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Interviews

[TRADUCTION] Stephen King dévoile, dans sa conversation avec John Grisham, écrire 2 romans à suspense

Cette semaine, Stephen King et John Grisham ont participé à une conversation publique, en direct sur Youtube, dans le but de lever des fonds pour aider les libraires indépendantes à faire face à la crise actuelle.

Nous vous proposons de découvrir, ci-dessous, la vidéo de cette événement, accompagnée d’une petite synthèse des éléments qui nous semble les plus intéressants ressortis de cet échange, puis, enfin, une retranscription et traduction complète de cette discussion entre les deux auteurs.

 

La vidéo :

 

 

 

En bref :

 

– Stephen King a dédicacé 500 livres, qui ont été vendu par sa librairie locale
– Stephen King et John Grisham ont une fois envisagé d’entrer dans une librairie locale, sans prévenir et juste dédicacer les livres pour ceux présents sur place… mais ne l’ont jamais fait. Ils prévoient de le faire dans le futur
– Les deux auteurs n’ont pas le même processus créatif : Stephen King se laisse embarquer dans une histoire, avec une vague idée d’où le livre va aller et se laisse porter, tandis que John Grisham ne commence l’écriture qu’après avoir élaboré un plan dans les grandes lignes
– « The Assassin » : le roman que Stephen King écrit depuis 1 an, et qu’il a du revoir à cause du coronavirus pourrait s’appeler « The Assassin », ou c’est peut-être un titre de travail, ou c’était peut-être juste une description. Il porte autour d’un tueur à gage embauché pour une mission…
– King n’écrit plus aussi vite que par le passé : il écrivait 2000 mots par jour, maintenant il s’estime heureux à 1000 (et John Grisham considère que c’était une journée productive à 1000 mots par jour)
– Ils écrivent tous les deux avec un ordinateur, mais Grisham a peur de se faire hacker et voler ses documents donc écris sur un ordinateur non connecté à l’internet. King, lui, n’est pas très à l’aise avec les technologies (ses propos), il se fait facilement distraire par les notifications de son Mac
– King et Grisham s’estiment heureux d’être auteurs et de pouvoir écrire jusqu’à la mort s’ils désirent. Ne pas être forcé à prendre leur retraite. Ils ne sauraient de toute façon pas quoi faire durant la matinée s’ils n’écrivaient pas
– Ecrire ensemble : Stephen King serait partant pour écrire un livre avec John Grisham: il lui propose une histoire d’avocats pour vampires, mais…. John Grisham n’est pas très emballé à la prospective d’écrire ensembles
– Les livres de la saga Theodore Boone, de John Grisham, sont élaborés en famille
– Des vidéos d’animaux : llamas qui crachent, chèvres qui s’évanouissent et de lézards qui tombent des arbres
– Les papiers de John Grisham : L’université d’état du Mississipi récupère tous les papiers et manuscrits de John Grisham
– Stephen King ne peut pas se passer de son ordinateur pour écrire : Stephen King a écrit ses premiers romans sur une machine à écrire. Son éditeur lui a ensuite envoyé une machine IBM avec du ruban pour les corrections : une véritable innovation à l’époque… puis sa femme a fortement insisté pour qu’il s’achète un processeur de texte (qu’il a mis du temps à s’approprier) mais il ne se voit pas, maintenant, ne plus écrire sur un ordinateur
– King prend des notes sur un carnet : Quand King n’a pas d’accès à un ordinateur, il prend des notes sur un carnet de composition
– L’industrie observe comment les ventes des livres de ces deux géants littéraires vont se comporter face au coronavirus
– Leurs lectures du moment : Stephen King recommande fortement le livre « Missing Person » de Sara Lotz
– Ne pas voir de match de baseball leur manque à tous les deux :
     o Stephen King parle beaucoup de films et séries avec Joe, mais davantage de baseball avec Owen… donc ne pas avoir de baseball le gêne
     o Ils possèdent tous les deux un terrain pour les enfants de leurs villes respectives, mais ils sont bien entendu vides avec le coronavirus
– Le tournage de la série « Histoire de Lisey » s’est terminé à seulement 24 jours de la fin !
– Stephen King pourrait sortir un roman de suspense en 2021 : Stephen King a écrit un roman moyennement long, qui pourrait sortir en 2021, peut-être directement en poche. Il s’agit d’un roman à suspense, avec une touche de surnaturel.
– Lorsque John Grisham a rencontré du succès avec « La Firme », Stephen King lui avait envoyé un courrier pour le féliciter de son succès.

 

Au final, cette conversation publique leur a permis de collecter 44 000 dollars pour aider les libraires indépendants.

 

 

 


Notre retranscription et traduction complète de l’échange entre Stephen King et John Grisham :  

 

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Si vous aimez notre travail, ce genre de retranscription et traduction représente plusieurs heures de travail, n’hésitez pas à liker/commenter/partager en masse sur les réseaux sociaux. Merci !

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Stephen King : Est-ce qu’on est en direct?

John Grisham : Je suis là.

Stephen King : Et moi aussi, donc je pense qu’on y est.
Bonjour John Grisham, comment vas-tu? 

John Grisham : Ça ne pourrait aller mieux. Tout le monde ici est en sécurité et en bonne santé, et ça compte beaucoup en ce moment. Et de ton coté?

Stephen King : Tout le monde va bien. Pour l’instant, tout va bien. Et c’est un plaisir de faire ceci, nous soutenons une organisation qui s’appelle Binc, pas BIMK, mais BINC et il s’agit de la Bookseller Industry Charitable Foundation, qui est un nom plutot long. Mais ce que cela veut dire c’est qu’ils soutiennent les librairies. Sais-tu depuis combien de temps cette organisation existe John? Tu en sais plus à ce sujet que moi.

John Grisham : Depuis environ 25 ans, je crois. Ils aident les librairies et les employés des librairies qui font face à des temps difficiles et n’ont généralement pas beaucoup d’avantages sociaux. C’est donc une organisation formidable pour soutenir les librairies et leurs personnels, et ces temps, ils ont besoin de beaucoup d’aide.

Stephen King : J’ai compris qu’il y aura un lien pour ceux qui regardent la vidéo et si ils veulent une petite donation, ou une grande donation cela viendra en aide aux libraires indépendants. Je sais que je viens d’un petit état, je viens du Maine et nous avons une seule petite librairie dans la ville de Bridgeton. Ils sont plutôt fermés en ce moment, mais ils proposent de fournir des livres à leurs portes et font tout ce qu’ils peuvent pour rester ouverts. Tu as dis que tu as signé beaucoup de livres ces derniers temps…

John Grisham : Oui, j’ai eu un certain nombre de demandes de la part de libraires pour signer des bookplates (une petite feuille de papier qu’un auteur signe, et qui est par la suite collée dans un livre, ndlr) ou des livres pour essayer d’aider. Et je le fais avec plaisir. Je dédicace déjà beaucoup de livres toute l’année, de toute façon, et je suis ravi de le faire pour aider les libraires. Comme ici, à Charlottesville, nous avons un certain nombre de librairies mais elles sont toutes fermées en proposant leurs services à la porte, avec moins de personnel et ça va être vraiment dur pour eux. Ces boutiques ne font pas beaucoup d’argent quand tout va bien, donc maintenant… 
C’est important, pour ceux d’entres nous qui aiment les livres et les librairies, d’acheter des livres, et pas seulement ceux de Stephen King et de John Grisham, bien que nous préférons que ceux-ci soient haut de la liste, mais tous les livres. Achetez des livres chez les libraires locaux, parce qu’ils ont besoin de vous et nous avons besoins qu’ils continuent d’exister.

 

Stephenking Signed Bookplate 2 Johngrisham Signed Bookplate 2

Des dédicaces de Stephen King et John Grisham, sur des « bookplates »

 

Stephen King : Oui, et le truc est qu’il y a tellement d’auteurs qui ne sont pas dans notre position, qui ne sont pas John Grisham ou Stephen King, ce sont des gens qui ont vraiment besoin d’aide… beaucoup d’entres eux ne vivent pas de l’écriture au quotidien, ils sont peut-être professeurs ou autre, et c’est vraiment vraiment difficile. On sait qu’il y a certaines grandes sociétés, nous n’avons pas forcément besoin de les nommer, qui font des envois de livres, mais pour moi, les libraires indépendants sont l’âme littéraire de l’Amérique et c’est très important en ce moment. J’espère donc que cette conversation aidera. J’ai tout un lot de livres qui arrive demain, je vais voir 12 cartons de livres que je dois dédicacer et ce n’est pas quelque chose qui m’enthousiasme particulierement. C’est un peu comme à l’école quand tu te fais choper à envoyer un effaceur sur un autre enfant et on te fais écrire 500 fois « Je n’enverrai pas d’effaceur ». Sauf qu’ici c’est 500 fois mon nom. Mais en même temps, cela va aider les autres, j’espère. Je croise les doigts.

