A l’occasion de la sortie prochaine de son nouveau livre, « If It Bleeds », sortant le 21 avril en version originale, Stephen King était l’invité de la radio NPR.
L’animatrice Terry Gross et Stephen King discutent pendant 42 minutes de nombreuses choses, notamment :
– que de nombreuses personnes ont le sentiment de vivre dans un roman de Stephen King (et il s’en excuse)
– de l’impact qu’aura la pandémie sur la génération en cours,
– de la manière dont l’écriture est une échappatoire à la réalité,
– du fait d’être enfermé, qui permet à Stephen King d’avancer sur un livre qu’il a commencé il y a un an… et qu’il a dû changer à cause du coronavirus,
– du personnage d’Holly Gibney, dont Stephen King est raide dingue, et qui se retrouve à nouveau dans « If It Bleeds »
– du livre « L’outsider » et de la série, puisqu’Holly en fait également parti
– de comment il arrive à gérer la peur et l’anxiété généré par la pandémie
– du rôle des fictions d’horreur dans un monde effrayé
– de la bible et ce qu’il apprécie dans ce livre…
… et bien plus encore !
Nous vous proposons de découvrir, ci-après, notre retranscription et traduction de l’échange entre Stephen King et Terry Gross, à la radio NPR.
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Si vous aimez notre travail, ce genre de retranscription et traduction représente plusieurs heures de travail, n’hésitez pas à liker/commenter/partager en masse sur les réseaux sociaux. Merci !
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Terry Gross : Vous écoutez « Fresh Air », je suis Terry Gross. La vie durant cette pandémie fait penser que nous vivons dans un roman de Stephen King. Donc voyons ce que Stephen King a à dire à ce sujet. Il est mon invité. Il y a 40 ans, dans son roman « Le Fléau », il a écrit au sujet d’un virus qui est pire que le covid-19.
Il était léthal à 99% et a tué la majorité de la population.
Ce virus avait été accidentellement propagé par un laboratoire travaillant sur des armes biologiques.
Stephen King a un nouveau recueil de novellas, intitulé « If It Bleeds« , qui sortira le 21 avril. Le personnage principal de l’histoire qui donne son titre au livre est l’investigatrice privée Holly Gibney qui était aussi un personnage dans plusieurs histoires de Stephen King, dont « L’outsider » qui a été adapté en série par HBO avec Cynthia Erivo dans le role d’Holly. La série s’est terminée il y a quelques semaines et est disponible en streaming et VOD si vous avez HBO.
Comme c’est le cas avec « L’outsider« , Holly est confrontée à une force démoniaque dans « If It Bleeds« .
Stephen King, bienvenue à nouveau dans « Fresh Air », je suis tellement contente que tu vas bien. Est-ce que la pandémie estla chose qui se rapproche le plus d’une de tes histoires d’horreur?
Stephen King : (Rires) Et bien, oui et non. Beaucoup de personnes m’ont contacté après que Donald Trump ait été élu et m’ont dit que c’était comme dans « Dead Zone« . Il y a un personnage dans « Dead Zone » qui s’appelle Greg Stillson, qui est en quelque sorte l’archétype d’un arnaqueur. Il devient député et il monte jusqu’aux présidentielles.
C’est donc la deuxième fois (qu’on a l’impression de vivre dans mes livres, ndlr), maintenant que Trump est le président des Etats-Unis et qu’il y a une pandémie, dans le monde entier, je présume que’ c’est ce que le terme « pandémie » veut dire. On dirait presque que ces deux livres se sont rejoins, d’une certaine manière. Ce n’est pas très confortable pour moi, j’ai toujours des gens qui viennent me dire qu’on vit dans une histoire de Stephen King. Et ma seule réponse à ça, est « Je suis désolé ».
J’ai toujours des gens qui viennent me dire qu’on vit dans une histoire de Stephen King. Et ma seule réponse à ça, est « Je suis désolé ».
Terry Gross : (Rires) Ce n’est pas ta faute. Y a t’il quoi que ce soit qui te surprend avec la manière dont tu fais face à la peur et l’anxiété de la pandémie puisque tu en a créé une bien plus fatale?
Stephen King : Le plus étrange pour moi avec la manière dont les choses se sont développées est le fait que les gens semblent se focaliser sur le papier toilette comme étant le point central de leur anxiété.
les gens semblent se focaliser sur le papier toilette comme étant le point central de leur anxiété
Les étagères sont complètement vides. Et a chaque fois qu’il y a de nouveaux stocks, ils sont à nouveaux vidés. J’ai demandé à quelqu’un au supermarché « Qu’est-ce qu’il se passe avec ça? » et ils m’ont dit « Nous n’avons aucune idée puisqu’il n’y a pas de rupture des stocks. C’est juste que les gens achètent des stocks de ce produit en particulier. »
Mais sinon, tu sais, je vois beaucoup de choses qui me font penser au « Fléau« . Bien entendu il n’y a pas eu de panique globale, mais dans « Le Fléau« , les gens n’arrêtaient pas de dire aux citoyens américains et du monde « Ne paniquez pas, ce n’est qu’un rhume, tout va bien. » Et quand les choses empirent et que des gens meurent et essayent de quitter la ville, les routes sont bloquées par des véhicules morts. Rien de tout ça ne se produit mais quand on voit des photos comme de Time Square ou l’autoroute de Los Angeles… Oui c’est vraiment quelque chose que nous n’avons pas vu de auparavant.
