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Interviews

Stephen King parle du film « Dementia 13 » (Coppola), de films d’horreur et du streaming

Stephen King a participé à une mini-interview vidéo du site Deadline, sur la question du film qui a déclenché l’étincelle chez lui. 

 

Dementia13

 

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Ci-dessous la vidéo en question, produite par Deadline, suivie par notre retranscription:

 

 

 

 

Quel film ou série vous a inspiré pour vous lancer à raconter vos histoires à l’écran?

 

Stephen King : Bill Thompson, mon premier éditeur, avait l’habitude de dire « Steve a un projecteur dans sa tête. »

(Stephen King sourit en disant cela).

J’étais la première génération qui a grandit sans une télévision dans la maison mais pour qui les films étaient importants. Et ma mère m’amenait au cinéma et ensuite j’y allais tout seul, à travers les bois, mais je dirai que le film qui a déclenché l’idée était les films d’horreurs.
Il y avait des films d’horreur en noir et blanc (et bien ils étaient tous en noir et blanc), la couleur est arrivée avec les films d’American International Pictures mais j’avais l’habitude d’aller au cinéma Ritz dans le Maine.

Il y avait deux cinéma. L’Empire avait les gros films, comme « Les dix commandements » et ce genre de films, avec un grand écran pour les Disney, tandis que le Ritz avaient des films en double séance qui étaient du genre de l’exploitation qui étaient diffusées pendant 3 jours avant de changer.

C’est comme ça que j’ai vu « The Haunting of Hill House » (La nuit de tous les mystères), j’avais 15 ans.
En fait il s’appelait « The Haunting » (La maison du diable, 1963), le film de Robert Wise et il m’a foutu la trouille. Peu de temps après il y avait une double séance avec « X: The Man with the X-ray Eyes » (de Roger Corman, 1963) et quand j’ai en réalité vu ce film la dernière minute était coupée, considérée comme trop effrayante pour un public.

 

A la fin de ce film, Ray Milland ferme les yeux et ensuite regarde la caméra avec des yeux qui saignent et qui disent « Je peux toujours voir ». Et c’était terrifiant, mais le film qui était aussi durant cette séance était celui que je n’ai jamais oublié et je savais qu’on allait avoir cette discussion mais je n’ai pas été le revoir parce que j’avais peur d’être terriblement déçu.

Il y avait un film intitulé « Dementia 13 », et c’était le premier film réalisé par Francis Ford Coppola. Et son histoire était qu’il travaillait comme ingénieur du son avec Roger Corman, qui faisait un autre film en Irlande, pour une question d’impots, et il lui restait 22 000 dollars. Il lui a suggéré d’aller réaliser un film, « donne moi quelque chose dans le genre de Psychose », fais moi quelque chose avec des meurtres à la hache. 

Coppola a écrit un scénario en deux ou trois jours plus tard a tourné le film avec quiconque était dans les environs après le tournage du film avec Corman et a tourné le film en 4 jours. Corman, et c’est raconté par les meilleurs, et il l’a entendu de (William) Castle, qui avait plein de petits films avec des séances de tests. Un des petits trucs géniaux, était qu’il avait fait un film avec Vincent Price je crois intitulé « The Tingler » (Le Désosseur de cadavres, 1959). A un moment donné dans le cinéma, le film s’est arrêté un mec est venu pour dire que « Le désosseur de cadavres s’est échappé du film! Criez! Criez comme si votre vie en dépend! »
Parce qu’il fallait crier sinon le désosseur allait s’en prendre à vous et quelqu’un du cinéma, le manager, mettait un vibreur sous un des sièges et c’était le désosseur. (William) Castle avait quelques trucs de ce genre et (Roger) Corman a volé cela.

 

 

Le truc c’est que « Dementia 13 » fait genre 70 minutes. Et Corman voulait qu’il soit plus long. Il n’était aussi pas content parce que Coppola l’avait trahi et avait récupéré un autre 20 000 dollars. Je ne l’ai jamais oublié (ce film) parce qu’il m’a foutu les jetons. Ce n’était pas un film d’Hollywood. Ce qui s’en rapprocherai le plus aujourd’hui, c’est le « Projet Blair Witch ».

Un film en noir et blanc, un petit film, et même à 15 ou 16 ans, tu savais en le voyant que ça provenait de quelqu’un avec beaucoup de talent. Quelqu’un qui comprend vraiment le pouvoir des images. Et ce que je n’ai jamais oublié était son ouverture, montrant un couple, marrié, sur un lac. C’est en noir et blanc, on ne peut pas vraiment voir le lac, c’est tout noir et on dirait presque que le bateau flotte dans l’espace tellement l’eau est noire. Et le type écoute une radio portable qui diffuse une chanson de rock, et la femme dit « Baisse le son, baisse le son ».