 

(Finalement, les 500 livres dédicacés par Stephen King ont été vendus exclusivement par une librairie de Sarasota, en Floride, où il habite…. et au prix de vente du livre, soit 30 dollars! Ils sont bien entendu partis en un rien de temps!)

 

John Grisham : Il y a 3 ans, j’ai visité un certain nombre de librairies. C’était ma première tournée depuis très longtemps, pour le livre « Camino Island » et je me suis rendu dans 25 librairies indépendantes. Je ne m’étais jamais rendu auparavant dans la majorité d’entres elles, et c’était une expérience merveilleuse que de pouvoir être dans un autre genre de librairies. J’aime y aller et passer du temps, parce qu’elles sont tous différentes, elles ont des personnalités différentes des grandes, beaucoup sont très petites. Il y ressent quelque chose de spécial en y étant. J’aime me rendre dans les librairies lorsque je voyage, et voir combien de livres de Grisham ils ont.

Stephen King : (Rires) Bien entendu, bien entendu

John Grisham : Si ils n’en ont pas, je présume qu’ils les ont tous vendus, mais si ils en ont, je prends toute la pile, les amène au vendeur et les dédicace avant de partir. Mais j’adore passer du temps dans les librairies et je prévois d’aller en visiter quelques unes lorsque tout cela sera fini.

Stephen King : Tu sais quoi? Nous avions dit, la dernière fois que nous étions ensembles, nous étions ici à Sarasota et je crois que je te ramenais à l’aéroport et tu as proposé l’idée de nous rendre sans prévenir dans plusieurs boutiques pour y faire des dédicaces. Qu’on y aille et qu’on dédicace tout un lot de livres, de rencontrer des gens, de serrer des mains puis de repartir. Ca aurait été sympas de le faire.

 

Stephenking Shaking Hands
Stephen King serrant la main à des fans, lors d’un événement au profit du Musée Mark Twain

 

John Grisham : C’était une bonne idée mais nous ne l’avons jamais fait. C’est quelque chose qu’on fera dans le futur.

Stephen King : Oui

John Grisham : Tu as fais une tournée, une fois, à moto, non?

Stephen King : Oui, je me suis rendu dans plusieurs librairies indépendantes à l’époque où je crois qu’il y avait beaucoup de peurs que les librairies indépendantes étaient assiégées, non pas seulement par les changements, mais aussi par les ebooks. Ils m’ont demandé si je voulais faire une tournée pour ce livre, « Insomnie ». C’est un de mes livres qui peut servir pour bloquer les portes…

John Grisham : Oui, je sais, je me rappelle de ce livres, il fait 1000 pages.

Stephen King : (Rires) Oui c’est vrai. J’ai eu une critique une fois, d’un certain James Michener où il disait « J’ai deux conseils pour vous : le premier est, ne lisez pas ce livre. Et le deuxième est que, si vous le lisez, ne le faites pas tomber sur vos pieds! »

John Grisham : Oui, tu en as plusieurs de ce genre.

Stephen King : Oui. Et bien ils m’ont demandé « Veux-tu faire une tournée de libraires indépendants? » J’ai répondu « Oui, je le ferai sur ma moto ». J’ai donc commencé dans le Maine avec une librairie là-bas puis j’ai traversé le pays et me suis arrêté en quelque sorte là où on me demandait et je crois que je me suis retrouvé à Santa Monica, en Californie. C’était un bon voyage.

 

 

Photo Stephenking Moto

 

John Grisham : Est-ce que tu fais encore des tournées?

Stephen King : La derniere fois que j’ai fais une grande tournée c’était pour « Fin de ronde« , et encore… je leur ai dis… tu sais, ils veulent que tu te rende aux septs grandes universités, ils veulent que tu fasses les grandes villes. Que tu ailles à New York, à Washington, Atlanta, Miami, Chicago, Los Angeles, San Francisco, et j’ai dis : « Allons dans des lieux plus petits, allons là où les gens ne vont généralement pas. »
Je me suis donc rendu à Oklahoma City, où je n’avais jamais été auparavant, et Dayton Ohio, était un des autres endroits.
Et tu sais quoi? Ils étaient tellement contents. Le truc c’est que je pense qu’ils auraient été contents de voir n’importe qui, ils auraient été contents de voir… je ne sais pas… je ne veux pas mentionner de noms, mais… c’était génial, de toute manière. Parce que j’ai pu me sentir comme un grand poisson dans un petit étang et c’était merveilleux.

John Grisham : Je suis pour la majorité du temps resté à l’écart des grandes villes. Je me suis rendu à Wichita et Asheville en Caroline du Nord, et Raleigh, Greensboro et c’est toujours sympas d’aller au Square Books d’Oxford, à Lemuria de Jackson, mais tu sais je pense qu’il y a des foules plus importantes et des lecteurs bien plus enthousiastes dans les plus petites salles parce que dans les plus petites villes, tu as raison, personne ne s’y rend et ils sont contents de te voir.

 

Stephenking Signing

 

Stephen King : Ils l’adorent, et cela m’a rendu vraiment heureux de me rendre dans ces villes. Et tu sais quoi, j’ai fini par avoir beaucoup de choses que j’ai pu fini par utiliser. Tu sais, les auteurs sont des éponges et lorsque j’ai été à Oklahoma, je me suis dis « je veux écrire un livre qui se déroule ici, j’aime vraiment bien ».
Et j’ai fini par faire en sorte que la majorité de « L’outsider » se déroule à Oklahoma. J’ai imaginé la ville où l’intrigue est censée se dérouler, mais j’avais un truc pour la ville. Tu ne veux pas y entrer trop en détails parce que si tu te trompes, les locaux savent que tu n’es pas du coin, mais si tu reste en surface, tu peux le faire. Ecoutes, as-tu une librairie préférée?

John Grisham : Square Books à Oxford. C’est ma boutique natale. J’ai vécu là-bas pendant 4 ans, avant-même d’y emménager en 1990. Je m’y rendais déjà depuis plusieurs années pour des séances de dédicaces durant les années 80s et quand « Non Coupable » (aussi connu en français sous l’autre titre « Le droit de tuer » / A Time to Kill », en version originale) est sorti en 1989, il n’y avait pas beaucoup de boutiques qui acceptait un auteur inconnu publiant son premier roman dont l’industrie n’avait jamais entendu parler.
Donc la majorité des portes restaient fermées, mais il y avait 5 boutiques dans le quartier, Square Books à Oxford, Lemuria à Jackson, Burks à Memphis, Tupelo Reads et Babbel/Wavel (?), qui m’ont non seulement accueillis dans la boutique mais nous avions de très grandes séances. Et donc quand « La Firme » est sorti, 18 mois plus tard, soudainement tout le monde voulait m’avoir et je ne voulais pas vraiment voyager donc je suis retourné pendant probablement 10 ans dans ces cinq librairies.
Puis j’ai arrêté de faire des tournées pendant longtemps mais Square Books m’est toujours spécial pour moi. La librairie dans mon livre « Camino Winds »…
« Camino Winds » est sorti hier tandis que le tien, « If It Bleeds » qui est un titre génial, « If It Bleeds »…
Mais « Camino Winds » est une suite à « Camino Island », et porte autour d’une librairie dans une ville fictive de Floride, sur une ile fictive, avec beaucoup d’auteurs, de vendeurs de livres et des livres rares… mais pas d’avocats. Il n’y a pas du tout d’avocats dans cette histoire. 

John Grisham : J’ai parlé de mon livre, maintenant à toi de parler du tiens.

 

Camino Winds Johngrisham If It Bleeds Stephenking Couverture Hodder

 

Stephen King : Mon livre s’appelle « If It Bleeds », et j’essaie de me rappeler s’il y a une librairie dedans. Il me semble que non. Mais il sera disponible dans les librairies, il y est maintenant disponible. Malheureusement, personne ne peut y entrer pour le moment.
L’histoire principale est une nouvelle intitulée « If It Bleeds », qui vient du vieil adage du milieu journalistique « Si ça saigne, ça fait la une ». Pendant des années j’avais cette idée… Je regarde les actualités télévisées et je remarque que beaucoup des actualités locales portait sur des tragédies horribles. Il y avait 3 morts dans un accident de voiture, ou un embouteillage ou un type qui saute d’un pont, un double meurtre ou quelque chose du genre… et j’avais l’impression que le reporter qui couvrait ces scènes semblait vivre du gore.