Terry Gross : Une chose que je devrais mentionner est que si vous voulez écouter le chapitre #8, c’est sur Youtube. La version livre audio du chapitre 8, qui décrit la propagation du virus, est sur Youtube.
Et quand le président dit « Nous aurons un vaccin dans une semaine », (rires), est-ce que cela te fait penser aux choses que nous entendons, le fait d’essayer de réduire la peur et l’optimisme de « Oui, nous avons une solution qui arrive »
Stephen King : Voici ce qu’il y au sujet du covid-19. Quelque chose de ce genre devait arriver. C’était inévitable.
Quand j’ai écris « Le Fléau« , je crois que c’était en 1978-1979 (ce qui est faux, puisque le livre a été publié pour la première fois en 1978, ndlr), autour de cette période, je me suis rapproché de Russ Dorr à qui « If It Bleeds » est dédié, parce qu’après qu’il ai pris sa retraite en tant que docteur praticien, il a travaillé pour moi en tant qu’assistant de recherche pendant de nombreuses années.
Et « Le Fléau » était le premier projet sur lequel nous avons travaillé ensemble. Je lui ai dit que je cherchais un virus qui serait mortel. Et il m’a dit « le rhume n’arrête pas de muter, c’est un pathogène qui évolue, ce qui fait que les vaccins ne fonctionnent pas 2 années d’affilées, parce que le virus évolue, et tu tombe malade et il faut faire un nouveau vaccin.
Il n’y a pas encore de vaccin pour covid-19 pour le moment, parce que le virus est en quelque sorte tombé sur nous, comme ça. C’était inévitable que ça allait arriver. Il n’y avait aucun doute que, dans notre société où le voyage est plus que commun dans le quotidien, tôt ou tard, un virus se propagérait fortement parmi les humains. Donc ce qui se passe est… tout d’abord nous avons un président et une administration qui niait tout cela. Pendant la première période vitale de janvier-février-mars, le président disait quelque chose comme « Ne vous inquiétez pas, ce n’est rien de plus qu’un rhume classique ».
Les admirateurs de son camp politique l’acceptait et la chose la plus insidieuse est qu’il n’y a pas qu’une seule personne qui peut le diffuser parce que la maladie se communique et peut ne pas être active chez cette personne en question.
Il y a de trèèèèèèès nombreuses personnes qui l’ont mais qui se portent à merveille. Par exemple lorsque le président Trump dit, « Je ne vais pas porter de masque, vous voudrez peut-être porter un masque, je ne vais pas dire que vous devriez, mais peut-être que vous devriez », ce genre de choses. Ce que cela ne prend pas en compte pas est que l’on ne porte pas un masque parce que l’on a peur que quelqu’un d’autre va vous contaminer, mais parce que vous l’avez peut-être et que vous allez peut-être contaminer quelqu’un d’autre. C’est une maladie très difficile.
Terry Gross : Je veux savoir comment est-ce que tu gère la pandémie, après en avoir créé une, il y a plus de 40 ans, pour un roman. Tu as imaginé un des pires scénarios possibles d’une pandémie, qui a dévasté la majorité de la population. La société doit en réalité se reconstruire. Tu t’es créé sur la peur (comprendre, sa carrière, ndlr). Tu écris des histoires d’horreur. Tu écris dans le but de faire peur. Comment est-ce que tu vis avec l’anxiété et la peur?
Stephen King : Et bien… la réponse courte est que je ne le fais pas. Ce que je vis avec, et je suspecte que c’est aussi le cas pour beaucoup de personnes également, c’est l’enfermement. Tout le monde voit les actualités, voit les hopitaux qui sont remplis à craquer, mais ils comprennent aussi que pour la plupart des gens, si ils attrapent cette chose, ils vont s’en débarasser. Ils vont s’en sortir. Il y aura des symptomes assez sévères qui finiront pas disparaitre. On espère qu’on sera du bon coté de l’équation.
Et les chances sont du coté de ceux qui vont attraper le coronavirus et y survivre.
De l’autre coté, on se rend compte qu’il y a des gens comme Adam Schlesinger qui était un de mes compositeurs préférés décédé, un des fondateurs et forces créatives derriere Fountains of Wayne, et il est mort à l’age de 52 ans. Donc ça peut arriver.
Nous espérons tous que cela ne nous arrivera pas et on prend les précautions nécessaires, mais être dans la maison, jour après jour… (rires)… tout ce que je peux dire est que j’ai fait de très beaux progrès sur un roman, parce qu’il n’y a rien à faire et que c’est un bon moyen de s’éloigner de la peur. Je ne ressens pas de la terreur, et je ne pense que ressent la majorité des gens c’est une sorte d’anxiété désagréable qui nous incite à ne pas sortir. « Si je sors, je risque d’attraper cette chose ou la transmettre à quelqu’un d’autre »
Terry Gross : Je veux revenir à l’idée d’un virus. Tu écris des histoires d’horreur. Et un virus est presque parfait. Comme tu l’as dit, les virus changent de forme, comme le rhume ils ne cessent de muter chaque année, c’est pour cela qu’on a besoin de nouveaux vaccins, et… les virus ne sont pas réellement vivants, ils ont en quelque sorte besoin de cellules à habiter pour survivre.