Bien qu’il y a beaucoup d’élements impliqués dans l’histoire, c’était un scénario plutôt bon. Le truc c’est que le mec a une crise cardiaque et meurt, puis elle le balance par dessus le bord du bateau pour le faire tomber dans le lac, elle lance aussi la radio, et voici ce que je n’ai jamais oublié : il tombe dans l’eau et on voit la radio tomber dans l’eau, se retournant incessamment, et on entend la radio mais ça fait des sons incohérents, on entend à peine le son parce que l’eau entre dedans et ça commence à couper. On le voit aussi, mais ce que je n’ai jamais oublié c’est la radio.
Et j’ai dis que c’était incroyable. Avec certains films, on voit des choses, on ouvre les yeux et dit qu’on a jamais vu les choses comme ça avant. C’était fantastique.

 

 

 

Lorsque vous carrière était croissante, quel film ou série était tellement bon qu’il vous a fait vous demander si vous arriviez à atteindre un tel niveau?

Stephen King : Bien plus tard, c’était probablement un film comme « Duel » (de Steven Spielberg, 1971). Quand on le voit et qu’on se dit qu’on ne peut pas faire cela pour le moment. C’était le film de (Steven) Spielberg dans lequel Dennis Weaver est chassé par un camionneur psychopathe que l’on ne voit jamais. Il y a un petit peu de ce ressenti dans un roman que j’ai écris intitulé « Cujo« . Quand je l’ai écris, je me suis dis, que c’était bon mais que j’allais en faire quelque chose de bon comme « Duel » dans lequel on n’a pas nécessairement besoin d’en savoir plus sur le passé ou de motivations, mais qui a besoin d’être comme une brique qui frappe les gens dans la tête et c’est comme cela qu’est ce film. C’est un film fantastique. Epuré jusqu’à l’os ».

(Signalons au passage que Stephen King a écrit avec son fils Joe Hill, une nouvelle intitulée « Plein Gaz » en hommage à Duel et qui reprend la même idée… avec des motards)

 

 

[plein gaz stephenking joehill jailu 2015]

 

 

Que cela soit votre histoire à vous ou approuvée par quelqu’un qui comptait pour vois, qu’est-ce qui vous a donné la confiance que vous ayiez de l’importance?

Stephen King : Je ne suis pas vraiment un créateur de films. Et cela m’a enlevé beaucoup de pression. Ernest Hemingway a une fois dit, « la meilleure chose qu’un romancier peut espérer est qu’un studio paye beaucoup d’argent pour quelque chose que tu as écris, sans jamais produire le film ».

Et je n’ai jamais ressenti cela parce que j’ai toujours pensé que…. On voit des réalisateurs intéressants…. Quand Paul Monasch a optionné les droits de « Carrie » et m’a dit qu’il connaissait un réalisateur qui avait fait un certain nombre de petits films, nommé Brian De Palma. Et je connaissais le travail de Brian de Palma via son film « Sisters » (Soeurs de Sang, 1972) et je me suis dit que c’était le type parfait pour ce film. J’ai un passé dans les films, j’aime les films et j’en regarde beaucoup, encore aujourd’hui. Je ne pense pas qu’ils ne font le même genre d’impression que lorsque l’on est jeune, quand on est enfant.

On n’obtient jamais la même frayeur que l’on a dans « Psycho », avec la scène du rideau de douche et que le couteau commence à attaquer. On n’a jamais à nouveau cette même frayeur. Mais on voit beaucoup de réalisateur dont on se dit qu’ils sont intéressants, et parfois, quelqu’un surgit et qui ne fait pas partie de ceux que l’on a entendu parler.

Comme Frank Darabont, et on se dit : « Je veux voir ce que ça va donner. » C’est purement de la curiosité, mais en ce qui concerne la création de films, j’ai écris pour des films et c’était instructif. C’est gagner de l’argent tout en apprenant.
Petit à petit j’ai appris à le faire, mais c’est un boulot différent. J’avais l’habitude de regarder les scénarios comme étant des écris de la part de personnes qui ne sont pas vraiment très talentueuses (vs écrire des livres, ndlr), et quand j’ai été en mesure de changer mon avis à ce sujet, j’ai été capable de m’améliorer.

 

 

séries de stephen king - stephen king tournage UNDER THE DOME

 

Quel a été le plus grand obstacle que vous avez surpassé et qui vous avez permis de transformer les projets qui vous ont influencé en votre propre langage?

Stephen King : Et bien je pense que principalement c’était d’avoir assez de revenus. En d’autres termes, ma famille ne va plus mourir de faim, les enfants étaient capables d’aller à la fac, les petits enfants peuvent aller à l’université. En d’autres termes, avoir un filet de sécurité, un filet de sécurité financier, de manière à être capable d’oser tester.