 

(Découvrez notre article : « If It Bleeds » : Stephen King évoquait déjà l’idée, inspirée d’un constat réel, dans « Marche ou Crève »)

 

Attention : dans ce qui suit, Stephen King révèle une partie de l’intrigue… 

Et je me suis demandé ce que ça donnerai si l’un d’eux était une sorte de vampire et se nourrissait de la souffrance et la douleur de ces tragédies, ce qui, d’une certaine manière est comme les tabloids que l’on voit dans les supermarchés. Il y a des gens qui semblent réellement vivre de ça. Je ne veux pas mentionner spécifiquement de noms mais…
Et donc j’y pensais depuis longtemps.
J’ai l’histoire : un journaliste qui va vivre une très longue longue vie, il a beaucoup voyagé, et il ne cesse de se réinventer. Il a couvert le grand crash d’avion TWA de New York en 1960, ensuite il était présent à l’assassinat de JFK, il est présent à la tuerie de la boite de nuit « The Pulse » et toutes ces autres tragédies, et puis il devient impatient et (plutôt que de les attendre, ndlr) commence à causer ces événements.
J’avais l’idée mais je n’avais pas… tu sais ce que c’est, quand tu as un roman et que tu as une idée. Il faut avoir une courroie de transmission, comme avec une voiture, pour la faire avancer.
J’avais cette détective de ma série de livres « Mr Mercedes » et de « L’outsider« , Holly Gibney, que j’adore, et je me suis dis que j’allais l’intégrer dans le livre. Et boom je suis parti de là. Je trouvais que c’était un peu court pour le publier tout seul, que ça aurait été tromper les lecteurs. J’avais trois autres longues nouvelles que j’ai mis avec et ça fait un repas plutot décent.

 

John Grisham : J’allais te demander à ce sujet. Je n’ai jamais écrit de novella, je ne suis pas sûr de ce que c’est. Quelque chose de plus long qu’une nouvelle et je présume de pas assez long pour un roman. J’ai un recueil de nouvelles, sorti il y a une dizaine d’années, avec 7 nouvelles plutôt longues. (« Chroniques de Ford County », sorti en 2009 en version originale). Elles sont trop longues pour être de courtes histoires (en anglais, le terme « nouvelles » se dit « short stories », donc des histoires courtes, ndlr), et je ne suis pas très bon dans l’écriture d’histoires courtes, je suis trop verbeux pour des nouvelles. Tu es plutot long aussi mais tu écris beaucoup de nouvelles

Stephen King : Et bien je n’en écris plus autant que je le faisais, mais je le fais de temps à autre. Je le fais parce que la discipline du format où il y un nombre limité de mots est quelque chose de difficile.
Mais ce qui est amusant avec ça, c’est que la seconde nouvelle dans « If It Bleeds« , s’appelle « The Life of Chuck ». J’avais écris une histoire intitulée « Merci Chuck » mais je trouvais qu’elle n’était pas complète. J’ai donc écris deux autres histoires au sujet de Chuck Krantz, le personnage principal, et j’ai appelé le tout « The Life of Chuck ». Ça fait une bonne petite novella, mais je suis d’accord avec toi. Mais John, c’est une forme d’écriture qui n’est pas assez appréciée. Les novellas, ou novelettes, personne ne sait vraiment comment l’appeler. Mais c’est trop court pour être long et trop long pour être court. Donc de temps en temps lorsqu’une de ces choses me vient à l’esprit, je l’écris, je la mets de coté et… tu sais.

 

 

Je voulais t’en demander un peu plus au sujet de tes livres « Camino ». Une des questions que nous sommes supposé avoir est si tu as déjà écris une suite ou as-tu envisagé écrire une suite? Quelqu’un dit ici, laisse moi te poser la question et tu donnera la réponse que tu m’as donné lorsqu’on se préparait.

« Bonjour John Grisham, je voulais te demander si tu voudrais s’il te plait écrire une suite à ton livre ‘Le Client’  » ?

John Grisham : Non.

Stephen King : (Rires) Tu as écris une suite à « Camino Island ».

John Grisham : Oui, mais c’était différent. J’ai aussi écris une série pour enfants de 7 livres, donc voila une série. (Une série de livres autour du personnage de Theodore Boone). Je présume que ce sont des suites avec le même personnage. Si tu regardes « Camino Winds », c’est une sorte de suite bien que l’histoire soit différente. Il faut avoir une intrigue qui soit différente.

Stephen King : Est-ce qu’il y a les mêmes personnages?

John Grisham : Oui. Principalement les mêmes. Quand j’ai finis (l’écriture de ) « Camino Island », il y a 3 ans..

Stephen King : Mais… c’est une suite! John, c’est une suite !

John Grisham : D’accord. Si tu dis que c’est une suite, alors c’en est une… Je savais que je retournerai à Camino Island pour d’autres histoires, parce que j’ai vraiment aimé le lieu, les personnages, j’ai aimé m’éloigner de la loi. Pour écrire sur les livres, les libraires, les vendeurs de livres, les livres rares, les vols de livres rares, et ce genre de choses. J’ai toujours voulu écrire un mystère autour d’un vrai crime, et donc « Camino Winds » c’est l’histoire d’un écrivain qui vit sur cette île et le lendemain d’un ouragan il est retrouvé mort. Ses amis réalisent qu’il n’est pas mort durant la tempête. Qu’il a été assassiné. Et la police est trop occupée pour enquêter le crime, donc….

Stephen King : Ils sont trop occupé à gérer les dégâts causés par l’ouragan…

John Grisham : Oui, et c’est l’équipe d’une petite ville de toute façon. Donc notre héro, le propriétaire d’une librairie, Bruce Cable et deux amis, partent résoudre le crime et chercher qui a tué leur pote. Et c’est donc ça l’intrigue. C’est une histoire de meurtre.

 

 

Stephen King : C’est un bon livre. Tu écris une grande variété d’histoires pour un type qui est présumé n’écrire que des trucs sur les avocats. Tu as écris un livre sur la seconde guerre mondiale. Qui est formidable. « La sentence ».

John Grisham : Merci. Et bien oui, ce n’est pas un thriller légal, il est sorti il y a environ 2 ans. Il se déroule dans le comté de Ford, ma maison natale fictive, dans laquelle se déroule « Non coupable », et « L’allée du Sycomore » et d’autres livres. C’est le seul que j’ai écris qui se déroule avant que je ne sois né. Il se déroule durant la seconde guerre mondiale. Et c’était un vrai challenge mais à la moitié, le livre prend un virage à 90 degrés. Je n’avais pas réellement anticipé passer autant de temps avec la Marche de la mort de Bataan, qui me fascine. Et donc le livre a fini par être plutôt long.

Stephen King : Il était incroyable.

John Grisham : Mais c’était un sacré effort. Qu’est-ce que tu écris en ce moment?

Stephen King : Et bien c’est amusant que tu demandes cela parce que j’ai gagné cette réputation de « Stephen King, le maitre de l’horreur« . Et j’ai écris beaucoup de livres qui font peur, mais, comme toi… On doit vieillir John, parce que je me dis… J’ai cette merveilleuse idée pour un roman criminel. Dans lequel le personnage principal est un assassin qui a été engagé pour une mission et tout en découle. J’espère que Dieu me permettra de le finir. Je ne sais jamais si je vais les finir jusqu’à ce qu’ils soient finis. Est-ce que tu te sens très confiant dans ta capacité à finir ce que tu démarres? Est-ce que tu te retrouve parfois dans une impasse et met le projet de coté?

John Grisham : C’est là où l’on n’est pas d’accord. On a déjà eu plus d’une fois cette conversation sur la manière dont nous écrivons et nous écrivons très différemment. Nous écrivons beaucoup. Je crois que ton objectif est 2000 mots par jour. Ou ça l’était.

 

Stephenking Writing

 

Stephen King : Plus maintenant. Si je fais 1000 mots par jour, je suis content.

John Grisham : 1000 mots par jour est un jour productif pour moi. C’est 3 ou 4 heures et après mon cerveau est en bouillie et il me faut faire une pause.

Stephen King : Oui

John Grisham : Mais je suis du genre à écrire les grandes lignes au préalable. Une de mes règles est de ne pas écrire la première scène, jusqu’à ce que je sache la dernière scène.

Stephen King : (Choqué).

John Grisham : (Rires). Je le savais (qu’il allait réagir ainsi, ndlr). On est différent.

Stephen King : Est-ce que tu déballe tes cadeaux la veille de Noel ? Est-ce que tu regardais dans le placard pour voir ce que tu allais avoir? Voyons !