Je crois que les scientifiques disent que les virus ne sont pas tout à fait vivants, ou sont dans un état entre vivants et morts. Ca ressemble à une histoire d’horreur. Et le fait qu’ils vivent en nous, que nous sommes leurs hôtes, et qu’ensuite ils nous rendent malades et dans certains cas peuvent nous tuer, c’est quelque chose que tu aurais pu inventer. Penses-tu que les virus sont en essence comme une histoire d’horreur, dans la manière dont ils travaillent en nous?
Stephen King : Oui, je le pense. Pendant des années…
Terry Gross : Oh, et est-ce que je peux ajouter une autre chose?
Stephen King : Oui.
Terry Gross : On ne peut pas les voir! Tu écris parfois sur les choses du mal qui peuvent se manifester sous la forme d’une présence, se manifester sous la forme d’une personne, mais cela existe en tant qu’entité. Cela existe comme une chose purement mauvaise. Et avec un virus, comme avec une entité, on ne peut pas la voir, sauf si c’est dans un corps. On peut la mettre sous un microscope, mais sans un microscope, on ne peut pas le voir. On ne sait pas que c’est là, mais ça l’est. Ça aussi c’est comme une histoire d’horreur.
Stephen King : Ca l’est, et quand tu parlais des virus qui ne sont ni vivants ni morts, c’est réellement comme une de ces histoires de zombies. Nous vivons d’une certaine manière dans « La nuit des morts vivants ». Un virus n’est que ce qu’il est. C’est presque incompréhensible pour nous. Et c’est aussi incompréhensible pour la science. Ce qui est une des raisons pour laquelle les gens doivent faire attention aux faux remèdes.
Le truc est que, comme c’est invisible, parce que nous ne pouvons pas le voir, nous entendons ces choses aux actualités qui disent : « Ecoutez, si vous devez sortir, faites bien attention de ne pas toucher votre visage. Lorsque vous rentrez, soyez bien sur de vous laver les mains. Soyez prudents en enlevant vos chaussures, mettez les bien à un endroit précis et ensuite lavez-vous les mains parce que vous pouvez attraper le virus sur vos chaussures », donc… à un moment, je pense que beaucoup de personnes aux USA, peut-être même la majorité des personnes aux USA, vivent presque comme Howard Hughes, qui avait cette pathologie le poussant à beaucoup se laver.
Nous nous lavons tous nos mains et c’est facile d’imaginer… Terry, imagines ça… qu’ils peuvent être sur tes mains, maintenant, des germes, des virus, comme des roues qui attendent d’entrer dans la chaleur de ton corps où ils pourront se multiplier et se propager. Et dès que tu commences à penser à ça, c’est très difficile d’arrêter d’y penser. Donc je pense qu’il est facile de commencer à se sentir paranoiaque à ce sujet, mais d’un autre côté… quelle est l’alternative?
Terry Gross : Je suis contente que tu mentionnes Howard Hughes parce que je n’arrête pas de penser à la scène dans le film « The Aviator » de Martin Scorsese, avec Leonardo Di Caprio dans le role d’Howard Hughes
Stephen King : Il est dans la salle de bain!
Terry Gross : Il est dans la salle de bain, tout à fait ! Et il essaie d’en sortir mais comme il est tellement obsédé par se laver les mains, chaque fois qu’il se lave les mains il ne peut pas atteindre la porte avec la serviette en papier. Et donc il ne peut pas sortir parce qu’à chaque fois qu’il touche quelque chose il doit retourner se laver les mains à nouveau.
Et la scène se répète sans cesse… c’est le monde dans lequel j’ai l’impression de vivre en ce moment, je ne suis pas sure d’avoir encore de la peau sur mes mains maintenant, à force de les laver tellement. Est-ce que tu aimes cette scène?
Stephen King : Oui, j’y pensais également, en meme temps que toi et je pense que beaucoup de ceux qui ont vu le film peuvent s’y reconnaitre. Immédiatement. A l’idée que ces choses sont partout sur nos mains. On crée des complexes chez nos enfants qui vont durer durant toute une génération. Tu sais, pour moi, un type qui a dans les 70 ans, ma mère m’avait parlé de la Grande Dépression. Cela m’a traumatisé et je pense que pour nos enfants… ou disons-le ainsi, mes petits-enfants, quand ils grandiront…
ma petite-fille qui ne peut pas voir ses amis et peut seulement les avoir sur skype de temps en temps, elle est bloquée dans la maison, elle peut aller dans le jardin.
Quand ses enfants diront « Oh, je m’ennuie tellement, je ne peux pas sortir », cette petite fille qui sera devenue une mère pourra dire « Vous auriez du être présent en 2020, parce que nous étions bloqué dans la maison pendant plusieurs mois, nous ne pouvions pas sortir, nous avions peur des germes ».
Tu vois ce que je veux dire?
