aujourd’hui j’ai 74 ans.
J’essaie tous les jours de regarder autour de moi.
De regarder le ciel, les arbres.
J’essaie tous les jours de trouver quelque chose dont je suis non seulement reconnaissant, mais que je peux aimer pour un instant. »
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