John Grisham : J’ai rencontré John Irving l’année derniere à Toronto. Il me disait écrire la dernière phrase avant d’écrire la première, qui est… je ne suis pas aussi intelligent, mais je sais vers quoi le livre va quand je commence, et je ne commence pas avant d’avoir l’histoire complète. J’ai écris une quarantaine de livres et je n’ai donc jamais rencontré la situation dans laquelle je tombe sur une impasse, ne sachant pas comment faire avancer l’histoire. Pourtant les auteurs sont célèbres pour ça. Ton approche est différente.

Stephen King : Oui. J’ai généralement une idée de ce que je voudrais faire. J’ai une situation, les personnages arrivent un par un, et j’ai quelques incidents dont je ressens le besoin de les intégrer. J’écris donc en allant vers ces éléments. L’un après l’autre. La plupart du temps j’ai une idée de comment le livre va finir mais cela finit rarement de la manière que j’avais anticipé. Je pense que la majorité du temps, les rebondissements surprennent les lecteurs parce que je ne savais pas non plus qu’ils arrivaient. Je me rappelle… J’ai écris un livre, « Cujo« , avec lequel on m’a allumé… les gens m’écrivaient des lettres et me disaient…

C’est un spoiler, mais d’un autre coté le livre a 40 ans, donc dans quelle mesure est-ce un spoiler?

On vous cache quand même la suite 😉

Ils m’écrivaient des lettres et disaient « Comment pouviez-vous laisser ce pauvre innocent enfant mourir dans cette voiture? » Et ma réponse était : « Je ne savais pas qu’il allait mourir. Il est mort! » Et ensuite, j’aurai pu changer la fin et la rendre plus heureuse mais je trouvais que ce serait triché la manière dont j’ai perçu les choses se dérouler dans ma tête.

John Grisham : D’accord, mais comme tu n’es pas sûr de vers quoi tu vas, quand tu démarres, est-ce qu’il t’arrive de ne pas trop savoir ce qui va par la suite arriver? 

Stephen King : Oui

John Grisham : Est-ce que tu arrives au pied d’un mur? 

Stephen King : Oui. Je ne dirai pas que je tombe sur un mur, parce que généralement j’arrive à écrire à travers cela, et tu sais, pour moi, John, l’ordinateur… est-ce que tu écris sur un ordinateur ou à la main?

John Grisham : Oui (un ordinateur, ndlr)

Stephen King : Tu écris avec un ordinateur… je le fais, et j’avais l’habitude d’écrire…. parce que je n’avais pas confiance dans ce medium. Je suis une sorte de vieux jeu, réfractaire aux technologies, qu’importe comment tu veux l’appeler, vieux jeu. Comme je n’avais pas confiance aux ordinateurs, j’avais toujours l’impression que j’allais perdre des trucs, que ça allait partir dans le paradis des fichiers. Donc ce que je faisais c’est que j’écrivais le travail de la journée et je l’imprimais. Je ne fais plus cela maintenant. Et j’aime ça, parce que c’est comme… tu sais ce que les gens du cinéma disent au sujet de l’édition à la caméra. Tout reste limpide. J’ai un personnage dans cette histoire, et je me suis dit qu’elle est bien. Elle a genre 21 ou 22 ans, mais je veux la rendre plus jeune. Je n’ai plus à réécrire toutes ces pages ou les réimprimer, je peux juste retourner à l’ordinateur et la rendre un peu plus jeune. Ecoutes. Je veux savoir ce que je vais écrire demain. Je me contrefiches de la semaine prochaine.

 

Stephenking Writing2

 

John Grisham : Est-ce que tu es connecté (à l’internet) lorsque tu écris?

Stephen King : Pardon?

John Grisham : Est-ce que tu es connecté quand tu écris?

Stephen King : Oh, mec (paraissant désespéré). Le truc c’est que je ne sais pas comment couper cette chose. Tu as une petite barre en bas de ton écran qui te montre (les logos, ndlr) des emails, la messagerie instantanée etc?

John Grisham : Oui.

Stephen King : Et quand elles apparaissent il y a un truc qui fait « bing » et un petit numéro, un petit cercle rouge apparait?

John Grisham : Je crois.

Stephen King : Beaucoup de fois, lorsque je vois un nouveau truc apparaitre je me dis que je devrais peut-être jeter un oeil à ce que cette personne veut.

John Grisham : Non, je travaille sur un ordinateur mais il n’est pas connecté à l’internet. J’ai lu des histoires d’écrivains qui se font hacker et leurs écris se font voler donc je suis terrifié à l’idée d’écrire en étant connecté. Tout est déconnecté quand j’écris. A la maison j’ai un ordianteur portable avec tout mon travail, toute ma correspondance, et quand je finis un livre…
Steve, j’imprime encore, tous les jours, l’écriture du jour. Occasionnellement, je fais une sauvegarde de tout cela sur une clé usb. Mais je suis terrifié à l’idée d’écrire en étant connecté. (Tousse et s’excuse). Je bois « Lacroix » au citron. Et toi, qu’est-ce que tu bois?

Stephen King : J’ai du Lacroix à la cranberry. (Cranberry Razz). Et nous n’avons pas été payé au fait par cette société pour en parler.

 

Lacroix Boisson

 

John Grisham : J’ai une question très précise à laquelle il n’y a que toi qui peut répondre … Pendant des années, il y avait au début de tes livres une liste de tous ceux que tu as écris. Je ne suis pas sûr de comment cette page s’appelle. La page de crédits ou je ne sais quoi…

Stephen King : Oui, la « ad card », je crois qu’ils l’appellent ainsi .

John Grisham : Je n’ai jamais entendu ce terme. J’avais l’habitude de la regarder lorsque tu m’envoyais un livre, et tu m’as toujours envoyé un livre à sa sortie, et je t’ai toujours envoyé un des miens.

Stephen King : Oui

John Grisham : Et nous apprécions faire cela.

Stephen King : J’ai tous les tiens dans ma bibliothèque. Ils sont rangés par ordre chronologique depuis les débuts. Bien que je n’ai qu’une version poche de A time to kill » (Non coupable).

John Grisham : Et bien je mettais tous les tiens sur une bibliothèque, mais ils étaient tellements lourd qu’elle a fini par casser. Parce que ce sont des blocs de portes. Bref. Tu listais tous tes livres précédents, et c’était impressionnant. Je me demandais si j’allais finir par te rattraper, et j’ai réalisé que je n’y arriverais pas. A un moment donné, quand tu as atteint genre 50 livres, tu as arrêté de faire ça. Et je dois avoir genre 42 ou 43 livres, c’est presque comme se pavaner. « Hey, regarde ce que j’ai fais sur les 30 dernières années ». Je pense que je vais arrêter (de montrer la liste de ses livres, ndlr).

Stephen King : Lorsque tu dis « Je ne le fais pas », c’est l’éditeur qui a arrêté de le faire. Scribner publie mes livres et ils ne font plus cette page maintenant, peut-être qu’ils pensent qu’il y en a trop. Je ne sais pas vraiment et je ne m’en suis jamais préoccupé, parce que c’est un peu gênant de regarder toute cette liste et je ne pense pas que… si quelqu’un veut trouver mes livres, il peut les trouver. Il suffit d’aller en ligne par exemple pour en commander un, mais ce que j’aimerai qu’ils fassent, c’est de contacter leurs librairies locales et indépendantes et de les commander par eux et les récupérer à la porte. Un service de concierge : qu’il y a t’il de mieux que ça?

Donc mes livres ne sont plus listés, et ça me conviens.

John Grisham : D’accord. Une autre question technique. A quelle fréquence est-ce que tu changes ta photo d’auteur?

Stephen King : (Stephen King réfléchis) Je l’ai changé sur le dernier livre. Je crois qu’il s’agissait de « L’outsider » (en réalité, son dernier livre était « L’institut« , ndlr), et un bon ami à moi, quelqu’un qui a grandit et a été à l’école avec mon fils…
Tu sais, c’est dingue. Je me rappelle de quand tes enfants étaient petits. Et je me rappelle de quand mes enfants l’étaient aussi. Un des camarades de mon fils ainé est maintenant un bon photographe et il a prit cette photo. Shane Leonard. 

 

Stephen King Photo Officielle Johngrisham Atimetokill 2

 

Donc je l’ai beaucoup aimé et je me rappelle les problèmes qui ont découlé de ta première photo d’auteur, parce que tu avais un peu de barbe tu étais très séduisant et c’était une photo formidable. Tu avais une histoire à son sujet. Je crois que tu m’as dis avoir passé une nuit blanche, ou avoir une gueule de bois, ou quelque chose de ce genre quand la photo a été prise. 