Terry Gross : Je pense que tu as tout à fait raison. Je pense tout pareil. Je veux lire quelque chose que tu as récemment écris, je crois que c’était dans un tweet, si je me rappelle correctement. « Les gens qui écrivent des romans, dont moi, vont devoir repenser fortement à leurs travaux en cours. Pour citer Bob Dylan, ‘Des choses ont changés’. »
Travailles-tu actuellement sur quelque chose et l’as-tu révisé parce que les choses évoluent autour de toi, et certains changements vont avoir un impact à long terme, voir être permanents?
Stephen King : Je suis au milieu de quelque chose. Je travaille sur un livre depuis avril dernier, je crois, depuis le printemps 2019, et il y a eu beaucoup de choses qui ont interféré avec l’avancée de ce livre, mais il avance vite maintenant, il avance vite, parce que je suis dans la maison et je n’ai plus d’excuses pour procrastiner, je dois le faire.
Je travaille sur un livre depuis avril dernier (…) il avance vite maintenant
Mais mon idée, à l’origine, était…
Le livre « If It Bleeds » sort cette année en 2020, donc j’ai mis en scène ce livre (le nouveau sur lequel il travail, ndlr), en 2020, parce que je me suis dit que quand il sortirai, si c’est en 2021, l’intrigue se produirai dans le passé.
Et puis, ce virus est arrivé et je suis immédiatement revenu sur ce que j’avais écris. Dedans, deux de mes personnages font une croisière. Et je me suis dit que non, je ne pense pas que quiconque partira faire une croisière sur un paquebot cette année. Donc j’ai tout regardé et j’ai changé l’année pour que l’histoire se déroule en 2019 où les gens pouvaient se rassembler, être ensembles, et l’histoire fonctionnera grâce à ça.
Il y a beaucoup de ramifications intéressantes à penser avec ce virus. Je peux me rappeler de quand la Guerre Froide s’est plus ou moins terminée. Les gens disaient « Je ne sais pas de quoi les auteurs de romans d’espionnage vont maintenant parler », bien sûrs ils ont trouvé des choses à écrire, et les auteurs trouveront des idées sur lesquelles écrire. Je ne sais pas si ce sera des histoires d’amour pendant la période du coronavirus, ou ce quoi que ce soit d’autre, mais il y aura des romans. Pour ceux qui écrivent des romans contemporains, en ce moment, je leur dirais juste de regarder les publicités qui sont en ce moment diffusées aux actualités télévisées. Les actualités parlent en permanence sur le coronavirus, tout le temps. Tout le reste a été mis de côté. Mais quand on regarde les publicités, elles montrent toujours des gens qui sont ensembles. Dans les concessions automobiless ils se serrent la main. Le grand-père est toujours avec ses enfants, il dit que le grand méchant loup va raler et souffler, et les enfants lui répondent « un peu comme toi grand-père, n’est-ce pas? »
Et bien ces gens ne sont plus ensembles. Les publicités sont tout simplement obsolètes. Réellement obsolètes.
Terry Gross : Je ne sais pas dans quelle mesure tu as travaillé sur la série « The Outsider » d’HBO, mais elle était vraiment bien. Je la recommande à tous ceux qui ont accès à HBO et qui est à la recherche de quelque chose à regarder, et bien qu’il y des méchants et des moments qui font peur, ce n’est pas réellement lié aux sortes de choses qu’on vit en ce moment, qu’en penses-tu?
Stephen King : J’ai adoré la série. J’ai adoré ce qu’ils en ont fait. Richard Price, le type qui l’a développé, est un formidable écrivain. Je suis un fan de longue date de son travail.
Terry Gross : Moi aussi.
Stephen King : Il fait beaucoup d’histoires autour des procédures policières, des histoires très dures, très sombres.
Il sait beaucoup de ces choses et j’ai été impressionné d’apprendre durant ma relation avec lui, tous les emails que l’on a échangé, qu’il est aussi un grand fan d’horreur. Il a lu beaucoup de mes histoires, il connait tous les auteurs classiques, comme Arthur Machen (auteur de « Le Grand Dieu Pan », un livre fortement apprécié par Stephen King, auteur notamment cité dans les dédicaces de Revival« , ndlr) et HP Lovecraft, et donc il était désireux de combiner les deux.
Qui était une des choses intéressantes que j’ai adoré fait avec l’écriture de « L’outsider« . J’étais en mesure de prendre le travail policier et l’approche rationnelle du mystère d’un meurtre, qui l’a fait et comment, et l’appliquer au sujet d’un homme qui était à 2 endroits en même temps. Il y avait des témoins qui disaient qu’il était là-bas et qu’il avait du tuer cet enfant, mais il y a d’autres témoins crédibles qui disent qu’il était à 100km de là, à une conférence. Et donc j’ai eu la chance d’utiliser tous les éléments d’une procédure policière, sujet que j’aime aussi, et je les ai combinéavec une histoire d’horreur.
Terry Gross : Le personnage de l’histoire titre du nouveau livre « If It Bleeds » était aussi dans « L’outsider », et plusieurs de tes autres romans. Donc Holly Gibney, elle gère une entreprise d’investigation privée, est-ce que tu considère qu’elle a un trouble obsessionnel compulsif, qu’elle a plutôt un peu d’autisme en elle ou qu’elle quelques capacités psychiques, comment est-ce que tu décrirais ce qu’est son maquillage?