Mon agent est Rand Holston. Rand et moi comprennent que l’on va donner des options à des gens qui ont fait des choses intéressantes.
Comme Edgar Wright qui possède une option sur « Running Man » à certaines personnes qui travaillent pour Blumhouse. Zak Hilditch est l’un d’eux, un réalisateur intéressant. (Il a fait le film « 1922 » pour Netflix, ndlr).
Et c’est merveilleux de pouvoir dire « Je veux voir ce que ces gars font de mon travail. » Mike Flanagan, quand il voulait faire « Jessie » (Gerald’s Game, un film Netflix, ndlr).
Le truc c’est que si tu as le pouvoir de valider un scénario, de choisir les acteurs et le réalisateur (ils te donnent une liste de réalisateur). C’est merveilleux. C’est presque comme conduire une cadillac. C’est une situation merveilleuse.

Si c’est sympas de pouvoir connaitre le travail de certains d’eux c’est aussi bien de donner une chance à quelqu’un, qui n’aurait peut-être pas autrement l’opportunité.

Je connaissais le travail de Frank (Darabont, ndlr) parce qu’il m’avait envoyé son film d’étudiant. Il avait fait un film de fin d’études d’après une de mes nouvelles intitulée « Chambre 312 » (« Woman in the room », dans le recueil « Danse Macabre »). Il me l’avait envoyé sur cassette. Je l’ai regardé et me suis dit que ce gars savait exactement ce qu’il fait. Puis ensuite il m’a envoyé le scénario qu’on lui avait commandé pour « Les Evadés » qui était alors intitulé « Rita Hayworth et la Rédemption de Shawshank » (le titre de la novella de « Différentes saisons », ndlr), le titre complet à casser des machoires.

J’ai lu le scénario et me suis dit qu’il était fantastique mais que le film ne se fera jamais. Et j’en ai rit, parce que je ne pouvais pas imaginer que quelqu’un veuille le produire, mais Frank l’a fait et le scénario était génial. Ce n’était que des propos. J’avais l’impression que ce n’était que de la narration.

Ce que je n’avais pas vu, n’avais pas compris, mais que Frank avait compris, était qu’il parlait de gens normaux. Vous savez, j’ai un gars qui travaille pour moi et il m’a dit que chaque fois que le film est diffusé il faut qu’il le regarde parce que les gens se prennent d’affection pour ce film.
Je n’avais jamais imaginé cela, je ne l’avais jamais compris et je ne crois pas que « Castle Rock » (Entertainment, société de production fondée par Rob Reiner avec le succès de « Stand By Me », qui voulait que Rob produise le film et achète le scénario de Frank, ndlr) ne l’avait jamais vraiment compris non plus.
Frank est resté campé sur son idée car il ne voulait pas n’être que le scénariste au générique, il voulait le réaliser, et j’étais complètement avec lui.
Et c’est ainsi que ça c’est passé.

 

Les évadés, film Stephen King

 

Comment est-ce que l’explosion du streaming a changé votre manière de travailler?

Stephen King : Pour commencer, il donne à quiconque est un romancier le privilège de travailler à une longueur de romans. Maintenant il faut être prudent avec ça parce que comme le dit le dicton, « Si tu donnes à une personne assez de corde, ils peuvent se pendre avec ».

Et je pense que l’on a tous vu des choses en streaming qui soit durent trop longtemps ou pourraient être une mini-série qui se sent un peu trop développée, avec trop d’histoire sur le passé, trop de bla bla, trop de flashbacks, de promenades, et cela peut être un problème, mais parfois à l’opposé on a quelque chose comme « L’outsider » écrit par Richard Price qui est un peu court dont les gens voudraient en avoir plus. Cela devient une sorte de rendez-vous hebdomadaire, un peu comme avec « Game of Thrones », « Mare of Easttown ».

Et pour quiconque travaille dans les films, c’est la folie, parce que tout d’un coup cela devient un marché de la vente, plutôt qu’un marché des acheteurs.

Et j’adore cela de mon point de vue. J’ai vu beaucoup de choses que j’ai pu faire qui ne pourraient autrement pas pu être faites. Je ne suis pas sur que les chaines télévisions de l’époque, quand je faisais des téléfilms pour ABC, comme « Le Fléau« , « La tempête du siècle » ou « Rose Red« , je ne suis pas sûr qu’ils auraient produits « Histoire de Lisey« . Ca aurait été dur, mais Apple était impatient et Dieu les remercie pour ça.

 

 

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MAJ du 19 octobre 2021 :
Deux erreurs de retranscription et traduction ont été corrigé, suite aux remarques de Sebastien sur la page Facebook. Merci !





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