John Grisham : Cette époque est bien révolue, Steven. C’est vraiment pas terrible pour un auteur, lorsque tu as eu la chance d’avoir une longue carrière, de se voir vieillir juste qu’en regardant les photos de ses livres.

 

Johngrisham Theclient Backcover
Photo de John Grisham, en 1994, au dos de son livre « The Client »

 

Stephen King : Oh oui, je sais, c’est horrible, n’est-ce pas? Mais ça n’a pas à être la photo d’auteur. N’importe qui peut aller en ligne et taper dans Google « John Grisham » et il y a cette galerie de photos. On peut la parcourir et c’est comme un voyage dans le temps. On peut voir quelqu’un vieillir juste devant les yeux.
Mais il y a un point positif John, nous ne sommes pas des acteurs. Les grandes stars n’ont plus les mêmes rôles en vieillissant, et nous, grâce à Dieu, nous pouvons continuer à faire ce que nous faisons.

John Grisham : Nous n’avons pas à prendre notre retraite. Ce n’est pas un vrai boulot, ils ne peuvent pas nous forcer à prendre notre retraite. On peut écrire jusqu’à ce que l’on meurt. C’est ce que j’espère faire. Je ne m’imagine pas arrêter.

Stephen King : Je ne peux pas vraiment l’imaginer. Je ne suis pas sûr de ce que je ferai de ces heures entre 8 heures et midi. Et tu sais, nous n’avons pas vraiment parlé du coronavirus et de la raison pour laquelle nous ne faisons pas cela en personne, mais plutôt à distance. Mais l’écriture, je ne sais pas pour toi, tu peux me le dire, mais durant ces quatre heures passées à écrire, je m’évade dans mon propre monde. J’adore ça.

John Grisham : C’est une formidable distraction. Je veux dire… C’est ce que je fais depuis 30 ans… Je me lève toujours tot le matin et m’y mets vers 7 heures du matin. J’aime les deux ou trois premières heures.

(Stephen King montre qu’il acquiesce et est ravi du commentaire de John Grisham)

 

Stephen King Bureau1
Stephen King Bureau2

 

 

John Grisham : Mon bureau est sombre et calme, et il n’y a personne autour… Je l’ai fait ce matin. J’étais au bureau à 7h du matin, j’ai écris pendant 3 ou 4 heures et c’est toujours agréable. Je me répète, mais nous sommes chanceux de faire ce que nous faisons. Il faut que je prenne une question du public Stephen. Avez-vous tous les deux discuté au sujet d’une collaboration?

Stephen King : Et bien, je t’ai dis lorsque nous nous préparions, qu’à n’importe quel moment si tu veux te lancer, je suis pour. Mon idée serait de combiner, de faire un truc genre « The Vampire Legal Aid Society » (l’association d’aide légale aux vampires, ndlr)…

John Grisham : Ouais, tu sais…

Stephen King : (Rires) Ahahahah, je peux voir ton visage. Tout le monde en Amérique peux voir ton visage.

John Grisham : Tu sais, je suis effrayé à l’idée de collaborer avec toi à cause d’une histoire vraie. Nous étions à New York, il doit y avoir 15 ans, avec Pat Conroy et Peter Straub, pour lever des fonds pour un célèbre lecteur de livre audio, quel était son nom : Frank?

Stephen King : Frank Muller, il a eu un accident de moto

John Grisham : Frank Muller, oui, il a été blessé dans un accident de moto. Tu avais organisé un événement pour lever des fonds, nous étions à Broadway, au Broadway Theater et j’ai demandé à Peter (Straub), toi et Stephen avez collaboré sur plusieurs livres… c’était comment? Il m’a dit « C’était horrible. C’est un mauvais collaborateur. » J’ai demandé pourquoi. « Et bien, il travaille si rapidement ». Peter avait besoin de 3 semaines pour écrire un chapitre, il te l’envoyait et par retour de courrier il récupérait ton prochain chapitre, avec une note plutot sévère « Dépêches toi, tu écris trop lentement! »

Stephen King : Oh, je n’ai jamais dit ça à Peter. C’était une blague. Je ne dirai jamais ça à Peter.

 

 

Photo De Stephen King Et Peter Straub

Stephen King et Peter Straub, ont co-écrit « Le talisman des territoires » et sa suite « Territoires« 

 

L’événement auquel John Grisham fait référence, était la soirée du 2 février 2002, en hommage à Frank Muller. La soirée fut organisée pour récolter des fonds pour la Wavedancer Foundation, qui deviendra, après le décès de Frank Muller, la Haven Foundation venant en aide aux artistes freelances devant faire face à des aléas de la vie. Les empêchant de gagner leur vie.

Durant cette soirée, chacun des 4 auteurs ont lu une histoire : John Grisham un extrait de son roman « L’héritage », Peter Straub un extrait de « Territoires » (co-écrit avec Stephen King), Stephen King a lu « La revanche de gros lard Hogan » (une histoire qui n’a pas été publiée seule, mais qui se trouve dans la nouvelle « Le corps », de « Différentes Saisons ») et Pat Conroy a discuté avec le public autour de l’écriture. 

L’événement a été enregistré et diffusé sur cassettes et CD, et est actuellement disponible sur Audible.

 

Wavedancer Foundation K7

 

John Grisham : C’est ce qu’il disait. Oui, je ne suis pas trop sur qu’on pourrait collaborer Stephen. As-tu collaboré avec d’autres personnes récemment? Ton fils! 

Stephen King : Oui, j’ai collaboré sur deux histoires avec mon fils Joe, l’une d’elle est devenue un film Netflix intitulé « In The Tall Grass » (Dans les hautes herbes), et j’ai co-écris un long roman, un de ses bloc-portes, avec mon fils Owen, le livre « Sleeping Beauties« . C’est un de mes livres préférés en réalité. Ecrire avec les deux garçons était très intéressant parce que Joe écrit comme moi, tandis qu’Owen écrit comme sa mère. Tabby, qui a écrit 7 livres qui sont géniaux. Il a un sens de l’humour qui est à tomber On s’est bien amusé avec ce livre. Il dit ce qu’il se passerait si… Il jure que j’avais eu l’idée, mais ce n’était pas moi, c’était lui. Que se passerait-il si toutes les femmes du monde s’endormaient et que les hommes devaient se débrouiller tout seuls? On s’est vraiment amusés à écrire l’histoire et il est très amusant et très intelligent. Donc c’était bien. Et toi? Tu n’as jamais co-écrit quoi que ce soit? Theodore Boone…?

John Grisham : Theodore Boone est en quelque sorte un projet de famille dans le sens ou tous les 4, Renée et nos deux enfants…. Depuis une dizaine d’années discutons d’idées pour Theo, qui va avoir droit à une nouvelle aventure, après en avoir vécu 7. Nous évoquons plusieurs idées…
Renée, comme tu le sais, lis tout au début et édite… Le dernier livre que j’ai écris autour de Theodore est « The Accomplice« . Dans chacun de ces livres, j’ai une scène, une scène amusante qui se déroule dans un tribunal d’animaux où Theo qui a 13 ans et pense qu’il est avocat, il va dans ce tribunal d’animaux. Bien que cela n’existe pas, mais l’affaire implique un animal, genre un serpent de compagnie, ou un chien. On s’amuse beaucoup à imaginer les animaux et j’étais pressé, j’avais manqué une date butoir et je me suis rapproché de Ty, mon fils qui est avocat, ici à Charlottesville et je lui ai dis que je voulais qu’il écrive la scène du tribunal des animaux, ce même weekend. Qu’il écrive un premier jet, en lui précisant les animaux qu’on allait intégrer. Il l’a fait, et c’était du bon boulot. Je l’ai repris et l’ai légèrement revu. Tana a écrit un scénario inspiré du premier livre de Théo, mais le scénario n’a rien donné. Mais toute la famille est en quelque sorte intégrée avec la saga des livres de Theo. Ils les lisent en manuscrit et me partagent leurs idées. Shea a trouvé une vidéo Youtube hilarante au sujet d’un lama qui crache. C’était hilarant. Donc elle me l’a envoyé et m’a dit que c’était mon prochain animal pour le tribunal. Une autre fois elle m’a envoyé une autre vidéo Youtube sur des chèvres qui s’évanouissent. Tu en as entendu parlé?

 

 


 

Stephen King : Oui

John Grisham : C’est hilarant. Les chèvres s’évanouissent réellement pendant 10 secondes si elle ont peur, puis se lèvent et se mettent à galoper aux alentours. Je présume que c’est amusant de leur faire peur. Je ne sais pas, mais en tout cas c’est ce qu’il se passe dans le livre. Donc la famille partage toujours des idées pour les livres de Theo. Je présume que c’est une collaboration.