Stephen King : Tout d’abord, est-ce que je peux dire que j’adore Holly, j’aimerai qu’elle soit une vraie personne et mon amie, parce que je suis tellement fou d’elle. Elle est juste apparue dans « Mr Mercedes », le premier livre dans lequel elle était, où elle a plus ou moins volé la vedette et elle a volé mon coeur! (Rires)
La réponse courte à ta question est que je perçois la Holly des livres comme ayant un trouble obsessionnel compulsif avec un énorme complexe d’infériorité.
Le personnage d’Holly que Richard a créé (dans la série, ndlr) penche davantage du coté de l’autisme. Comment appelles-tu une personne qui est très compétente dans un domaine? Quelqu’un qui peut compter les chiffres dans sa tête. La Holly de la série de Richard Price et d’HBO est ce genre de personne, elle peut se rappeler qui a créé chacune des chansons de rock des dernières 35 années, mais n’a jamais écouté un seul disque.
Terry Gross : Penses-tu que certaines personnes ont des pouvoirs de perception?
Stephen King : Oh oui, je l’ai vu. J’étais un bon ami avec Stephen Jay Gould, nous échangions des sièges au parc de Fenway (le stade de baseball des Boston Red Sox, l’équipe préférée de Stephen King, ndlr), il amenait son fils qui en avait un peu (de pouvoir de perception). Il te demanderai quelle était ta date de naissance et ton âge, et il te disait immédiatement le jour que c’était. Il avait tout simplement ce talent. Il y a des enfants qui peuvent soudainement s’asseoir et jouer du piano. Ils entendent la musique dans leur tête, ou des enfants de 7 ou 8 ans qui sont des prodiges aux échecs.
C’est le mot que je cherchais. Prodiges.
Donc oui, il y a des gens qui ont une prédisposition à ces pouvoirs et une des choses qui me fascine est cette gamme, sur laquelle j’écris. Une gamme plutot large.
Les gens peuvent m’appeler un auteur de livres d’horreur si ils veulent, et ça me va, dès lors que le chèque s’encaisse ça me conviens, mais il me semble que je fais bien plus et ce qui m’intéresse est le mystère de ce que nous sommes et de ce que nous sommes capables de faire.
Les gens peuvent m’appeler un auteur de livres d’horreur si ils veulent, (…) mais il me semble que je fais bien plus et ce qui m’intéresse est le mystère de ce que nous sommes et de ce que nous sommes capables de faire.
// Attention, la partie qui suit contient des éventuels spoilers du livre « L’outsider »
Terry Gross : Dans l’ouverture de l’histoire avec Holly Gibney de « If it bleeds », ton nouveau livre, tu mentionnes concernant le détective qui travaillait avec Holly dans le livre « L’outsider », que sa perception de la réalité a complètement changé depuis cet incident parce qu’il fait face à quelque chose qui va au-delà de notre perception, il fait face à quelque chose qui ne semble pas rationnel ou scientifique, qui est cette entité démoniaque.
Penses-tu vivre dans une réalité différente de celle des autres personnes?
Parce que tu écris toujours sur des choses qui sont au-delà de notre perception et au-delà de ce que nous considérons le monde que nous voyons et ressentons.
// Le spoiler de « L’outsider » est passé 😉
Stephen King : Oui, je comprends ta question et je pense que la réponse est que 20 heures par jour je vis dans la même réalité que tout le monde.
Terry Gross : (rires)
Stephen King : Mais pendant 4 heures par jour (celles de l’écriture, de 8h30 vers 12h30, ndlr) les choses changent. Et si jamais tu me demandes comment est-ce que cela arrive ou pourquoi est-ce le cas, je devrais te dire que c’est autant un mystère pour moi que pour autrui. Tout ce que je sais est que lorsque je m’asseois devant le, et bien maintenant c’est une machine à texte, c’était par le passé une machine à écrire, c’est même en fait un ordinateur maintenant, les choses changent et durant toutes les années depuis lesquelles je fais cela, depuis que j’ai découvert mon talent quand j’avais 7 ou 8 ans, je me sens toujours le même que celui que j’étais durant les premières années, qui est que je quitte le monde ordinaire, pour mon monde à moi et c’est une expérience exaltante, je suis très reconnaissant de pouvoir la vivre.
20 heures par jour je vis dans la même réalité que tout le monde, mais pendant 4 heures par jour les choses changent. (…) je quitte le monde ordinaire, pour mon monde à moi et c’est une expérience exaltante, je suis très reconnaissant de pouvoir la vivre.
Terry Gross : Pourquoi est-ce que tu quittes le monde actuel pour le tien, mais fais du tien un monde aussi terrifiant?