 

[molly la chose du mal stephenking corgi chien]

 

Stephen King : Oui, ça l’est, ça l’est. Quand tu parlais des chèvres qui s’évanouissent, je pensais à… ici, j’ai un chien, Molly, aussi connue comme étant « La chose du Mal » et je suis en Floride pour l’hiver. Tout le monde présume que la Floride est toujours très chaude mais parfois il peut y faire très froid. Ca peut descendre vers les 5 degrés, voir même négatif. Et ces jours-là quand il fait vraiment froid, Molly et moi aimons sortir et voir les lézards tomber des arbres. Parce qu’ils ont froid, ils se mettent en hibernation et ils tombent. C’est comme une pluie de lézards.

John Grisham : Une bonne vidéo pour youtube. J’aimerai voir ça.

Stephen King : Je devrais oui.

 

 

John Grisham : Les lézards qui tombent… Voici une question Stephen. Est-ce que ton écriture a changé au fil des années? 

Stephen King : Nous en avons déjà parlé un petit peu. Ca a changé dans le sens ou je n’écris plus autant que je le faisais. Quand tu parlais du Talisman, que j’ai co-écrit avec Peter Straub, j’étais en feu. Et j’avais des journées durant lesquelles j’écrivais 5000 ou 6000 mots, ils défilaient sur les pages. Mais je ne suis plus comme ça. C’est plus lent et l’ordinateur a changé beaucoup de choses. Toi et moi on se rappelle de quand on a commencé avec une machine à écrire.

John Grisham : Oui

Stephen King : Tu as du écrire tes premiers livres sur des machines à écrire.

John Grisham : Et bien, « Non Coupable » (A time to kill) a été écrit à la main sur des bloc-notes juridiques sur une période de 3 ans lorsque j’étais avocat et que n’avais pas vraiment beaucoup de temps pour écrire. J’avais toujours un de ces feuillets juridiques dans ma mallette, et si j’avais genre une demie-heure à attendre un juge, ou à attendre aux tribunaux, ou autre, j’allais me réfugier dans la pièce de délibération des jurés, ou la bibliothèque du tribunal, n’importe où, et je me mettais à écrire. Ça a duré 3 années… L’ensemble était… je ne dirais pas écris à la main en toutes lettres, mais plutôt en petits caractères, tellement mon écriture est plutôt mauvaise. 

Stephen King : Où est-ce qu’ils sont?

John Grisham : C’est à la bibliothèque de l’Université d’Etat du Mississippi. Ils récupèrent tous mes écris. Ils m’avaient demandé à l’époque de « Non Coupable », si ils pouvaient être l’entrepôt officiel de tous mes papiers… je ne savais pas de quoi ils parlaient. Je leur ai demandé ce qu’ils entendaient par cela et ils m’ont dit « Et bien ne jetez aucun de vos documents littéraires et légaux. Donnez les nous ».

Stephen King : (Stephen King est ébahi).

John Grisham : Et ils l’ont regretté parce que je leur ai envoyé de nombreux cartons, des tonnes et des tonnes de documents. Ils font un super boulot à cataloguer un million d’éditions étrangères… tous mes vieux manuscrits…
A la moitié de l’écriture de « La Firme », ce qui devait être vers 1988-1989… non plutot 1989-1990, j’ai acheté un des premiers processeur de texte avec un petit écran permettant de voir ce que l’on saisissait et il était possible de revenir en arrière pour éditer et corriger des choses sans avoir la machine à écrire qui faisait… (Stephen King acquiesce)… J’ai fini la seconde moitié du livre avec cette machine et je n’ai pas arrêté de prendre de meilleures machines au fil des ans. Je ne peux pas imaginer écrire à la main après toutes ces années. Mon écriture manuscrite est juste affreuse et (Stephen King rigoles)… Ton premier livre a été tapé à la machine, n’est-ce pas?

 

Stephenking Writing The Glass Floor

 

Stephen King : Oui, je l’ai écris avec la machine de ma femme, une Olivetti en réalité. Elle aime plaisanter en disant aux gens « Steve m’a marrié pour ma machine à écrire ».
Ce n’était pas le cas.
Elle avait d’autres merveilleux attributs, et les a toujours. Des attributs physiques, mentaux et spirituels. J’aime ma femme à mort et elle a été ma plus grande supportrice au fil des années, mais elle avait une très bonne machine à écrire et j’ai tellement tapé sur cette chose qu’il était possible d’y voir la forme de mes ongles sur certaines des lettres.

« Carrie » a été écrit sur cette Olivetti, ainsi que « Salem« , mon second livre qui a été écrit sur cette même machine.
Et puis un jour, je suis rentré à la maison après avoir fait quelques courses avec les enfants, nous habitions alors dans l’Ouest du Maine à l’époque, et il y avait ce gros et lourd carton sur le pas de la porte. C’était mon éditeur qui l’avait envoyé, et je n’avais pas la moindre idée de ce que c’était. Je l’ai ouvert et c’était une machine à écrire IBM Selectric, avec du ruban pour faire des corrections. Il fallait mettre ce ruban et en appuyant sur la touche pour revenir en arrière, ça avalait la faute et il n’était pas nécessaire les petits « xxxxxxxx » qu’on avait l’habitude de faire sur les machines à écrire.
C’était la plus grande innovation jusqu’alors, et puis, ma femme, ma plus grande supportrice, cette merveilleuse femme, a commencé à me taquiner sur le fait qu’il me fallait prendre un ordinateur.

 

Photo De Stephenking 80sStephen King dans les années 80s

 

« Oh, non, je ne veux pas un ordinateur, raaah. » « Et bien tu dois le faire. » Finalement elle a réussi à me persuader d’en acheter un pour écrire, et après je me plaignais « Oh mais je dois apprendre tout ce nouveau système alors que j’essaie d’écrire des histoires! » et elle se tenait juste là à dire « Oui mon cher, oui mon cher ». Maintenant je n’abandonnerai pas l’ordinateur! Donc elle avait raison. Mais je veux te montrer quelque chose John, parce que tu parlais de tes bloc notes légaux… Voici ce que je fais…

 

Stephenking Carnet De Composition2

 

… quand je m’ennuie ou quand j’ai un peu de temps libre. Je travaille un peu sur ce carnet de composition. Parfois c’est bon, et parfois c’est mauvais, mais j’ai toujours l’impression que si c’est horrible, je peux tout simplement ne pas l’utiliser.

John Grisham : Qu’est-ce que tu écris dans ce carnet de compositions?

Stephen King : Il y a différents segments écrits de quand je ne pouvais pas accéder à un ordinateur, si par exemple j’attendais de récupérer la voiture, en attendant dans une salle d’attente… si j’ai le choix entre Fox Nexs et écrire quelque chose dans ce carnet, je choisis toujours le carnet. Voyons un peu ce qu’il y a dans ces questions. En voici une bonne.

Dans quelle mesure est-ce que la pandémie du covid-19 impacte ce que les gens lisent? Est-ce que cela détournera les gens des histoires sur la mort et le Mal?

John Grisham : Non. Je ne pense pas. Il y aura toujours un grand désir de lire ce genre d’histoires. Ça va sans doute créer un sous-genre entier de livres portant autour de pestes et de maladies contagieuses, des pandémies, et on peut juste imaginer en voir beaucoup sortir durant la prochaine année. Ce qui ne pose pas de problèmes. Nous réagissons toujours aux événements qui se déroulent, ou en tout cas la majorité d’entres nous le font. Je pense que ça va aider la lecture. Que cela va bénéficier aux gens comme nous qui écrivent. Les libraires et éditeurs. Les gens réclament des livres en ce moment. Il n’est juste pas possible de les obtenir aussi facilement qu’auparavant. Il n’est pas possible d’aller dans les boutiques, ou toutes les boutiques. Mais je pense que les gens vont lire. Tu sais ce que c’est Steve, tu as sorti un livre la semaine dernière, j’ai sorti un livre cette semaine et l’industrie observe ces deux livres pour voir ce qu’ils vont donner.

Stephen King : Je pense que c’est vrai.

John Grisham : Est-ce qu’ils vont être un échec? Je ne pense pas. Je suis convaincu que les chiffres seront plus faibles, mais il y a beaucoup de demandes…

Stephen King : J’ai vu des chiffres, et les chiffres sont en baisse dans certains endroits, mais ils sont en hausse à d’autres endroits. Parce qu’il y a des endroits où les gens peuvent obtenir des livres qui ne sont pas des librairies spécialisées. Des lieux comme Walmart (supermarché, ndlr) qui sont ouverts parce qu’ils sont considérés comme des services nécessaires. Je veux dire, ce sont les seuls qui ont du papier toilette dans le coin… donc les gens s’y rendent et les ventes dans certaines de ces chaines, Sam’s Club, Walmart et d’autres de ce genre, sont en hausse. Ils sont bons et plutot solides.