Stephen King : Et bien, je suis intéressé par faire peur aux gens. Je suis comme le petit garçon dans l’histoire de Charles Dickens, je veux juste vous donner la chair de poule. Et c’est bien. Mais ce qui m’intéresse vraiment, en tant qu’auteur, et auquel je revens de temps en temps, est l’intrusion de l’inattendu et de l’étrange dans notre vie quotidienne. Je trouve qu’il s’agit là d’un thème honorable parce que nous faisons tous l’expérience de choses inattendues. Nous en vivons même une en ce moment, en tant que société, j’aimerai penser que cela nous rassemblera, je ne suis pas que cela arrivera mais clairement nous faisons tous face et intégrons cette chose dans notre perception du monde. Les rues vides, les magasins vides, se rendre une fois par semaine dans le supermarché local au lieu de décider d’aller acheter une pizza surgelée. Nous voyons des gens porter des masques. Il y a 4 semaines cela aurait paru incensé, on aurait pensé qu’il s’agissait de voleurs ou un truc du genre. J’aime explorer ce monde dans lequel des choses étranges arrivent aux gens normaux.
je suis intéressé par faire peur aux gens (…) je veux juste vous donner la chair de poule
// Attention, la partie qui suit contient des éventuels spoilers du livre « L’outsider »
Terry Gross : Dans « L’outsider » et c’est aussi évoqué dans « If it bleeds », tu fais mention à l’histoire de El Cuco, une histoire mythique qui s’ancre dans plusieurs cultures hispaniques. Peux-tu en dire plus sur El Cuco et pourquoi étais-tu intéressé par cette histoire?
Stephen King : J’ai découvert El Cuco après avoir commencé à écrire « If It Bleeds », je savais qu’il y avait un outsider (un étranger, ndlr), parce que c’est sur quoi portait le livre. Je suis intéressé par l’idée d’un mal étranger, je trouve cela confortant de penser qu’il peut y avoir des forces maléfiques qui ne viennent pas forcément du coeur et de l’esprit des hommes. Et une fois que j’ai établi cette situation, dans laquelle il y avait une créature qui pouvait prendre le visage et la forme de quelqu’un, le doppelganger d’une personne, je suis allé à la recherche de mythes qui s’intégraient là-dedans, et celui que j’ai trouvé, dans un livre pour enfant en réalité, était El Cuco.
Terry Gross : Qui est El Cuco?
Stephen King : El Cuco était une créature qui vit sur la peur et la douleur des autres personnes. Dans les légendes, il prend les enfants qui ne sont pas sages. C’est un homme très mince, avec un manteau noir et un visage pale et ce qui est dit aux enfants, parce qu’on garde nos histoires les plus terrifiantes pour les enfants, est que si ils ne sont pas sages ils verront probablement El Cuco ramper au plafond. J’aime cette image, parce que comme les araignées, l’homme fin dans un costume noir, il porte un sac avec lui et si l’enfant n’est pas sage il le prendra et le mettra dans son sac avant de l’emporter dans son antre, présumée être une grotte. Il le tuera et gobera sa matière dans son corps avant de se regénérer et redevenir jeune à nouveau.
Terry Gross : Et bien (rires), il y a beaucoup de choses dans cette histoire. Mais l’idée de cet El Cuco, se nourissant de la peur et du chagrin, c’est là où l’on est le plus fragile.
Stephen King : C’est une des choses que je trouve particulièrement puissante et que je voulais utiliser, qu’El Cuco commence qu’en prenant quelqu’un qui est Terry Maitland, dans « L’outsider », pour être blamé pour ses crimes, mais ensuite, cette créature reste dans les parages et se nourrit du chagrin et de la douleur de ceux qui survivent.
Toute la famille de Frankie Peterson finie par être détruite, à cause d’El Cuco, il essaie de faire la même chose à la famille de Terry Maitland, à commencer par les enfants, qui sont les plus fragiles. Mais j’aimais cette idée. J’ai utilisé l’idée de l’antre pour la conclusion du livre et de la mini-série également, puisque j’ai pu mettre El Cuco dans une grotte. Donc je me suis rapproché autant que possible de la légende.
// Le spoiler de « L’outsider » est passé 😉
Terry Gross : Tu as grandis dans une église méthodiste. Tu allait à l’église, lorsque tu étais enfant. Etant donné ta disposition en tant qu’auteur, étais-tu particulièrement intéressé par les histoires portant sur Satan?
Stephen King : Non, je ne dirais pas que j’étais particulièrement intéressé par les histoires sur Satan. J’étais plutot intéressé par l’idée que Satan nous pousse à faire de terribles choses et l’histoire que je dirais ayant eu le plus d’impact sur mon imagination était celle de Job. Et j’aimais le vocabulaire de celle-ci, l’ancien testament, l’histoire du Roi Jacques…
Elle débute par « Dieu dit au diable : qu’étais-tu en train de faire, Satan? Et Satan répond : Oh, je suis allé et revenu sur Terre, pour voir quelles misères je pourrais causer », ensuite ils font un pari portant sur Job, qui est un gars qui n’a rien fait de particulier mais Dieu dit de lui faire ce qu’il veut, mais sans lui faire de mal. « Et on verra ce qui lui arrive ».
Donc les récoltes du gars pourrissent, ses réserves de nourritures s’amoindrissent, tous ses enfants meurent et après tout cela, c’est là où tout l’histoire m’a perdu… il y a en réalité une fin heureuse!
(Rires)
Job se remarie et a de nouveaux enfants
(Rires)
Terry Gross : Dis m’en plus sur les raisons pour lesquelles tu trouves cette histoire si intéressante?