 

 

Nytimes Toplist
Le classement des meilleures ventes de livres de la semaine : Stephen King est 2e

 

Stephen King : Donc tu as raison, les gens veulent lire. Je vais te dire quelque chose d’amusant. Le livre sur lequel j’étais en train d’écrire et dont j’ai parlé, « The Assassin ». J’ai toujours présumé quand j’ai commencé à l’écrire l’année dernière, qu’il se déroulerai en 2020. Et 2020 est arrivé, tout se passe bien, et tout d’un coup tout s’arrête! Tout est mis en pause. J’ai regardé le manuscrit sur lequel je travaillais et j’avais deux personnages mineurs qui vivaient dans un appartement et pour une raison de l’histoire, je devais les faire sortir. Je les ai donc envoyé faire une croisière. Et puis je me suis dis que cela représente un sérieux problème parce que ces navires sont de vrais ramassis à germes. J’ai donc tout revu et déplacé l’intrigue en 2019. Je ne sais pas sur quoi les gens vont écrire mais ils devront faire face à cela. Je présume qu’ils vont écrire des romans sur des histoires d’amour durant une pandémie, de morts en période du coronavirus.

John Grisham : Que lis-tu en ce moment?

Stephen King : Je lis un roman de John Sanford en ce moment, qui s’appelle « Masked Prey », qu’est-ce que tu lis toi?

John Grisham : Mon projet pour la pandémie était de lire les 6 romans de Walker Percy, dans l’ordre. Je suis dessus, et c’est plutôt un challenge littéraire. C’est un bon écrivain mais il n’est pas possible de le lire vite. C’est plutot lent.
Je viens tout juste de finir un livre par Harlan Coben, son dernier. J’ai toujours aimé Harlan.

Stephen King : « The Boy from the Woods ». Je l’ai lu, je l’ai bien aimé. Je l’ai beaucoup aimé.

John Grisham : J’ai toujours aimé James Lee Burke. Les noms habituels. Michael Connelly. J’ai entendu que le nouveau Scott Turow sort la semaine prochaine. Je récupère toujours ses livres quand il en sort… J’achète beaucoup de livres pour aider ma librairie du coin, donc ils s’empilent. J’avais prévu de beaucoup lire, mais bien que j’ai plus de temps avec cette quarantaine, le virus, cette pandémie… C’est facile d’écrire le matin parce que tu travailles pour te distraire et finir un projet, mais j’ai parfois des difficultés à lire. Je me retrouve facilement distrait. J’entends de mauvaises nouvelles… et toi, est-ce que ça te dérange (et l’empêche de lire, ndlr)?

Stephen King : Oui, j’ai une facilité à regarder le journal le matin et ensuite j’essaie de m’éloigner des actualités télévisées, des trucs financiers et tout ce qui a à faire avec le même cycle habituel. J’ai lu un livre… Tu sais de temps en temps tu te sens triste quand un livre se termine. J’ai lu un roman par Sara Lotz, « Missing Person », et c’est un de ces livres. Elle arrive à combiner une histoire autour des groupes sur internet qui essaient de chercher les gens disparus, des cadavres, ce genre de choses. Et elle l’a combiné avec un mystère à la Agatha Christie. Et ça marche! J’ai aimé les personnages.

 

Sarah Lotz Missingperson

Stephen King avait aussi fortement apprécié et commenté ses précédents livres « 3 »  (autour de crashs d’avions) et « Jour Quatre » (autour d’une croisière).

 

 

Stephen King : J’aime les histoires autour de gens qui démontrent une grande amitié et ce livre en avait. Donc j’ai beaucoup apprécié ce livre et j’apprécie celui de John Sanford. Il y a des auteurs qu’on lit parce qu’ils sont fiables. On sait que lorsqu’on obtient leurs livres on va avoir une bonne histoire. Je pense que c’est l’une des raisons pour lesquelles on a rencontré un certain succès.

John Grisham : Oui, oui. D’accord, voici une question sérieuse de ma part, et pas du public. Comment est-ce que tu gère la vie, en avril, sans baseball?

Stephen King : (Pensif…) Tu sais, pendant un temps ça ne me gênait pas, tout semblait aller et puis, à un moment donné je me suis fais la remarque qu’il me manque quelque chose qui compte beaucoup pour moi. Le baseball était important pour moi. J’aimais le regarder, j’aimais en parler, mais par dessus tout, c’était une connection avec Owen, mon fils cadet. Joe et moi parlons tout le temps de livres et d’histoires, et c’est génial. Il parle de choses qu’il a vu à la télévision, ou me donne des conseils sur ce que je devrais regarder, mais Owen et moi parlons de baseball. Nous sommes de grands fans des Red Sox, depuis toujours. Et tu sais, quand j’ai vu qu’un de nos types qui gère l’informatique et qui organisait cette conversation, qu’il portait une casquette des Yankees, j’avais juste envie de lui dire de s’éloigner (en plaisantant, ndlr). Ca me manque beaucoup, et voici une question sérieuse pour toi au sujet du baseball : que penses-tu de regarder des matchs de baseball joués dans des stades vides?

John Grisham : Steve, en ce moment j’aime regarder un match de la petit ligue japonaise. Je m’en fiche. J’aimerai regarder du baseball. J’ai un parc que j’ai fais construire, pas trop loin de chez moi. Il y a 7 terrains, entre 400 et 500 enfants qui y jouent tous les ans, que ce soit du Tee-ball , du baseball, du softball, et ça y est depuis 25 ans. C’est un très beau terrain dont je suis toujours le haut fonctionnaire parce que personne ne veut l’être. Je suis toujours le propriétaire parce que je ne peux pas le donner, mais ce parc est vide. Nous avons eu un très beau printemps chaud, ici au centre de la Virginie et le parc est vide, car les enfants doivent se rencontrer pour jouer. (…) C’est sympas de suivre le baseball de lycéens, et tes Red Sox et mes Cardinals ne jouent pas.

Stephen King : John, nous sommes tellement similaires. Il y a 25 ans, j’ai fais construire un terrain à Bangor, dans le Maine. Le complexe Mansfield. A la même époque que toi, et ce n’est pas littéralement un parc, c’est pour la ligue des grands. Les joueurs de la World Series y jouent depuis des années, les gens y vont et disent à quel point c’est agréable. Les enfants aiment jouer sous les projecteurs parce qu’ils peuvent y jouer la nuit, avec la lumière, avec le système électronique des scores… ca ne projette pas de feux d’artifices ou des trucs de ce genre, mais c’est un beau terrain et c’est vide. Cette année c’est complètement vide. Et je ne sais pas si c’est pareil avec ton terrain, mais le truc à Mansfield, c’est que ça n’a jamais été aussi beau. Parce que la météo a été belle, parce que les jardiniers y vont. Ce sont des papas locaux qui y vont, ils arosent le terrain, et font tout ce genre de choses, donc c’est très beau. Tout ce qu’il manque ce sont des enfants pour y jouer. Quel dommage.

 

 

Shawn Trevor Mansfield StadiumLe stade Mansfield, du nom de Shawn Trevor Mansfield, handicapé et dans une chaise roulante, décédé à l’âge de 14 ans…

 

 

John Grisham : Le baseball a tout survécu. Des guerres, les dépressions, les récessions, nous l’avons toujours eu. Et c’est générationnel. Mon père était un grand fan des Cardinals, son héro était Dizzy Dean. Mon grand-père était aussi fan de Dizzy Dean. Ça remonte à quand j’étais un enfant qui grandissait à Arkansas, dans le Mississipi. Un match des Cardinals était tous les soirs à la radio. Nous connaissions tous les matchs, tous les joueurs, tous les scores et on les rejouait le lendemain. C’était la vie à l’époque.

Stephen King : C’était la musique de l’été, n’est-ce pas?