Stephen King : Je pens que c’est à cause de l’idée que le Diable peut avoir un impact sur les vies humaines… c’est une idée qui m’a fasciné toute ma vie. Y a t’il une chose comme un diable extérieur?
Y a t’il des diables, des démons, des possessions, des choses horribles nous viennent de l’extérieur ou est-ce que tout cela nous provient de notre ADN? La Bible disait les deux.
Cette histoire de Job, dans laquelle le Diable et Dieu font ensembles de tout cela, et puis il y a cette histoire d’arbre de bien et de mal dans laquelle tout est en quelque sorte blamé sur Eve… elle ne pouvait pas s’empêcher de regarder cette pomme et se dire qu’elle semblait très bonne.
Ou l’histoire de Moïse et de ceux qui ont construit le veau doré… ce sont des sentiments humains, des faiblesses humaines. Donc je trouve que c’est en réalité réconfortant de penser qu’il y a un diable extérieur qui n’est pas notre faute.
Terry Gross : C’est un thème dans « L’outsider », qui continue clairement de t’intéresser. Sur ton site internet, dans les questions fréquentes, je ne sais plus quelle était la question, mais la réponse est que tu ne te rends plus à l’église mais que tu continue à croire en Dieu et que tu lis la Bible. Je me rappelle que la dernière fois que nous avons parlé, tu disais que tu t’es en quelque sorte monté à croire en Dieu, mais que tu as beaucoup de doutes. Dans tous les cas il parait évident que tu lis la Bible. En parlant d’histoires qui te semblent particulièrement intéressantes, que cherches-tu lorsque tu lis la Bible maintenant? Est-ce que tu la lis pour des raisons religieuses ou pour essayer de comprendre la vie humaine et les émotions humaines?
Stephen King : Je pense que, vraiment, ce qui m’intéresse le plus au sujet de la Bible… en premier lieu, Terry, je suis un écrivain, j’aime le vocabulaire. J’ai écouté l’année dernière la version en livre audio, je crois qu’elle durait 45 heures, ce qui n’est pas tout à fait aussi long que « Le Fléau » en livre audio, mais
Terry Gross : (Rires) « Le Fléau » fait plus de 1 000 pages
Stephen King : Et c’est vrai. Tandis que la Bible n’en fait qu’environ 850… Mais j’aime son vocabulaire, surtout la partie du Roi James, c’est très beau, à écouter, c’est limpide et rythmique. J’aime certaines des choses et des phrases que l’on entend ici et là, ce qui créé une sorte de répétitions incrémentales. Il y a cette chose dans l’ancien testament dans laquelle ils parlent des gens qui seront perçus comme des hommes qui pissent sur le mur, et je trouve que c’est une belle figure, c’est original et c’est génial.
Mais la vraie raison pour moi est parce que l’on voit la manière dont l’éthique humaine et les lois humaines se développent.
C’est particulièrement intéressant, pour moi, de plonger dans l’ancien testament, où les gens sont coupés, pour le nouveau testament, où Jesus Christ dit je vous donne un nouveau commandement : « Aimez votre prochain comme vous même ». Il n’y a rien de similaire dans l’ancien testament.
Donc on voit cette sorte d’évolution de la pensée humaine et c’est merveilleux, mais le vocabulaire est génial et l’autre chose qui est bien, est que lorsque tu l’écoutes, on remarque, phrase après phrase, la manière dont elle s’est intégrée dans notre langue. J’aime ça. Mais principalement c’est la langue, ce sont les histoires… (rires)… je suis désolé parce que cela me fait penser à WHR (une station de radio américaine, ndlr) qui disait qu’il ne faut pas lire la Bible pour sa prose. Mais j’ai tendance à faire ça.
Terry Gross : Je me rappelle que durant notre interview après la publication de « Joyland » que nous parlions de religion, et tu disais que si c’est le plan de Dieu, c’est plutot particulier et cela en dit beaucoup sur sa personnalité. (Rires) Je me demandes si tu penses toujours pareil, maintenant, avec la pandémie?
Stephen King : Et bien, la pandémie pourrait être bien pire. Je ne vais pas paraitre comme une vieille grande-mère juive, mais « Ca pourrait être pire »
Terry Gross : Rires
Stephen King : « La maison pourrait être en feu! »
Mais ça n’est pas aussi pire que ça pourrait l’être. Il y a des questions qui surgissent toujours, dans l’esprit des gens. J’ai écris à ce sujet, il y a un personnage dans le nouveau livre, celui sur lequel je travaille, qui dit, après que quelque chose de terrible lui est arrivé, « Tout arrive pour une raison », et le personnage principal du livre est en colère vis à vis de cette phrase et rétorque « Ma soeur est morte d’une mort terrible. Ne me dis pas que quelque chose d’autre ou quelqu’un d’autre était plus important à Dieu que ma soeur et qu’elle n’était qu’une marche pour lui ».
Quand de terribles choses arrivent, et bien entendu j’ai fais une carrière d’écrire à ce sujet, il y a toujours la question de pourquoi ces choses arrivent, et y a t’il une raison pour laquelle ces choses arrivent?
Et la bonne chose au sujet de la fiction, la fiction avec un plan, ce que j’écris, non pas que mes plans soient préparés minutieusement, est qu’il y a une raison. On voit qu’il s’agit d’un univers rationnel. Je ne suis pas tellement sur que nous vivons dans un univers rationnel.
Je ne suis pas tellement sur que nous vivons dans un univers rationnel.
Terry Gross : Je veux lire quelque chose que tu as récemment twitté : « Si vous pensez que les artistes sont inutiles, essayez de passer votre quarantaine sans musique, poèmes, livres, films ou peintures ». Qu’est-ce qui t’as poussé à écrire cela? Penses-tu que les gens considèrent les artistes comme inutiles?
Stephen King : Je ne l’ai pas écris. Je l’ai vu sur Twitter et repartagé sans commentaire ni rien, je l’ai juste diffusé. Je n’ai jamais pensé que quiconque imaginerai que je l’avais écris, mais j’ai eu beaucoup de retweets et ce qui m’a étonné lorsque je l’ai partagé est que nous avons tous besoin d’échappatoires. Même durant les temps les plus ordinaires, quand nous pouvons sortir et avoirdes relations sexuelles avec d’autres personnes, où nous pouvons nous rencontrer dans la rue, aller au cinéma… oh mon dieu… oh Terry, ça me manque tellement de pouvoir aller au cinéma!
Terry Gross : Moi aussi….
Stephen King : Juste s’asseoir là-bas, être entouré de gens… Ca me manque d’aller dans un restaurant, être assis et discuter avec quelqu’un, s’amuser… on ne peut pas faire ça à la maison. Et je pense que si je n’avais pas un bon livre dans lequel m’échapper…je suis en train de lire ce merveilleux livre intitulé « Dare Me » par Megan Abott , une histoire formidable, j’ai Netflix, un grand merci pour Netflix, je regarde cette super série « Babylon Berlin » , donc je peux quitter le coronavirus.
Je peux délaisser la quarantaine et retourner à Berlin en 1929, c’est une échappatoire, c’est un moyen d’utiliser son imagination comme étant une force positive, via laquelle, en utilisant des imaginaires, il est possible d’augmenter sa sérénité. Il est possible de prendre de petites vacances de tout ce qui se passe.
C’est l’objectif de l’art.
Et il n’est pas nécessaire que ce soit une série télévisée, ou un film.
Ça peut-être un poème, ça peut être sortir et observer le printemps qui commence à sortir.
J’aime prendre quelques minutes, tous les jours, pour me rappeler que c’est ma vie, que je suis présent à cet instant précis. Voici ce que je vois et voici ce que je ressens. Je pense qu’il n’est pas possible de passer une journée entière à faire cela, on deviendrai fou, mais de temps en temps, c’est une bonne chose.
Et l’imagination est une bonne chose.
Ce n’est pas toujours aussi bien dans le milieu de la nuit, tu sais, quand on se réveille et qu’on croit avoir entendu quelque chose sous le lit… ce n’est probablement pas une bonne chose.
Mais c’est une épée à double tranchant. Il y a un aspect positif à l’imagination, il y a aussi un aspect négatif et je suis certain qu’on y est tous passé… et j’espère que, ce soir, Terry, lorsque tu iras te coucher, tu laissera tes pieds sous la couverture, parce que ce serait horrible, et je ne voudrais pas que tu y penses quand la lumière sera éteinte.
S’il te plait, ne penses pas au sujet d’une main qui surgit du lit, une main froide et qui agrippe soudainement ta cheville. Tu ne penseras pas à ça, n’est-ce pas?
Terry Gross : Non, je n’y penserai pas, parce que ce n’est pas ce qui m’effraiera au milieu de la nuit. Et tu sais ce qui m’effraiera au milieu de la nuit. Mais ce qui me fait m’interroger… que ressens-tu au sujet de tes histoires dans une période telle que celle-ci, et ce que je veux dire est que tes histoires portent sur la nature humaine et les vulnérabilités humaines et les choses qui vont au-delà de nos perceptions, et elles sont prévues au moins partiellement dans le but d’effrayer les gens. Tu aimes faire peur aux gens. Une partie de tes histoires sont liées à l’univers de l’horreur, et nous vivons dans une histoire d’horreur, en ce moment… que vois-tu être le role des livres d’horreur, ou les films d’horreur, dans une période durant laquelle le monde est si terrifiant?
Stephen King : Ils sont comme des rêves, n’est-ce pas? Tu es en mesure d’aller dans un monde que tu sais ne pas être réel, mais, si l’artiste est bon, le réalisateur ou l’auteur, peut-être même le peintre, pendant un petit instant tu es en mesure de croire à ce monde parce que son image et sa description est tellement réelle qu’on peut y aller.
Et pourtant, c’est une partie de ton imagination qui comprend que ce n’est pas réel.
Que ce n’est que de l’imaginaire.
Terry Gross : Stephen King, merci tellement de nous avoir rejoins, merci de tes livres et je te souhaites, à toi et ta famille, une bonne santé. Merci.
Stephen King : Merci également, sois en bonne santé et sois prudente.
Terry Gross : « If It Bleeds », le nouveau recueil de Stephen King sort le 21 avril.
>>> Pour tout savoir sur le livre « If It Bleeds »
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