John Grisham : Oui, nous jouions au baseball dans le parc du quartier, il y avait une radio posée dans un coin et nous écoutions l’entraineur, Mr Carmell. Il y avait 3 ou 4 petites radios avec les matchs. On savait toujours qui jouait, quel était le score, c’était juste ce que l’on savait. Tout le monde le savait. Et si tu étais en voiture, c’était à la radio. Si tu étais à la maison, c’était à la radio… avant même que les chaines cablées n’existe. Cela a joué un rôle majeur dans mon enfance…

Stephen King : Le truc c’est que, pour des gars comme nous, peut-être que nous avons perdu 200 personnes (lors de la discussion en directe sur youtube, ndlr) parce que les gens ne sont pas tous des fans de baseball, mais je ne suis pas sur de ce qu’il va se passer. Franchement, avec les équipes professionnelles de football (américain) cette année. Ici, dans cette partie de la Floride où j’habite, ils sont fous au sujet de l’équipe de Tamp Bay. Ils ont engagé Tom Brady, et ils ont Rob Gronkowski qui est venu avec lui, c’est comme s’ils réunissaient ces deux joueurs. Ils sont à fond dans le football, ils écrivent à ce sujet, ils en parlent tout le temps à la télévision quand ils ne parlent pas du coronavirus. Mais je ne suis pas sûr qu’ils vont jouer. Il n’y a pas de golf, il n’y a pas de Nascar cette année. Il y a un grand vide dans la vie des gens, et ce n’est que le début. Les cinémas sont fermés. Aaaah, ça me manque tellement les films. On ne peut pas passer son temps devant Netflix.

John Grisham : Oui, ils ne filment rien d’ailleurs. Netflix et HBO ont beaucoup d’argent mais ils ne filment rien et qui sait ce qu’il va se passer? Est-ce que tu as un film ou une série de prévue pour l’année prochaine?

 

Histoiredelisey Serie Stephenking Apple Julianne Moore

 

Stephen King : Nous étions à 24 jours de finir le tournage principal de la série « Lisey’s Story », à New York. Nous étions en de train de tourner au parc industriel Brooklyn Navy Yard, et tous les jours qui passaient je me disais que nous étions un jour plus près de terminer, mais ils ont arrêté. Ils devaient le faire. Tout à été fermé, et nous voulions protéger les vies, nous voulions garder les gens en bonne santé autant que possible. Donc c’est là-bas. Les plateaux de tournage sont géniaux, dans des entrepôts (les plateaux sont tellement grands qu’ils devaient être dans des entrepots), et pour autant que je sache, ils sont juste là-bas. A un moment donné, la production recommencera, probablement sur tout, mais pour l’instant tout est fermé et je pense que certains des cinémas ne pourront pas ré-ouvrir. Les librairies ont un produit qu’elles peuvent vendre, et les gens peuvent acheter des livres chez leurs libraires indépendants (ce que je préfèrerai plutôt que d’acheter chez ce géant avec ce logo en sourire – il faut bien entendu comprendre Amazon, ndlr), je supporte les indépendants. La grande société avec le logo en sourire est bien, ils vendent beaucoup de livres. Mais les cinémas… tu ne peux pas voir un blockbuster à la porte.

John Grisham : Oui. Ces 5 dernières années, tu as eu beaucoup d’adaptations en films et séries. Comment est-ce que tu expliques cela?

 

Pennywise 2017 2

 

Stephen King : Je pense que tout est dû au clown. Je pense que dans 50 ans, les gens ne se rappelleront peut-être plus qui était Stephen King, mais ils se rappelleront de Grippe-sou le clown. Et le succès de ce film a plutot été une surprise pour Hollywood, c’était clairement une surprise pour moi. Je savais que c’était un bon film, mais je n’avais aucune idée qu’il ferait ce genre de chiffres au box office. Presque un milliard de dollars (pour l’ensemble des 2 films, ndlr). Tu connais le dicton : « la marée montante soulève tous les bateaux », donc je pense que beaucoup d’autres choses ont découlé de ce succès. Et l’autre truc, que tu sais très bien, c’est que les plateformes de streaming sont à la recherche de contenus. Ce sont des machines qui veulent sans cesse du contenu. Donc beaucoup de ces services veulent nos contenus.

John Grisham : Quel a été ton dernier caméo?

Stephen King : J’ai fais le propriétaire d’une boutique de brics à bracs dans « ÇA Chapitre 2« . Et toi, est-ce que tu as fais des caméos?

John Grisham : Je ne peux pas jouer. Toi tu le peux.

Stephen King : Non non non, je ne peux pas jouer.

John Grisham : Tu es un tellement bon acteur Steve, on veut te voir davantage à l’écran. (Se met à rires)

Stephen King : Merci John, merci John, c’est très gentil de ta part. Nous approchons de la fin. Que voudrais-tu dire que nous n’avons pas encore évoqué? Nous n’avons pas répondu à beaucoup de ces questions.

John Grisham : Une question pour toi. Nous venons de publier, cette semaine et la semaine dernière, quand vas-tu sortir un autre livre?

Stephen King : Et bien je n’ai rien de prévu pour le moment. En fait, c’était amusant quand tu parlais d’écrire vite, j’ai en réalité un roman moyennement long qui sortira peut-être l’année prochaine. Peut-être qu’il sortira directement en poche. C’est une histoire à suspense avec une touche de surnaturel. Et toi? Tu en as déjà un de prêt, avoue le!

 

(Si le livre devait sortir directement en poche, on pourrait présumer qu’il sera publié, en version originale, chez Hard Case Crime. L’éditeur de « Colorado Kid » et « Joyland« )

 

Stephenking Paperback Originals

 

John Grisham : Non, j’en approche. Je commence chaque année, le 1er janvier un thriller et mon objectif est de le finir pour le 1er juillet, donc 6 mois d’écriture… et je suis généralement dans les temps. La grande différence est qu’actuellement il n’y a pas de voyages. Généralement je pars une semaine pour diverses raisons, je vais à un festival littéraire…
On a annulé 6 ou 7 déplacements pour le moment, cette année, et n’avons pas de projets. Je suis donc tout le temps à la maison et j’ai plein de temps pour écrire. J’écris une sorte de suite à « Non Coupable » (A time to kill). Un livre dont l’intrigue se déroule dans le comté de Ford, je l’ai peut-être déjà dit, mais je suis en avance sur mon planning bien que le livre devienne plutôt épais. Et je ne suis pas sur que j’approche prochainement de la fin… Je ne fais qu’écrire. Ça sortira en octobre.

Stephen King : Oui, le truc avec le fait de rester chez soi c’est que je n’ai plus d’excuses (pour ne pas écrire, ndlr).

John Grisham : Ouais.

Stephen King : Je m’asseois tous les jours (au bureau), écris et les pages s’empilent. Ce qui est super.

John Grisham : Oui, nous sommes chanceux de pouvoir faire ça.

Stephen King : Nous sommes très chanceux de pouvoir faire cela. Absolument. Et bien, un dernier commentaire? Quoi que ce soit que tu veux ajouter?

John Grisham : Non, c’est super de te voir. C’est à toi de venir me voir. Je suis venu te voir à Sarasota, il y a environ 3 ans pour ta bibliothèque, j’ai passé un bon moment. Avec toi et Tabby. Tu es venu à Charlottesville, tu as été à Oxford, il y a 25 ans, donc…

J’ai une bonne petite histoire : quand « La firme » est sorti, en 1991, c’était un bestseller et j’ai reçu un jour un mot de Bangor, dans le Maine. De la part de Stephen King, et il disait : « J’ai aimé « La Firme », et bienvenue dans la cour des grands ». J’ai trouvé que c’était plutot élégant et j’ai donc invité Steve à venir à un festival littéraire à Oxford, au printemps 1994 je crois, et Steve m’a demandé si j’avais une camionnette. J’ai dit « oui », et il a répondu « J’aimerai bien visiter un peu, au calme, dans un fourgon et voir des rednecks. »

Stephen King : (Rires) Est-ce que j’ai utilisé ce mot, rednecks?

John Grisham : Tu as dit « J’aimerai observer de vrais rednecks ». J’ai répondu que je pouvais probablement t’en trouver dans le coin. Tu es venu, on a passé un super moment durant cet événement sur le campus à Ole Miss. Puis on a vagué dans ma camionnette et observer les locaux. Et nous avons passé une superbe visite.

Stephen King : Oui, tout a fait. Et ça a été une merveilleuse visite.

John Grisham : Oui, c’était bien amusant. Refaisons ça. Retrouvons-nous.

Stephen King : Oui, faisons-le une autre fois.

John Grisham : Nous ne rajeunissons pas Steve.

Stephen King : Excuse-moi?

John Grisham : Nous ne rajeunissons pas.

Stephen King : Non, nous ne nous rajeunissons pas, mais on est beau. On est beau pour notre âge. Toi tu l’es en tout cas, et on espère que les gens cliqueront sur le lien et feront une donation pour BINC

John Grisham : Sur le lien pour BINC

Stephen King : BINC c’est la Bookseller Industry Charitable Foundation. BINC. Donnez un peu d’argent. Achetez des livres chez les libraires indépendants, achetez des livres, lisez des livres. Prends soin de toi John.

John Grisham : On se voit bientôt Steve.

 

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